I Voix des pôles et des antipodes
ABORIGÈNE
Ian Mudie1
La vie ici...
La vie ici est cousue de fil de larmes
Elle est entrelacée de cris
Entremêlée de maux
Et vous
Tricoteurs de nos malheurs
De vos points cardinaux de bonheur
Avez-vous jamais vu
Des enfants en haillons de pleurs
Terre
La terre est notre feu, notre nourriture, notre beauté,
de la terre vient la matière de notre esprit ;
toutes les choses que nous aimons sont de la terre,
la terre nous façonne, de la terre
nous naissons, et de la terre
nous recevons le savoir.
Nous mangeons, et ce que nous mangeons est de la terre,
nous buvons, et la saveur du vin
est faite de terre.
N'est-il pas bon d'aimer
la terre que nous connaissons ? La vigne qui pousse
sous l'eucalyptus fait un vin d'une saveur
étrangère aux crus du nord.
La terre est ainsi notre sang ;
Allons-nous déformer notre esprit
comme s'il vivait d'une terre allogène ?
La terre dans notre sang.
Notre terre.
Cette terre.
Le héron bleu
Je ne suis pas le poète de la solidarité entre les hommes,
je ne chante pas la fraternité universelle
ni l'unité de toute l'humanité
d'un bout à l'autre du monde
-- je chante seulement la solitude,
la secrète solitude intime
que chacun serre heureux contre son cœur.
Je ne suis pas une grue brolga grégaire,
ni un étourneau ou moineau volant en essaim,
je suis seulement un inélégant héron bleu
qui maraude dans la vase au bord des étangs,
le long des barrages ombragés d'arbres,
ou pêche des pensées
dans des marécages où personne d'autre ne semble vivre,
si ce n'est mon reflet fantomatique froissé par les herbes.
Intrus
Quand je marche,
je ne sais pas
quel ancien sol sacré
mon pied profane peut-être
ou bien si mon pas me conduit
sur les lieux où un héros légendaire perdit son sang
ou versa le sang d'autrui
ou donna le feu à l'homme
dans le lointain temps du rêve.
Vénérables Anciens disparus
de la tribu morte il y a longtemps,
pardonnez
ma violation du tabou,
mon intrusion non cicatrisée ;
n'envoyez pas
un détachement de justiciers
hanter mes rêves.
Vous comprenez sûrement
que ma conscience
est déjà bien assez
contrite.
Oodgeroo Noonuccal2
Où nous allons
Ils arrivèrent dans la petite ville
Une bande à moitié nue, maîtrisée et silencieuse
Tout ce qui restait de leur tribu.
Ils sont venus ici à l'endroit de leur ancien terrain de bora
Où maintenant les nombreux hommes blancs se pressent comme des fourmis.
L'avis de l'agent immobilier se lit comme suit : "Les déchets peuvent
être renversés ici".
Maintenant, ils recouvrent à moitié les traces de l'ancien anneau bora.
Nous sommes comme des étrangers ici maintenant, mais la tribu blanche ce
sont les étrangers.
Nous sommes d'ici, nous sommes des anciennes voies.
Nous sommes le corroboree et le terrain de bora,
Nous sommes les anciennes cérémonies, les lois des anciens.
Nous sommes les contes merveilleux du temps de rêves, les légendes
tribales racontées.
Nous sommes le passé, les chasses et les jeux de rire, les feux de camp
errants.
Nous sommes l'éclair au-dessus de Gaphembah Hill
Rapide et terrible,
Et le Tonnerre après lui, cet homme bruyant.
Nous sommes l'aube tranquille pâlissant le lagon sombre.
Nous sommes les fantômes de l'ombre qui reviennent tandis que les feux
de camp s'éteignent.
Nous sommes la nature et le passé, tous les anciens chemins
disparus maintenant et dispersés.
Les gommages sont partis, la chasse et les rires.
L'aigle est parti, l'émeu et le kangourou sont partis d'ici.
La bague bora a disparu.
Le corroboré a disparu.
Et nous partons.
Julie Watson Nungarrayi3
Pardon
J'entrai en rampant.
L'endroit était étroit et sombre.
Les rochers me surplombaient comme des dents :
Dents essayant de mordre,
Dents pour la défense des peintures.
Je m'allongeai sur le dos.
La voûte était trop basse pour rester assise.
Les kangourous sautaient le long de la voûte,
Les serpents glissaient,
Les varans couraient,
Les émeus se pavanaient.
Je me demandai qui les avait mis là,
Qui les avait peints avec des pinceaux de bois mâché,
L'un rouge, l'autre blanc, l'un ocre, l'autre noir ?
Ils les ont mis là il y a longtemps...
Les anciens Nyiyapali,
Il y a longtemps ; à présent, c'est tout ce qu'il reste.
Disparus aussi ces fiers chasseurs, les femmes creusant la terre pour le
mata.
Leur langue, leur danse et leur chant.
Tout ce qu'il reste d'un peuple à présent :
De petits animaux peints.
PARDON4 !
Roland Robinson5
Jarrangulli
Entend ce lézard chanter,
c'est Jarrangulli.
Il chante pour qu'il pleuve.
Il est dans un trou en haut de cet arbre.
Il veut que la pluie remplisse ce trou
et le couvre lui.
Cette eau lui durera jusqu'à
ce que passe la sécheresse.
Il fait sec quand il chante,
Jarrangulli.
Dès qu'il commence à chanter,
Jarrangulli,
il est sûr d'apporter la pluie.
Ce compère, c'est le vrai lézard de pluie.
Il est pareil aux cacatoès noirs,
ce sont les compères qu'il faut pour la pluie.
Son venin est mortel. C'est
Jarrangulli.
Il te mordra pour sûr.
Si tu grimpes à cet arbre et passe ta main
au-dessus de ce trou, il te mordra pour sûr.
Il est noir avec des raies blanches.
Jarrangulli.
Il chante pour qu'il pleuve.
L'enfant qui n'avait pas de père
Avant que l'homme blanc arrive avec ses moutons, les plaines étaient
recouvertes de toutes sortes de fleurs.
Deux sœurs partaient marcher tous les matins parmi les fleurs, à la
recherche de nourriture.
Au temps où ces sœurs marchaient parmi les fleurs, il n'y avait aucun
homme
dans le monde entier.
Un soir, alors que l'une des sœurs marchait ainsi, elle vit une fleur et
se baissa
pour la cueillir.
À l'intérieur, la fleur ressemblait au visage d'un enfant.
Elle prit deux morceaux d'écorce et posa la fleur, entre les deux, sous
un tronc à terre.
Elle n'y pensa plus et continua de marcher parmi les fleurs.
Le soir suivant, cette sœur retourna sur les lieux.
« Oh, cette fleur a de plus en plus le visage d'un enfant. »
Elle prit une fourrure d'opossum pour en envelopper la fleur, puis
laissa celle-ci
à nouveau sous le tronc d'arbre.
Le soir suivant, quand cette sœur revint pour voir la fleur, elle trouva
un bébé
qui dormait.
Elle découvrit que ses seins avaient du lait.
Et chaque soir, elle partait à travers les fleurs nourrir le bébé.
Sa sœur vit que ses seins étaient formés.
« Oh, tu dois avoir un bébé. »
« Oui. » « Où est-il ? »
« Là-bas parmi les fleurs. »
Les sœurs y allèrent et trouvèrent l'enfant, qu'elles emmenèrent dans
leur grotte.
Cet enfant devint un homme intelligent et sage.
Ensuite, il monta au ciel.
Et chaque fois que j'entends les hommes blancs prêcher, cette histoire
me revient à l'esprit.
Cet enfant, il était comme Jésus, il vint au monde sans père. Il fut
formé d'une fleur.
Cette femme toucha cette fleur.
Si elle n'avait pas cueilli cette fleur, cela n'aurait pu se produire.
Tru Paraha6
Connaissant parfaitement tout ce qui est sur terre
Alors, mon cœur d'argilite frappé par le marteau s'ouvrit en deux
formant deux herminettes de pierre aux noms sacrés.
Libres, de ce canyon déchiqueté s'envolèrent des aigles et un faucon
sauvage ; des tempêtes de sable ; des léviathans ; un papillon venu de
quelque archaïque
forteresse.
