Aller au contenu

II Voix Africaines

ANGOLAISE

José Eduardo Agualusa1

Nkosi Sikelela Afrique

J'apporte le corps tatoué
Avec des figurines de guerre, j'apporte un javite
attaché à la sangle
Et une lance à la main.
Et j'apporte tout le désespoir de cette terre
Dans le coeur.

J'apporte des dents pointues au combat
j'ai une flèche dans les dents
Et un arc à la main.
J'apporte les Kissondes et les serpents.
Et une plaie ouverte là où aurait dû se trouver un cœur.

Arlindo Barbeitos2

Oh fleur de la nuit

Oh fleur de la nuit où toute la rosée est perdue
tes yeux ne sont pas des étoiles
ce ne sont pas des colibris
  tes yeux ce sont d'immenses gouffres
où dans le noir tout un passé se cache
  tes yeux ce sont d'immenses gouffres
où dans le noir tout un avenir se forme
  oh fleur de la nuit où toute la rosée est perdue
tes yeux ne sont pas des étoiles
ce ne sont pas des colibris

Papillons de lumière

papillons de lumière
volant de cadavre en cadavre
Ils vont récolter
la puanteur des morts
  C'est à travers les trous dans la dentelle
des jours
qu'on passe joyeusement du monde de l'oubli
au pays de l'indifférence
emportez avec vous le pollen mortel
des fleurs de la guerre
papillons de lumière

BANTOUE

anonyme

Chant d'éloges de Dingan3

Un oiseau se trémousse,
Il se trémousse au dessus de Boloako.
Cet oiseau mange les autres oiseaux;
Il a mangé le rusé Boloako .
Tu es un roi qui écrase la tête des autres rois.
Tu franchis des monts inaccessibles à tes prédécesseurs.
Tu rencontres un défilé sans issue ;
Tu y tailles des chemins, oui, des chemins
Ainsi ravis-tu les troupeaux des rives de Ia Lélouele,
Et les troupeaux des Babanankos, gens habiles à forger le fer.
Tu es un vert entrepreneur !
Tu es victorieux des peuples de la mer
Roi ! livre-nous le sorcier,
Toi qui jettes des sorts sur les plus grands rois. ...
Car la nourriture dont tu te repais,
Ce sont les puissants rois.
Oiseau du matin ! donne secrètement tes ordres
À tes soldats aguerris et aux plus jeunes:
lls iront, avant l'aube du jour,
Ravager partout où tu leur commanderas
De porter le ravage.
De nuit, nous n'en connaissons point.
Autrefois nous disions de lui:
C'est un homme sans importance.
Nous ne te connaissions point !
Mais à présent nous te connaissons,
Car tu as jeté un sort fatal aux Chakas.
Tu donnes le trépas au Mossouto, le trépas aux vieillards . ...
Les forgerons eux-mêmes sont égorgés par toi,
Sans qu'ils aient eu vent de ton approche.
Tu réduis les peuples au silence,
Comme y sont réduits tes cuisiniers .
Tu n'es pas homme à rester dans ton palais
Tu aimes les expéditions militaires sors donc ; on a vu des troupeaux
Qui montaient des rivages de la mer et qui tiraient vers les Mathlekas
Poursuis ces troupeaux et t'en empare.
Le bœuf chez les Zoulous , c'est la sagaie...

Feu

Feu que les hommes regardent dans la nuit, dans la nuit profonde,
Feu qui brûles et ne chauffes pas, qui brilles et ne brûles pas.
Feu qui voles sans corps, sans coeur, qui ne connais case ni foyer,
Feu transparent des palmes, un homme sans peur t'invoque.
Feu des sorciers, ton père est où ?
Ta mère est où ? Qui t'a nourri ?
Tu es ton père, tu es ta mère, tu passes et ne laisses traces.
Le bois sec ne t'engendre, tu n'as pas les cendres pour filles, tu meurs et ne meurs pas.
L' âme errante se transforme en toi, et nul ne le sait.
Feu des sorciers, Esprit des eaux inférieures, Esprit des airs supérieurs,
Fulgore qui brilles, luciole qui illumines le marais,
Oiseau sans ailes, matière sans corps,
Esprit de la Force du Feu,
Écoute ma voix : un homme sans peur t'invoque4