Esclave de ma vocation
Je parlementai avec les dieux pour une vie, indiciblement sensuelle,
dévoilai
mon anarchie nue en offrandes d'or et de printemps, banquetai dans la
solitude.
Connaissant parfaitement tout ce qui est sur terre, je tends les graines
interrogatrices d'un front plissé.
Laisse-moi étonner, stupéfier --d'abord, comme femme, puis entre dans ma
splendide réserve de félicité.
Demande-moi n'importe quoi, demande-moi.
Je suis pure, parfaite, ignorance.
Je sais moins que rien.
AUSTRALIENNE
Bruce Beaver7
Prélude
Le seul espace que j'ai habité
a été moi-même. (...)
Lire Keats et Shakespeare m'a fait honte autant qu'il m'a procuré de la
joie.
Je ne pouvais même pas dire à quoi ressemblait un morceau de gâteau.
En fait, j'ai évité ce mot et la première personne du singulier presque
dès le
début.
J'ai travaillé avec ce que j'ai vu et j'ai essayé de le réinventer.
Après avoir écrit sur pratiquement rien d'autre que sur l'amour pendant
plusieurs années, j'ai essayé d'écrire sur tout sauf ça pendant encore
50 ans.
Mais il s'est enfoncé et j'en sais autant que les rues, les arbres, les
fleurs, l'océan et tout autour de moi, c'est presque rien jusqu'à ce que
je te rencontre et puis j'ai commencé Oh si lentement à apprendre
quelque chose de toi
par toi avec toi
et finalement je l'ai mis dans mon système et sur papier une fois pour
toutes,
mais même alors, c'était plus de 30 ans après l'événement des
événements
et bien sûr illégal dans son intention,
mais à ce moment-là, j'avais appris à perdre les peurs de ce genre
et versé mes petites quantités de passion dans des dés à coudre
d'additifs à
des poèmes autrement presque impersonnels
et finalement avant trop tard ouvert ce qui restait
des vannes rinçant notre paysage connu
une fois pour toutes8.
Rosemary Dobson9
Le tigre
Le tigre marche de long en large
Derrière les barreaux noirs de la page,
Il marche silencieusement sur des pieds furieux,
Son cœur brûle de rage.
Captif dans les lignes du type
Il cherche, et cependant ne peut jamais trouver,
Le monde où il était libre de parcourir :
Il est l'esprit furieux du poète.
Il était le monde à parcourir, qui
est maintenant captif de la page barrée de noir.
Lecteur, ouvre les lignes et affronte
Le splendide danger de sa rage !
Les Trois Parques
Au moment de se noyer, il invoqua les trois sœurs.
C'était une erreur, une aberration, de crier pour
La vie éternelle.
Il remonta comme un bouchon et revint au bord de la rivière,
Mettre ses vêtements dans l'ordre inverse,
Retourné à la maison.
Il a subi les énormes affres de la passion
Écrivant des poèmes de la fin à l'envers,
Essuyant les larmes qui n'étaient pas encore tombées.
L'aimer sauvagement alors que le jour régressait vers le matin
Il la regarda se balancer dans le jardin, rajeunir,
Pieds nus, chapeau de paille.
Et quand elle était partie et la maison et la balançoire et la lumière
du jour
Il y eut une pause d'un instant avant que tout ne recommence,
La bobine déroula vers la rivière.
Philip Hammial10
Pièges
L'article 12 interdit expressément de creuser des pièges dans les jardins publics. L'article 13, en contradiction apparente avec l'article 12, déclare que tous les pièges dans les jardins publics doivent être camouflés avec des feuilles de banian, les feuilles de chêne ne devant en aucun cas être utilisées à cette fin. L'article 14, en contradiction apparente avec 12 & 13, stipule que toute personne, sans exception, qui est tombée dans un piège couvert de feuilles de chêne dans n'importe quel jardin public au mois de mai est tenue d'assister à un banquet à l'hôtel de ville le 1er juin, un banquet présidé par le maire qui en cette occasion solennelle remettra les clés de la ville aux trappés de mai.
Proie
J'aurais dû envoyer cette carte d'anniversaire à ma sœur. Ai-je pensé à
double-verrouiller la porte d'entrée ?
Ce mot -- coupable -- que j'ai utilisé dans ce poème ; trop discordant,
& le thésaurus égaré. opto & puis le reste du signe metrist .
Ces photos nues de ma première femme - aurais dû les brûler.
Chaussettes trop épaisses pour ces chaussures.
Au milieu d'une vaste étendue de tuiles sur ce toit : une mauvaise
herbe,
vert olive.
Une fille d'environ seize ans, pourquoi boite-t-elle ?
Cet homme avec une jambe qui est venu me chercher en stop dans l'Ohio,
voulait que je touche sa jambe de bois. J'ai refusé.
Et si j'avais ? Serais-je ici maintenant ?
Besoin d'aide ? -- appelez le 1800 424 017.
Le crissement d'une courroie de ventilateur.
Le tronc d'un orme, ouvert, avec un cœur palpitant à l'intérieur.
Se frotter les mains pour les garder au chaud -- un vendeur de marrons
grillés
sur les Champs-Élysées.
Ce fret que j'ai transporté avec Gage par une journée d'été parfaite --
de San Francisco à Sacramento ; Gage mort à 58 ans, ses peintures au
Whitney, à la Biennale de Paris...
Cinquante-deux livres non lus sur ma liste.
Mouches persistantes, en ai presque avalé une.
Ce grain de beauté sur la cuisse de Paula, combien de fois l'ai-je
embrassé ?
Ces traînées de jets, si seulement je pouvais les regarder jusqu'à ce
qu'elles disparaissent.
Regarder quelques secondes dans les yeux d'un gnou (un gnou, ici, en
ville ?) -- sa respiration
ma respiration.
Frères
Seul à la maison, tard le soir, faisant ce que je fais toujours. Je
rame. Assis sur ma chaise de cuisine, enchaîné à une rame, je fais
partie d'une centaine d'esclaves qui veillent à ce que la galère
continue d'avancer sur une mer tantôt calme, tantôt déchaînée. En avant,
vers ce port lointain où, selon la rumeur, nous serons enfin libérés,
après toutes ces années.
Les autres, mes frères enchaînés, assis sur des chaises dans leurs
propres cuisines dans cet immense étalement de HLM, ramant sans cesse,
avec une force qu'ils ignoraient posséder.
Combien plus loin ? Combien de jours encore ? Ça ne peut pas être loin.
Mais que se passe-t-il si je suis le seul à ramer encore (la galère
semble avoir ralenti), les autres simplement assis à leur table de
cuisine en train de boire de la bière en grignotant des bretzels ? Ces
cochons gonflés paresseux, bien sûr qu'ils ont arrêté de ramer. Ils
m'ont laissé faire. Un accord tacite entre eux pour arrêter de ramer.
Cet imbécile du 108, il se flagelle encore ; il est insatiable.
Alec Derwent Hope11
Les îles errantes
Entre les îles errantes on ne peut jeter de ponts ;
L'esprit restant sans voisins, le cœur inéducable annonce
À tout coup l'armistice, mais il épuise son amour
À les attirer dans une plus proche séparation.
Absentes des cartes, tournant une épaule indifférente
Aux chasseurs d'îles, elles ne craignent Cook ni De Quiros ;
Les bâtisseurs d'empires ne sont pas pour leur faire peur ;
Les évêques missionnaires ni l'industrie touristique
Ne les annexent ; il ne leur faut pas de place assurée ;
Ni fières de jouir d'une latitude favorable
Ni dévotes du comité des atolls, elles n'adoptent
D'attitude spéciale devant la ceinture sismique.
Elles ne servent de refuge qu'au marin naufragé ;
Assis sur le rivage, il se masturbe maussadement
Et rêve de sauvetage, des bars des escales ou
Des putains aux larges hanches siégeant aux portes des docks.
Mais les îles errantes dérivent pour leur propre compte,
Que les baleines les contournent ou leur passent dessous,
Elles n'ont pas le souci de la miséricorde ultime,
Si elles se heurtent, ce n'est que tonnerre occasionnel.
Elles sont blessées cependant -- car les polypes sociaux
Ne corsètent jamais leurs côtes nues d'un récif moral ;
Quand les broient les isbergs, c'est à la fois terreur et beauté ;
Et elles ne sont pas à l'abri de la peine ordinaire.
Lorsque les surprennent les ravages soudains de l'amour,
À cette force majeure, à sa fonction irrésistible
Elles ne savent répondre par les mensonges commodes
Des aléas géographiques ou institutionnels.
Un moment de fureur, une montagne d'embrun explose,
Elles se ruent l'une sur l'autre, enclenchent leurs promontoires,
Un bref instant le naufragé hèle l'autre naufragé,
Mais leurs cris, leurs appels se perdent dans le choc tellurique.
Alors, en un fracas de falaises démolies, brouillées
Par l'écume épaisse, les îles errantes se séparent.
Mais tout ce qu'un esprit pourra jamais connaître d'un autre,
Le seul acte qui rompe le long isolement du cœur,
A tenu dans cet instant. Le marin naufragé devine
Sur un visage qui s'éloigne son propre désespoir,
Et il entend autour de lui la vague et le vent bramer,
Puissants et monotones : « Il n'y a pas de délivrance. »
École de Nuit
À ton École de la Nuit qu'ai-je étudié ?
Quand de ta bouche l'insondable premier oui
Eut ouvert ton corps pour qu'il fût mon livre, j'y lus
Mes réponses, j'y appris toutes les formules
Sans faute, mais en vain ai-je plus tard cherché
Les esprits évoqués, où tendaient leurs questions...
Les locataires familiers de ton sommeil,
Les autres chuchoteurs, les graves somnambules
Aux yeux tournés en dedans scrutant leur douleur,
Le géant boudeur sur le bord du cauchemar,
Et cette dormeuse tremblante aux poings serrés,
Dont un bébé vampire tète les orteils,
Ils m'ont tant appris. Le scribe tenait la plume,
Voyait son sang épais s'égoutter sur la page,
Former un texte en caractères inconnus
Et indéchiffrables, car ils changeaient sans cesse :
Aux lignes les delphiques barreaux d'une cage
Me firent prisonnier de ces vers magiques.
Mais, couché nu, je me suis réveillé, le verbe
Fait chair dormait, sa tête était sur ma poitrine ;
Le ruisseau du lit descendait le cours de l'ombre ;
Des étoiles jamais vues dansaient sur nos fronts.
« Des doigts l'aveugle lit mieux le corps de l'amour :
Lis-moi tout entière ! » murmuras-tu en rêve.
« Lis-moi, mon chéri, et traduis-moi dans ta langue,
L'étrange langue-d'Homme que tu sais par cœur ;
Musique mes mots dès qu'ils tombent de mes lèvres ;
Vite, mon amour ! La nuit ne sera pas longue ;
À l'aube s'en vont les images du sommeil
Et sa sombre sagesse se fond dans l'oubli. »
Or, me voici debout aux côtes de lumière,
Palpant ébloui le palimpseste effacé :
Le subtil froissement des runes archaïques
Aux rouleaux de mer morte qui furent mon cœur
Par un écho de ta nocturne école atteste
Que je fus pèlerin, et ta terre était sainte.
Emma Lew12
Proie
Je rêvais d'anéantir toute l'école
Je répétais et perfectionnais l'approche du "gentil géant"
Rebelle et provocante, je n'avais aucune ambition
La mort est un début, c'est magnifique
J'ai juré que je n'avais jamais tiré sur un mur sans fenêtre
J'étais calme et rejetée, et ai été autorisée à redémarrer
Et ai tué une jeune mariée, de manière peu concluante
C'est triste, mais je n'y vis plus
Pas comme on s'y attendrait - du vrai sang rouge foncé
Humide dans la ville connue pour sa bière
Je luttais avec une liste , me faisant peut-être passer pour un flic
Et j'ai enroulé mes doigts autour de ta gorge. As-tu paniqué ?
Je ne suis pas un expert, je ne connais pas la terminologie
Ils cherchaient un mec macabre ou écumé
C'est une route lente avec beaucoup de virages
Peut-être que j'aurais dû jouer davantage avec elle13
James Mac Auley14
Parce que
Mon père et ma mère ne se sont jamais disputés.
Ils étaient unis dans une sorte d'amour
aussi quotidien que le Sydney Morning Herald ,
plutôt que comme l'aigle ou la colombe.
Je ne les ai jamais vus se toucher avec désinvolture,
Ou montrer un moment de joie l'un pour l'autre.
Pourquoi est-ce que cela devrait autant m'importer maintenant ?
Je pense que cela portait plus durement sur ma mère,
Qui avait des sentiments plus généreux à exprimer.
Mon père avait endigué son sang irlandais
Contre tout breuvage priant l'inconscience,
Et s'était raidi en pierre et en bois grinçant.
Ses lèvres émettaient un son de commutation, comme si
l'impulsion spontanée devait être tenue à distance.
Que c'était principalement une faiblesse que je vois maintenant,
Mais alors mes sentiments se recroquevillèrent de consternation.
De petites choses peuvent enfoncer la mémoire comme un kyste :
Ayant vu d'autres pères saluer leurs fils,
j'ai levé mon visage d'enfant pour qu'on l'embrasse
Après une absence. La rebuffade étourdit encore
Mon sang. Le bref embarras du pauvre homme
Devant une si délicate offre d'affection
Coupé comme une scie. Mais la leçon fut retenue :
ma tendresse échappa désormais à toute détection.
Dorothée Mackellar15
Une vieille chanson
La floraison des amandiers est passée, les fleurs des pommiers
soufflent.
Je n'ai jamais aimé qu'un seul homme, et je ne le lui ai jamais dit.
Mes fleurs ne fructifieront jamais, mais j'ai gardé ma fierté -
Une petite chose froide et solitaire, et je n'ai rien à côté.
Le vent du printemps a attrapé mes rêves fleuris, ils ont légèrement
soufflé.
Je n'ai jamais eu qu'un seul véritable amour, et il est mort hier.
La vie d'attente
Depuis qu'elle est arrivée, avec le travail et les conflits,
je n'ai pas eu le temps de vivre ma vie,
je m'en suis détournée jusqu'à ce que
le travail soit fait et que les conflits s'apaisent.
Mes mains et ma tête sont libres d'utilisation,
Ma propre vie ne m'inquiète pas non plus,
Mais docile comme un épagneul attend
Jusqu'à ce que ce stress actuel s'apaise.
Tranquille elle respire, et attend, je le sais,
Avec toute sa joie contenue. Mais oh
j'espère que quand j'aurai le temps de jouer
Ma vie n'aura pas fui !
Judith Wright16
Femme à homme
L'ouvrier sans yeux dans la nuit,
la semence désintéressée et informe que je tiens,
construit pour son jour de résurrection
silencieux et rapide et loin de la vue
prévoit la lumière inimaginable.
Ce n'est pas un enfant avec un visage d'enfant ;
Il n'y a pas de nom pour le nommer;
pourtant vous et moi l'avons bien connu.
C'est notre chasseur et notre chasse,
le troisième qui gisait dans nos bras.
C'est la force que connaît ton bras,
l'arc de chair qu'est ma poitrine,
les cristaux précis de nos yeux.
C'est le sang sauvage de l'arbre d'où croît
la rose complexe et pliée.
C'est le fabricant et le produit;
c'est la question et la réponse;
la tête aveugle frappant l'obscurité,
le flamboiement de la lumière le long de la lame.
Oh, tiens-moi, car j'ai peur.
INUITE ET SAME
Anonymes
Festins
L'oiseau a mangé le ver
Le renard a mangé l'oiseau
Le loup a mangé le renard
L'ours a mangé le loup
L'homme a mangé l'ours
Et le ver mangera l'homme
et tout va recommencer
Le jour mangera la nuit
La nuit mangera le jour.
Le corbeau
Je suis montée sur le rocher
Sur le rocher de Krartoudouk.
Comme un corbeau est ce rocher
Comme un corbeau posé sur le terre.
Derrière ce rocher j'ai vu les glaces
J'ai vu les glaces jusqu'au loin
Et je me suis assise sur ce rocher
Qui a l'air d'un corbeau.
Je tremble de joie
Le grand flux de l'océan me met en mouvement,
il me fait flotter.