Femme noire

Femme de vertu pour un déhanché habile,
lèvre charnue pour des mots agiles,
coeur à nu à cause d'un passé indélébile,
beauté lourde à la démarche sourde,
femme à la cambrure folle,qui se courbe dans nos rêves les plus fourbes,teint sombre par qui l'histoire s'éclaire,femme mise à l'ombre d'un avenir qui bientôt se verra en clair...

Femme d'éclat, femme de poids, femme d'État, femme de foi, femme dont la couleur fait tomber tous les rois,la prophétie à ton sujet n'a pas perdu son harmonie,les notes de sa musique se jouent encore, mais toujours en catimini...
Un moment venu les nations chanteront ta mélodie, au rythme de tes tours de reins qui provoquent tant de folies...

Je rends hommage ce soir à la femme noire,
elle dont la couleur est en peau de rêve,
elle ne s'épanouit qu'à travers les soucis,
pour devenir cette jolie poésie qu'on raconte,
après minuit pour faire honte à la jalousie et l'hypocrisie,
qui ne s'expriment que pendant la nuit, ton histoire est en marche,
elle marche loin du monde et de son utopie...

BENINOISE

Agbossahessou5

Délices du soir

J'aime du soir les choses,
La douce poésie.
Le crépuscule enchante
Mon âme alanguie
L'archet de la brise tisse le soupir des feuilles.
L'haleine des frondaisons s'exhale en caresse embaumée.
Le fromager au front pensif
Écoute babiller la fin du jour.

J'aime du soir les choses,
La douce poésie
Le grand laticlave du couchant a pali.
Au bord de l'occident hésite une écharpe mauve,
Viatique du jour mourant.
Le ramier gémit dans les palmes.
Chaque paillote encense le ciel.
Les propos des paysans harassés
S'émiettent dans les sentiers.
Les rires des femmes chargées d'amphore
Fusent et crépitent sur les pistes.
Le crépuscule enchante
Mon âme alanguie.
La nui descend, la nuit aux ailes matelassées
D'ouate.
Et moi, assis seul sur un tronc de rônier, je médite,
J'unis mon âme a celle de la brousse ;
Dans les délices de la brume s'anéantit mon cœur.
J'aime du soir les choses,
La douce poésie.

Wilfried Ahanzin Crecel6

Dernière heure

Le soleil a cessé de se lever
Dans mon petit ciel mental.
La lune a cessé d'éclairer,
Les jours de mon coin natal.
Dans la ferme ancestrale
Où mon père est enterré
La terre a refusé de tourner.

Les incantations prononcées,
Les menaces proférées,
Ont achevé ton corps
Dont la bière a coûté de l'or.
Les soins se sont révélés vains.
A la lisière de l'au-delà,
Où tu prenais du sang rouge au vin
Loin des tiens en débandade ce jour-là

Papa avant de partir a donc raison
Quand il disait qu'à l'horizon
L'œil qui a vu le soleil dans son lit
Un jour sera à coup sûr enseveli.
O Fatalité insatiable, que tu sais si nuire
En brisant les cœurs d'autrui.
Il a suffi dans notre cour ton ingérence,
Pour que soit ce ballet de condoléance.

La nuit m'a lésé.
Le canari s'est brisé.
Les larmes coulent
Des paupières frêles.
La vie m'a brisé aux lèvres
La calebasse d'eau fraîche.