Je flotte comme l'algue à la surface des eaux.
La voûte céleste m'agite
et l'air puissant agite mon esprit
et je me jette dans la poussière.
Je tremble de joie.
Qu'est-ce que je te promets ?
Qu'est-ce que je te promets ?
Des cieux brillants et clairs
C'est ce que je te promets.
Comment l'eau a commencé à jouer
L'eau voulait vivre,
elle alla voir le soleil
et revint en pleurant.
L'eau voulait vivre
Elle alla voir les arbres,
ils brûlèrent, ils pourrirent,
elle revint en pleurant.
L'eau voulait vivre
Elle alla vers les fleurs elles fanèrent,
elle revint en pleurant.
Jusqu'à n'avoir plus de larmes,
gisant au profond de toutes les choses
entièrement épuisée entièrement claire.
Au début des temps des Yupiks
Au début des temps il n'y avait pas de différence entre les hommes et
les animaux. Toutes les créatures vivaient sur terre.
Un homme pouvait se transformer en animal s'il le désirait, et un animal
pouvait devenir un être humain. Il n'y avait pas de différence. Les
créatures étaient parfois des animaux et parfois des hommes.
Tout le monde parlait une même langue. En ce temps-là, les mots étaient
magie et l'esprit possédait des pouvoirs mystérieux. Un mot prononcé au
hasard pouvait avoir d'étranges conséquences. Il devenait brusquement
vivant, et les désirs se réalisaient. Il suffisait de les exprimer.
On ne peut donner d'explication. C'était comme ça.
Billy-Ray Belcourt17
Les reines de la réserve II
personnages :
fille rapiécée. fille faite de fragments. celle dont on ne peut
parler qu'en synecdoques. celle dont on ne peut crier le nom haut et
fort, seulement le murmurer du bout des lèvres.
mère de ce qui ne peut être materné. mère qui veut tout et rien à la
fois. celle qui a donné naissance à sa propre personne trois fois : 1.
la fausse couche. 2. le monde rétréci. 3. le contrecoup.
sœur feu de forêt. sœur qui se tient au cœur des décombres. celle qui
cherche les bonnes choses aux mauvais endroits. rien n'est utopie, donc
elle prie un dieu de lui donner un dos capable de se courber comme un
arbre qui se fend pour laisser place à la chaleur.
tante souveraine de poussière. tante de ce qui ne peut être
complètement oublié. celle qui est magie parce qu'elle disparaît et
réapparaît. celle qui marche tête en bas sur le plafond du monde et qui
ne tombe pas.
kookum d'amour malgré tout. kookum qui a créé un homme à partir d'un
souvenir. celle qui est un pays en soi.
père de cendres. père d'un passé sans bouche. celui qui a trop mangé
de couchers de soleil.
Kaga
Chant d'Anudadak
Je marchais au bord d'un lac
il y avait un renard qui grappillait des baies
il est venu vers moi, je lui ai pris la queue
et il m'a tiré jusqu'au sommet d'une montagne
ça soufflait un peu de l'intérieur
il y avait un petit vent.
Kibkarjuk
Et cependant il y a
une grande chose,
la seule grande chose :
Vivre pour voir dans nos huttes et nos voyages
le grand jour qui se lève
et la petite lumière qui remplit le monde.
Taiviti Naullaq
D'un chien à un homme
Petit homme tu ne sembles ni pressé ni anxieux.
lorsque nos routes se croisent
nous sommes tous deux heureux
à la vue du jour nouveau.
Petit homme, grand merci,
ton salut du matin me ravit.
Orpingalik
La terre était là...
La terre était là avant les hommes
Les tout premiers hommes sont sortis
De la terre
De la terre
Tout est sorti de la terre
Même le caribou
Un jour les enfants ont poussé
Hors de la terre
Tout comme les fleurs....
Hans Aslak Guttorm18
Langue maternelle
Langue des Sames - langue d'or,
pourquoi sommeilles-tu ?
Ne deviens pas muette, langue maternelle,
bien qu'une langue et des pensées étrangères
t'aient déjà creusé une tombe,
bien que tu n'aies encor éclos
pleine fleur et que le bourgeon ne se soit pas ouvert
Pedar Jalvi19
Flocon de neige
Volant à travers l'air
doucement, tombant, des flocons,
sur les pierres, les bouleaux nains,
blancs, couvrant les terres, les contrées.
Le corps lui-même est si petit
quand il est face à des millions,
emplissant creux et touffes d'herbe
qui vite deviennent monceaux,
derrière les pierres, devient congère.
Et face aux rayons printaniers
fondent ces minces flocons,
devenant gouttes, clairs miroirs,
et ensemble devenant
torrents, fleuves, lacs, et mer ;
puissante, grande est leur unité.
Harriet Nordlund20
Âge
Mains âgées.
Joues de cuir.
Ton regard au loin.
Le temps
qui depuis longtemps a cessé de faire tic tac dans ta tête.
Les jours qui se sont envolés.
Le sourire quand tu regardes mon enfant jouer.
Ici tu as toi-même grandi.
Tu connais chaque pas.
La forêt est ton corps.
Histoires du passé.
Soudain tu es jeune de nouveau.
Je me rappelle comme tu marchais.
Ce que tu pouvais porter.
Il n'y avait qu'une chose :
le travail.
Nous ne savons pas quel est le mot.
Tu ressens la fatigue de nouveau.
Silence.
Tant de questions que j'aimerais te poser.
T'entendre dire tes pensées sur aujourd'hui.
Comment nous vivons ?
Que vois-tu ?
Je vois tes cheveux blancs.
Ton regard, si loin.
Moses Olsen21
Explication
Si tu penses me demander
pourquoi j'écris,
pourquoi je fais des chansons,
pourquoi j'écris des poèmes,
alors va à la grande rivière,
qui écume et s'agite
sur le flanc de la montagne,
penche ta tête vers l'eau
et demande-lui :
« Pourquoi jaillir éternellement ? »
Et l'eau te répondra ainsi :
« Monte sur le sommet de cette immense montagne ;
là-haut,
dans le calme et le silence éternel,
tu trouveras la source murmurante
dont je viens,
dont j'ai eau,
dont j'ai force et puissance.
Va et demande à cette source :
Pourquoi tu jaillis toujours, en murmurant ? »
Paulus Utsi22
Le mot
Chuchote vers le rocher
dans une cachette quelqu'un écoute
reçoit le mot
l'emporte
et l'accomplit
KANAKE ET MÉLANÉSIENNE
Mythe mélanésien de l'île de Vanuatu
Tout homme est tiraillé entre deux besoins.
Le besoin de la Pirogue, autrement dit du voyage, de l'arrachement à lui
même,
et puis le besoin de l'Arbre, celui de l'enracinement, de l'identité.
Les hommes errent donc constamment entre ces deux besoins,
cédant tantôt à l'un tantôt à l'autre
jusqu'à ce qu'ils comprennent
que c'est avec l'Arbre que l'on fait la Pirogue.
Patricia Artigue23
SDF
Infortune serrée dans deux sacs en plastique,
Avec pour compagnon un vieux chien arthritique,
Il est assis par terre comme sur le bord du monde.
Payant cash, au prix cher, une vie vagabonde,
Il regarde passer sans espoir d'attention
Une foule distante frisant l'accusation.
Dans ses yeux fatigués trop de rêves éteints
Mais tant de souvenirs et tant de beaux matins :
Un rafiot navigant, seul, au cœur d'un cyclone,
Remontée à la rame d'un bout de l'Amazone.
Évoquant, nostalgique, des Andes la Cordillère,
Il s'imagine grimpant le Marché aux Sorcières,
Puis sillonne, ébloui, le lac Titicaca
Et se revoit marcher cette fille à son bras...
Le plus pauvre, au final, n'est pas celui qu'on croit,
Celui qui apitoie, que vous montrez du doigt,
Que, gênés, vous pensez que la vermine ronge...
Qu'ils sont rares, les passants, riches d'autant de songes !
Tusiata Avia24
Pa'u-stina
Je suis la diabolique fille pa'umuku
je déambule dans la rue en re-remuant mes susu
je mâche un chewin gum et souris avec mes dents d'or éclatantes
je harangue les bonnes femmes
assises dans leurs maisons
eh, ai kai ! Et je leur fais admirer mon cul.
Je suis la fille chienne qui a le feu au cul
ils m'appellent toujours "cette femme", jamais "cette fille"'
mes choses s'entre-frottent et foutent le feu dans leurs maisons
mes grosses jambes de taro mon gros ventre de taro mes gros susu de
taro
je passe devant toutes les bonnes femmes
et je ris avec mes dents blanches éclatantes.
J'ai l'odeur d'une chaude pluie d'éclair
et tous les bonshommes en ont après mon cul
tous les bonshommes qui attendent dans le dos de leurs femmes
tu es la bonne fille la fille bandante la mignonne jolie fille
ils courent comme des chiens je les laisse lécher mes susu
et ils courent derrière moi puis filent rentrer chez eux.
Je passe devant la demeure du grand chef
je marche sur mes talons hauts comme la lance écla-clatante
mon soutif est si serré à bloc qu'on dirait que j'ai 4 susu
tout le conseil des chefs a les yeux rivés sur mon cul
et ils inventent une amende spéciale pour punir la fille pa'umuku
je peux entendre ri-rigoler et sourire les femmes
mes ongles d'orteils rouges s'agitent devant ces femmes
mes ongles d'orteils rouges bribrillent devers ces femmes casanières
je suis la diabolique fille pa'umuku
et je ris avec mes rouges lèvres brillantes quand on vient me coller une
amende
je soulève ma jupe et montre mon gros cul de taro
je ris comme une chienne, un volcan remue mes susu
je bois sur la route et je m'amuse avec mes susu
dansant avec les hommes-chiens qui s'échappent de leurs femmes en
courant
je ris des hommes chiens qui me lapent le cul
je ris des hommes chiens qui sont loin de leur maison
je ris des hommes chiens aux culs noirs luisants
je t'aime belle fille je t'aime fille bandante je t'aime fille mignonne
je ris comme une chienne comme le volcan comme le trou du cul
Ils pleurent ces hommes après mes susu
nous voulons ta chaude pluie nous avons oublié nos femmes
nous descendrons au Pulotu
nous irons là bas avec nos noirs culs luisants25.
Déwé Gorodey26
Le maître du sanctuaire
Point maître
de la terre
sur le tertre
le prêtre
dit sa prière
à l'ancêtre
tutélaire
dans la pierre
du sanctuaire
Une voix qui passait
L'oiseau s'est posé de mémoire
sur ma main inerte
pour me laisser
plein les doigts
des mots idoines à pétrir de ma paume
La mer m'a emmenée de mémoire
sur une île déserte
pour m'offrir
la mélopée des vagues
le silence de l'écume
et les voix de la terre
Le vent est venu de mémoire
hanter le pourtour de ma case
pour m'apprendre
à lire l'illisible
à voir l'invisible
Mais étaient-ce bien
l'oiseau la mer et le vent
ou seulement la parole qui se souvient
dans l'impatience de vibrer
ou encore la mémoire des mots
lasse d'attendre de vivre
Mais étaient-ce bien
ma case ma main et une île
ou seulement une voix qui passait
égarée sous des idées
portant les maux de la terre
pour se battre et bâtir un monde autre
A l'orée du sable
Une salade du lagon
un verre de muscat un rôti à l'ananas un passage de mouettes
une dégaine marginale se dorant au soleil en début d'après-midi
frais comme de saison
de confidence Amicale à la mesure du temps
en transparence turquoise de lagon ensoleillé
à l'orée du sable
une image de gamin fond en ma mémoire
et se confond en douceur à celle du mien disparu
La mémoire est làau début du sable du temps
Denis Pourawa27
Témoin
Chacun l'a vécue
Une histoire de terre revendiquée
De rêve désemparé
D'habitation carbonisée
D'effort blessé
Crache ton venin sur ces murs de béton
Frappe du poing et que gicle ton sang
Tiens-toi debout, à genoux sur ton ombre
Respecte le danger et ne souffre jamais
Le premier respire avec dignité
Le second renifle sa fierté
Le troisième cherche
Trouve chaussure à son pied
Dans cette terre plus qu'ailleurs
Respecte et ne doute jamais.
Union des jeunes oubliés...
Union des jeunes oubliés
Il y a deux armures
Le ghetto, la tribu
Il y a deux armes
La haine
Le respect
Une fatalité
Le combat.
Paul Wamo28
Je viens de là
Je suis chef du clan des guerriers vulnérables
on raconte que mon île était un petit caillou
un petit caillou qui surgit de la mer et fut séché par le soleil
et plus le soleil chauffait le caillou et plus le caillou grossissait
je viens d'un petit caillou séché par le soleil
je viens d'un océan pacifique le plus grand et le plus oublié du monde
je viens de plus loin que moi-même et d'encore plus loin que moi-même je
viens du ventre de ma mère moi noir de ma propre nuit
En sortant du ventre de ma mère j'ai élevé le premier cri
en élevant le premier cri j'ai poussé mes larmes neuves
et en poussant mes larmes neuves je me suis mis à marcher
et quand je me suis mis à marcher je suis arrivé jusqu'ici
je viens d'hier et d'hier
je suis là maintenant bien plus loin que moi-même
je suis à présent et je me tiens devant vous
et dans mon panier de parole il y a ma voix et ma bouche
et de ma voix et ma bouche
je demande la parole je demande la parole
Alors voici mes mots que tu peux prendre
que tu peux manger que tu peux même jeter à la poubelle
et c'est tout ce que je peux faire
et le temps ne nous attend pas
la mort vient sans que nos yeux n'aient pu la voir venir
J'écris parce qu'écrire pour moi c'est tout donner
ce n'est pas un poème ce n'est pas un poème que je récite là
c'est un soleil qui se couche c'est une nuit qui déborde
des territoires tremblants qui sortent de mon ventre
des ambulances des marches en désordre
c'est une trace qui s'accroche pour toutes celles qui s'effacent
ce sont des serpillières pour des sols qu'on a souillés jusqu'à terre
c'est une histoire d'amour plus grande que l'amour
et ça vient comme ça arrive ça vient comme ça arrive
ça vient comme ça doit être plus fort que tout ou rien
Chérie ô chérie donne-moi juste le temps de retrouver le feu
ne jamais se dire que ça ne sert plus à rien
suivre demain et après-demain et après et après-demain
comme un fou qui aime le jour comme un fou qui croit toujours
le pouvoir de changer les choses commence par un petit pas
le pouvoir de changer les choses commence par changer soi
et même si le temps est long jusque-là
le soleil lui se lèvera toujours toujours.
MAORI
Hiria Anderson29
Langue fourchue
Tu me regardas dans les yeux
sans un tressaillement de ton front plissé
ni un pli de ta bouche souriante aux lèvres fines
et en remuant les mains tu dis :
« Même si nous contrôlons les voies maritimes
cela ne vous empêche pas de prier 'votre' dieu de la mer »
et tu t'attendais à ce que je sourie, puis tu dis :
« Nous serons de meilleurs gardiens car nous avons de l'argent »
et tu t'attendais à ce que je me sente mieux, puis tu dis :
« Ce n'est pas seulement 'nous' qui polluons les eaux mais tout le
monde »
et tu t'attendais à ce que je sois d'accord, puis tu dis :
« Bien sûr que vous 'pourrez' manger les fruits de mer après que nous
aurons nettoyé le système d'assainissement »
et tu t'attendais à ce que mon fils mange, puis tu dis :
« Tout le monde profitera de cette vente, ils ont besoin de notre
sable »
et tu t'attendais à ce que j'y croie.
Mais je n'y croirai jamais30 !
Jane Arthur31
Le ciel comme métaphore de tout
Nous ne pouvons pas dire si le ciel s'accroche
au soir ou est heureux d'accueillir ce nouveau matin---
tout dans cette existence enveloppée et encapsulée
dans les couleurs changeantes et
comment nous remarquons constamment les nuages.
Formes idiotes et toujours changeantes,
à quelle vitesse elles voyagent, etc.
En vérité, nous détestons la façon dont la lumière gagne toujours
dans le ciel, dans les salles,
dans les films où c'est un remplaçant pour le bien,
mais jamais dans nos vraies vies.
Bien que nos yeux finissent par s'adapter, et que nous nous
débrouillons...
comme le soleil se levant le matin dans le ciel.
Hilary « Baxter32
Octobre 1972
Ma joie est une joie tribale
ma solitude forte solitude
et ma tristesse
ce sont des allées de fleurs
qui mènent à la rivière
où va et vient le taniwha génie des eaux
et les chouettes appelaient
un père aux pieds nus
mon père
disciple du Christ maori
J'entends un vieil homme chanter
il a les cheveux dans la lumière du soleil
James Keir Baxter33
Sonnet de Jérusalem
Le petit pou gris nuageux qui niche dans ma barbe
N'est-ce pas, comme certains l'ont appelé, "une perle de Dieu" -
Non, c'est un bourreau ardent
Me réveiller à deux heures du matin
Ou à peu près, quand les lumières sont encore allumées
Dans les maisons du pa, pour traverser l'herbe épaisse
Mouillé de pluie, pieds froids, à genoux
Pendant une heure ou deux devant le scintillement rouge
La lumière du tabernacle --- ce qu'il voit à l'intérieur
Mon esprit sinueux, je ne peux que le deviner -
Un fou, un rien, un conteur
Avec qui il peut plaisanter - "Seigneur", je lui demande,
Est-ce que tu t'attends ou non à ce que je supporte les poux ?'
Son rire silencieux secoue encore les collines à l'aube.
NÉO-ZÉLANDAISE
anonyme
Ces îles informes...
Ces îles informes, sur l'établi du scieur,
Attendez le ciseau de l'esprit,
Des canyons verdoyants au sud, immenses et passifs,
Pénétrés rarement, ensemencés seulement
Par le coup du cerf-cueilleur, ou bien dans le nord
Tribus du requin et de la pieuvre,
Mangroves, cheveux noirs sur la main d'un boxeur.
Les pères fondateurs avec leurs fusils et leurs bibles,
Botaniste, baleinier, os et noms ajoutés
A la terre, à nous une bride
Comme si le ça était un cheval : les villes marécageuses
Comme des rêveurs qui luttent pour se réveiller,
Envie de la vérité des poètes
De la fierté de l'amant. Quelque chose de nouveau et d'ancien
Explore sa propre douleur, entend
Le chœur de la pluie sur des rideaux de mousse grise
Ou les doigts du Tasman pressant
Sur des seins de sable durcissant, comme des acteurs
Trouvent leur propre solitude dans les miroirs,
Comme celui qui a enterré ses morts,
Capable enfin de donner d'une main ouverte.
Eté 67
L'été fait ressortir les filles dans leurs robes vertes
Que les insensés pourraient comparer à des jonquilles,
Ne voyant pas comment une grand-mère morte en chacune gouverne ses
membres,
Assombrissant la corolle brillante, utilisant ses lèvres pour parler,
Ou qu'un couple d'argent a été tissé à partir
Des racines de l'herbe de lance humide.
Les jeunes sont maîtrisés par les morts,
Manquant de ruse. Mais sur les plages, sous le vent pur
Qui souffle par ici depuis les montagnes du Pérou,
Ivre du vent et du silence, ne bougeant pas d'un pouce
Tandis que les surfeurs montent sur des vagues attelées,
On peut commencer à trembler de rire,
Devenir soi-même un métal Neptune.
Ne rien vouloir c'est
La seule liberté possible. Mais je préfère penser à
Un après-midi passé à boire du rhum et des clous de girofle
Dans un petit bar, juste après le début de la pluie, dans un autre
temps
Avant de commencer à mourir - le goût de l'ennui sur la langue
Se dissout facilement et les lumières s'allument -
En quelle compagnie ? J'oublie.
Où pouvons-nous trouver les bonnes
Herbes, les boissons, pansements pour couvrir
Ces blessures intolérables à vie ?
Herbes de l'oubli, elles ont perdu le pouvoir de nous aider
Le jour où Aphrodite a posé sa bouche sur la nôtre.
Jacq Carter34
En comparaison, il n'y a pas de quoi se plaindre
Quand des gens comme toi me disent
que les choses ne vont pas mal aussi mal ici qu'ailleurs
je me dis que tu n'as pas été dans la région du Waikato ou parmi mon
peuple
il y a quelque deux siècles ni chaque jour depuis lors
vivant sur une terre qui n'est plus la tienne pêchant en des eaux qui ne
sont plus pures
ni à chaque réunion de chaque place de village ravivant les paroles mana
Māori motuhake
comme le font toutes les places de village du pays.
Tu sembles croire que les choses ici vont mieux parce que tu ne nous
vois pas mourir ou combattre ouvertement
comme si tout ça c'était du passé.
J'ai tendance à penser
qu'un des pires effets de la colonisation
c'est quand les gens ne luttent plus car ils n'en voient pas la raison
et pensent que tout va bien en comparaison.
Alors combien de Maoris as-tu convaincus aujourd'hui
que nous autres « Mahrees » devrions nous considérer chanceux
et que les choses auraient pu être pires comme elles l'ont été pour les
« Abos » ?
Anahera Gildea35
Comment construire un piupiu pour vos célébrations du jour de Waitangi
D'abord le karakia pour rassembler la famille ; la force
de votre fibre en dépend.
Ensuite, mesurez le motif et marquez avec des coupes claires et
régulières -
si vous ne le faites pas vous-même, votre ennemi le fera pour vous
année après année après année de protestation.
Exposez les muka, ces fils doux qui seront si pâles, si bruts,
qu'ils prendront toutes les couleurs avec lesquelles ils se
mélangeront.
La souplesse et l'adaptabilité sont un cadeau.
Ne les laissez pas l'utiliser contre vous.
Au lieu de cela, accrochez-vous, si vos cuisses peuvent le supporter, et
roulez vers le genou.
Faites bouillir ces mèches familiales jusqu'à ce qu'elles soient lisses
jusqu'à la veine; la peau de la nature.
Asseyez-vous près de cette douleur. Elle peut chanter.
Puis, par les fils de ces taonga tuku iho,
accrochez-les où ils sont visibles, jusqu'à ce qu'ils soient secs.
Ils se recroquevilleront sur eux-mêmes, le côté brillant caché
et deviendront des chambres creuses dans un silencieux en lin.
Enfin, plongez-les à froid dans la teinture.
Une interaction constante peut entraîner une coloration inégale,
ignorez cela - ne pleurez pas pour eux ici -
leur peinture de guerre sera révélée, leur motif défini.
Ces tubes durcis seront devenus des fléchettes à sifflet
capables d'avertir à longue distance
ki te ao whānui.
Que leur percussion commence.
Laissez-les chuchoter à l'oreille de vos enfants.
Bernadette Hall36
Paradis
Une galaxie d'étoiles sur une eau sombre,
la rupture de la meute.
Ou plus comme de la graisse qui se fige sur du mouton bouilli.
Quand il n'y a que du blanc,
quand tout se colore de blanc,
la terre, le ciel la glace et l'horizon,
les héros, alors qu'ils s'éloignent,
vous diriez qu'ils escaladaient un mur blanc vers le ciel.
Ruby Solly37
Six ans
Tu épingles une photo de ma montagne au-dessus de notre lit.
Je pleure une rivière dans les draps.
Vous sortez dans la nuit
et les essorez dans notre jardin.
Maintenant, tous ceux qui mangent ses fruits
sentiront leur corps fondre.
Bain noir
Une vie est un cycle de natation ;
nous passons d'ahurumowai aux lumières vives
avec des tremblements de terre et des bris de maisons,
nous naissons bruns et respirons à nouveau.
Le centre passé sur la terre nous tire vers le bas
alors que les choses feuillues apprennent à pousser hors de notre
portée.
Ce whānau n'a jamais eu d'échelle en une seule saison, nous attendions
que des fruits picorés tombent pourris à nos pieds,
du beurre mou moucheté dans la bouche.
Dans l'autre saison, nous pouvions voler,
nous pouvions grimper, nous pouvions respirer
tandis que les fruits non mûrs des plus hautes branches
nous piquaient la langue.
J'ai appris à voir mon corps comme une maison
grâce à la façon dont tu as coupé ces arbres pour me construire.
Je suis le bois tendre et le travail acharné.
Je suis le rêve familial de quatre enfants par famille - minimum absolu.
Je suis une fille entourée de fantômes de rêves anciens.
Ils m'ont appris avec des jeux de mains,
ring-a-ring-a-rosie vous montrant combien pourraient tomber sur des
soldats invisibles,
des corps étrangers dans l'eau,
des intrus dans les rivières respirant à travers les roseaux
qui n'attendent que de nous abattre.
Ils m'ont appris à être prudent,
ils m'ont appris à être silencieux
lorsque des inconnus connus nous ont demandé
comment nous avions volé une saison, puis ont offert à la rivière une
inondation la suivante.
Maintenant, je leur dis que je viens d'une longue lignée d'inondations
et de courants d'air.
Devant toi je suis ton jeune reflet,
façonné comme la douceur,
les yeux sombres bordés de bleu,
assis ici si loin de tes terres
sachant que tu ne reviendras qu'à travers moi.
Seulement à travers votre rêve de l'eau sombre
qui vous relie à un passé ressenti mais jamais vu.
Une fois que tu m'as appelé à tes côtés pour me tenir
"C'est mon travail maintenant de rêver", tu as dit
"C'est mon travail de rêver de bons rêves pour toi
jusqu'à ce que les rêves viennent et m'emportent"
Et j'ai su alors que nous étions tous les deux venus de cette eau
sombre
que nous seuls pouvions voir.
Vous me fermez les yeux
et vous me voyez mieux ainsi ;
nos deux contours
scintillent dans le noir.
Mary Stanley38
La Veuve
Irréfractable, par le feu endurci,
tempéré par la glace, cet amour que je lui porte désormais,
puisqu'il est mort, accablé au delà de tout confort ,
inaltérable comme la loi, cet amour ne grandira
ni ne diminuera plus. Le Temps mon catalyseur a taillé
cette pierre qu'aucune intempérie n'érodera,
qu'aucun courant ne polira jusque l'anonymat.
O violée brisée, aveuglée, elle fut un jour verdoyante;
la flamme de la sève s'éleva pour un baiser, et les baisers
combattirent
pour mourir d'une autre mort que celle qui le frappa
d'une balle perdue dans la guerre.
Quel poids d'années et de terre l'arbre vivant fait pierre
a rétréci mes flancs qui se refroidissent, allaité des fantômes
importunant chaque nuit mes seins aplatis39
Jacqueline Cecilia Sturm40
Chanson de Printemps
Oh certainement ce fut une belle journée
si belle que je suis allée marcher sur des pierres rieuses
qui s'esclaffaient toutes de ma cervelle d'horloge à aiguilles
tournant tournant autour d'un but toujours absent
et voué à n'être jamais, rien qu'un tic-tac.
Passant près d'un joyeux juge-arbre, je fus jugée,
condamnée et pendue avec les plus grains soins par une
brindille insouciante avec un bourgeon autour de ma nuque, équarrie
par un rayon de soleil et chantée par une grive
à la gorge torrentielle, sans tic-tac.
Cela jusqu'à ce qu'un vent vert m'emporte glacée
dans la tombe d'une jonquille pour y enterrer mon hiver;
roulée dans un lit de terre sous une couverture
de soleil, j'étais heureuse de croître comme les chous
croissent, ne sachant rien des tic-tacs, non41.
Deux mémos
Ne mens pas
comme s'il était couché à côté de toi
Ne bouge pas
comme s'il bougeait en toi
N'attends pas
comme s'il revenait parce qu'il n'est pas
Vous êtes obligé de vous revoir
Pas comme des bateaux dans la nuit
Ce serait trop facile
Mais comme étrangers marchant
autour d'une fontaine
Optimisme brun
Avec la poussière du travail un jour d'été
Ils se sont affalés avec une foulée insouciante de personnes venues
De nulle part, allant nulle part, souriant, fatigué,
Et maudissant en riant le Pākehā
Vernis. Pour eux la vie est une farce enfantine
Peindre en blanc le brun qui tache leur vie.
Leur monde antique a disparu, et dans le pā
La mort des traditions passées d'une fois
La race fière est pleurée par l'âge avec des gencives marmonnantes
Dans les tons doux de la langue mélodieuse méprisée.
Vous cherchez votre avenir dans la joie de l'homme blanc ;
Vous chantez vos chansons pour imiter son air insensé ;
Vous changez votre rythme au rythme du groupe de jazz;
Et esclave et sueur pour de l'argent si facilement dépensé ;
Vous jouez une partie perdante avec des dés pipés
Et ne connaissez aucune règle pour vous aider à gagner une chance;
Pendant que Pākehā attend tranquillement avec
Un sourire, pour vous déplacer à sa guise à travers
Le damier de sa politique et de sa foi.
Un enfant est passé; négligé, mal habillé
A l'imitation de la robe de l'homme blanc.
Pieds durs sur une route dure courant dans la chaleur
Pour dépenser l'argent de l'homme blanc dans le blanc
Le magasin de l'homme. Et qu'y a-t-il pour toi, oh enfant
De la fierté maorie ? Seras-tu avalé
La marée montante, et le sang se mêlent jusqu'à ce que tout
Votre patrimoine ait disparu ?
Ce ne sera pas le cas.
Car le marron doit apprendre du blanc, les règles à faire
De lui un partenaire égal dans le jeu auquel ils jouent ;
Et le blanc doit cesser de piétiner
Ces feuilles sombres de l'arbre polynésien.
Quand ce sera fait, on aura trouvé
Que l'un vaut l'autre, et de l'union naîtra une nouvelle
Passion de courir, avec courage et force pour affronter le monde
Et trouver enfin sa place et son but dans la vie.
Hone Tuwhare42
Pluie
Pluie,
Je peux t'entendre faire des petits trous dans le silence
Pluie
Si j'étais sourd, les pores de ma peau s'ouvriraient à toi et se
fermeraient et je te reconnaîtrais à ton léchage
Si j'étais aveugle, à ton odeur si particulière quand le soleil cuit le
sol
au stable bruit de roulement de tambour que tu produis quand le vent
tombe
Mais si je ne devais ni t'entendre, ni te sentir, ni te ressentir ou te
voir
toujours tu me définirais
tu me disperserais tu me laverais43
Pas un soleil ordinaire
Arbre, laisse tes bras tomber : ne les lève pas brusquement en
supplication
devers le brillant nuage enveloppé d'un halo.
Laisse tes bras manquer de solidité et de résistance, car ceci n'est ni
une simple hache à émousser, ni un feu à étouffer.
Ta sève ne montera plus de nouveau sous la traction de la lune.
N'incline plus ta tête déférente à la parole du vent, ne te roidis plus
sous le chatouillis de la pluie en trombe.
Ta rusticité passée ne sera plus couronnée par l'agréable vol des
oiseaux ni ne protégera ni ne rafraîchira l'ardeur des amants
insouciants du monstrueux soleil.
Arbre, laisse tes bras nus tomber n'étends plus de vaines supplications
à la boule radiante.
Ceci n'est pas un éclair de mousson galante, un commerce précipité du
souffle du vent.
La verdeur mourante de tes émanations magiques ne purifiera plus ces
cieux pollués...
Car ceci n'est pas un soleil ordinaire.
Ô Arbre dans les montagnes sans ombre les plaines blanches et le
plancher de la mer ta fin est enfin écrite44.
POLYNÉSIENNE
anonyme
Chants des Airoï
Veillez, veillez, ô Dieux ! Veille, ô Taaroa !... mais que le Dieu des
maléfices dorme la nuit !
Qu'il dorme le jour !
Du Levant et du Couchant nous arrivons vers toi.
Lève-toi ! ce sont les Dieux qui t'éveillent, lève-toi, ô lève-toi, ô
Déesse ! lève-toi, ô Roi !
Voici l'étoile Feinui qui brille dans le ciel ! voici les insectes qui
chantent dans l'herbe.
Lève-toi ! tes amis, tes compagnons t'appellent...
La Lune brille dans le ciel ; elle répand sa lumière sur la terre comme
une torche placée par les Dieux pour éclairer la couche nuptiale ;
La Lune brille dans le ciel ; elle répand sa lumière sur la terre comme
une torche placée par les Dieux pour éclairer le festin ;
Lla Lune brille dans le ciel...
Un diadème au front, elle nous offre un abri dans la maison des Dieux,
dans la maison des Dieux...
Heipua Teariki Bordes45
Les peuples de la mer...
Les peuples de la mer et de la terre se rencontrent à l'embouchure de la
vie
Que les deux vivent en harmonie
Sous la protection de l'espace lumineux
Prenez soin de ces trois matrices
La matrice de l'océan... la terrestre... et la céleste
Que les trois peuples habitent ensemble
Une seule pensée, un seul but, un seul mot... Et tout s'accomplira...
Heihere s'incline respectueusement sur le carré de To'atā
Sous le ciel lumineux de Rūmia ...
La constellation du crochet de Māui scintille...
Little Māui, Māui qui demeure dans le ciel lointain
Jetez votre hameçon, pêchez la connaissance et la sagesse des temps de
nos ancêtres
Pour redonner vie au corps et à l'âme de la nouvelle génération de Terra
Madre...
Câlins
La reine de la nuit est pleine
C'est la nuit des câlins pour les amoureux
La nuit de l'amour qui lie
Les corps oints de mono'i,
Les mains glissent doucement
Le parfum de leurs couronnes les enveloppe
La douce voix de l'amour fait écho
Se cabrer, se lever et vibrer...
Leurs âmes unies s'inclinent avec respect
Bruits voluptueux de la jeunesse...
Gouttes d'amour perlées...
Les corps des jeunes gens se refroidissent
Leurs esprits s'envolent vers le firmament...
Deux sternes blanches à l'air confiant vol
Vers le dôme étoilé de Rūmia...
Sommeil des dieux
Au dixième ciel, le Ciel de Tane
Leurs âmes enchantées s'immergent dans la Voie Lactée
Doux séjour dans la demeure de Tāne
Hommage à l'Univers de Tāne...
Flora Aurima Devatine46
L'art du pariparifenua
Sur la place qu'évente la fraîche rosée des vallées
c'est l'heure du pariparifenua,
espace de ressourcement, chant-poème, au ras de l'île.
En quête de la pure harmonie
des voix s'élèvent, sourdes, graves
hymnes à la lettre, au ciel, à ceux des temps anciens :
Les hommes scandent sur les corps
et dans les esprits martèlent, enracinent
puis mesurent, équilibrent les perçants, haut perchés
des femmes qui, se faisant, rendent la consonnance
tandis que de timides, juvéniles, s'exercent à prendre place.
Scansion, détresse et nostalgie, sonorités immémoriales,
pont passé-présent, pour remonter le temps, et conforter.
Sur les gradins désertés, les Anciens se taisent,
langueur et méditation dans l'attente d'un baume à l'âme.
Tous, sur la place, corps, chœur, et âmes,
Par le rythme, l'acceptation,
et la portée des sons, chant, musique et poésie, vibrent, ravis, à
l'unisson,
dans l'harmonie saisie au fort,
par étapes, portée, légère,
éclatante, dans les hauteurs, de la mélopée.
Le passé retrouvé, ils s'en reviennent,
ressourcés, pacifiés, enhardis, vivants.
Henri Hiro47
Ton demain, c'est ta main
À chaque jour faut-il sa peine ?
Le soir où la lune porte le nom de Turu.
il faut fouetter Ruahatu, attraper, secouer Tahauru,
chercher Matatini.
Tutru est étendu, immobile, Ruahatu reste muet,
Matatini garde les yeux fermés,
il faut les trouver, les réveiller de leur sommeil.
les dieux se prélassent étendus,
ils se tournent et se retournent dans leurs vomissures,
transis de froid par la faute de Māraì
Ils sont repus de la graisse du mara.
Ils ne lèvent la tête que pour une caresse des alizés.
Ils sont indifférents au temps qui passe, insensibles aux gémissements
Ils restent sourds face aux insultes,
ils se moquent des agonies.
Ils gisent la bouche ouverte, repus,
déféquant, leur seule tâche est le pet,
ils craquent de graisse.
Et trouvant la force d'ouvrir un œil,
tout ce qu'ils trouvent à te dire c'est :
« Va ramasser des coquillages et des crustacés : des crabes de mer,
des conques à cinq doigts, des conques allongées, des bigorneaux
et des crabes de terre.
Voilà ta pêche, voilà tes aliments de subsistance ! »
Celui qui appelle les dieux à son aide ne reçoit-il que peines en
retour ?
Est-il condamné à ne manger que des coquilles ?
C'est ta main, et ta main seule qui est en mesure de te faire vivre.
Cette main bonne retourneuse de terre, une main courageuse, une main
délicate
et pleine de soins, cette main fertile.
Car ne dit-on pas :
« Le soir de Turu est une bonne nuit pour toutes tes plantations ? »
Bobby Holcomb48
Ancêtre
La mer est là. Chacun peut y pêcher
La terre est là Chacun peut la cultiver
Ma'ohi tu ne Mourras jamais de faim.
Ancêtre, ancêtre, ê
Dans les îles tes enfants préservent ton mode de vie.
Mais hélas nous vivons une époque nouvelle
L'époque de la facilité
Où la parole peut tout réaliser
Mais cela n'est qu'apparence
Ma'ohi tu es pris au piège.
Ancêtre, ancêtre, ê
Ne t'inquiète pas tes enfants respecteront ton oeuvre.
Mais...
Où est le temps de l'abondance
Et des bienfaits que nous donnait la nature
Tout périt peu à peu.
Ancêtre, ancêtre, ê
Il semble que, lentement
La nature veuille reprendre tous ses dons.
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Ian Mudie : 1911 - 1976 ↩
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Oodgeroo Noonuccal : 1920 - 1993 ↩
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Julie Watson Nungarrayi : 1959 - 2016 ↩
-
Trad Florent Boucharel ↩
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Roland Robinson : 1912 - 1992 ↩
-
Tru Paraha : Vers 1995 - ↩
-
Bruce Beaver : 1928 - 2004 ↩
-
Trad Dorothée Porter ↩
-
Rosemary Dobson : 1920 - 2012 ↩
-
Philip Hammial : 1937 - ↩
-
Alec Derwent Hope : 1907 - 2000 ↩
-
Emma Lew : 1962 - ↩
-
Trad Michel Brennan ↩
-
James Mac Auley : 1917 - 1976 ↩
-
Dorothée Mackellar : 1886 - 1968 ↩
-
Judith Wright : 1915 - 2000 ↩
-
Billy-Ray Belcourt : 1994 - ↩
-
Hans Aslak Guttorm : 1907 - 1992 ↩
-
Pedar Jalvi : 1888 - 1916 ↩
-
Harriet Nordlund : 1954 - 2023 ↩
-
Moses Olsen : 1938 - 2008 ↩
-
Paulus Utsi : 1918 - 1975 ↩
-
Patricia Artigue : 1953 - ↩
-
Tusiata Avia : 1966 - ↩
-
Trad (anglais) E. Dupas ↩
-
Déwé Gorodey : 1949 - 2022 ↩
-
Denis Pourawa : 1974 - ↩
-
Paul Wamo : 1981 - ↩
-
Hiria Anderson : 1974 - ↩
-
Trad (anglais) Florent Boucharel ↩
-
Jane Arthur : Vers 1950 - ↩
-
Hilary Baxter : 1949 - 2013 ↩
-
James Keir Baxter : 1926 - 1972 ↩
-
Jacq Carter : 1986 - ↩
-
Anahera Gildea : 1980 - ↩
-
Bernadette Hall : 1945 - ↩
-
Ruby Solly : 1996 - ↩
-
Mary Stanley : 1918 - 1980 ↩
-
Trad (anglais) E. Dupas ↩
-
Jacqueline Cecilia Sturm : 1927 - 2009 ↩
-
trad de l'anglais E.Dupas ↩
-
Hone Tuwhare : 1922 - 2008 ↩
-
Trad (anglais) E Dupas ↩
-
Trad (anglais) E Dupas ↩
-
Heipua Teariki Bordes : 1948 - ↩
-
Flora Aurima Devatine : 1942 - ↩
-
Henri Hiro : 1944 - 1990 ↩
-
Bobby Holcomb : 1944 - 1991 ↩