Noureini Tidjani-Serpos7

Bouffon

Je me ris de la négritude
Ce joli cheval que les forains vantent le long des cirques
Je me tords devant l'hellénité de la pensée
Et la négritude de la sensation
Ma peau refuse l'écorchure de ces plaisanteries
Au goût de confiseries poivrées
Je me ris de la négritude
Engendrant la réaction du Noir contre le Noir
Et je me proclame bleu, rouge orange
Jaune dans la courbure de l'arc-en-ciel
Et je m'installe dans l'âpreté de ma condition d'homme
Pour mieux cracher
Sur la poésie Noire Blanche Jaune
Et partout où l'homme est bafoué
Dans les rizières vietnamiennes
Au seuil du canal de Suez
Sur le littoral du Bénin
Je crie dans les contorsions et mes contorsions sont Sémites
Jaunes Noires Séjanos .
Ma conscience explose chaque matin
Dans les graffiti ondulatoires
Du journal parlé.

Maison de rêve

Venez donc à la maison Demain !
Je ne serai pas là ce n'est pas grave
Venez donc à la maison
Elle est bâtie sur pilotis de cristaux en sucre
Ma maison.
Les meubles sont en dragées
Et les assiettes des morceaux de miel
Venez donc à la maison
C'est une demeure construite
Selon les plans de tous les enfants de la terre
Venez
Venez donc petits enfants
Le royaume des rêves est notre demeure.

Jean-Jacques Sewano Dabla8

Chant des sirènes de la Seine et du Niger

Couper jusqu'à la dernière fibre de mon corps
Harassé de mémoire
Et diluer l'esprit du souvenir
Dans le fracas des rames du métro,
Dans la rumeur grande
De cette ville mécanique.
Alors comme un nouveau-né Je serai
Sans histoire. Une goutte
Seulement de cette mer humaine
Sans passé sans futur précis
Hormis le café de dix heures,
Le train de dix-huit heures, banlieue nord :
C'est encore des kilomètres gagnés contre là-bas
Ses moustiques avides, et ses sympathies plombées.
L'oubliance des tourments maintenant
Fait une couronne d'or à ma vie détristée
Douce et feutrée comme une plume. J'accepte,
J'accepte de n'être qu'une ombre, Dupont
Dans l'armée des morts-vivants
Qui courent et s'agitent pantins gris
D'une existence à ras de vie.
Mais toujours, saccage ma paix, le ressac
Sourd des flots du pays qui envahissent
Mon âme mon esprit vides...
Au cœur de la tempête, une voix frêle
Susurre ces mots suaves :
« T'attend ta place de gloire sous l'arbre à palabres.
Tu t'es fourvoyé sur ce sentier de guerre ! »
Alors je me sens dans l'œil du cyclone.

Au R.P.G.L.

Si je dis cette contrée sa beauté verte
Hurleront ma trahison tous les cousins
À langue de savane sèche
Si je dis la chaleur la main
De l'abbé couronné d'argent
Qui m'a mis debout à ce monde
Quand mes pieds vacillaient de froid
Ricanailleront les frères
À la mémoire longue
Pour me citer les commandants
Et la chicotte passés
Quand je pense qu'une vie peut s'asseoir
Sur les rives de la Mayenne et s'endormir
Enfin de paix
Je sens des serpents de lâcheté
Se nouer dans mon ventre.
Entre cette vie rose de trahison
Et la mort obscure du pays,
Entre cette mort et la folie
J'ai tiré la carte de la survie.

BURKINABE

Sandra Pierrette Kanzié9

Les Tombes qui pleurent

Il est des âmes qui rient, il est des âmes qui pleurent.
Et celles qui rient sont celles qui pleurent.
Voyageurs des temps nouveaux,
Les mondes sont faits pour mourir;
Riez avec la mort, pleurez avec la vie.
L'oiseau de nuit chante ;
La voix du désespoir parle;
Les vies appellent la mort;
On vit pour pleurer on naît pour pleurer; on meurt pour pleurer
Les souffles nocturnes caressent les visages endoloris;
Tout s'éteint ;
Tout s'éteint ; sur les voies de ces mondes,
Les tombes, des tombes juvéniles pleurent;
Les temps sont tristes,
Le glas des mondes sonne.

Bernadette Sanou Dao10

Parturition

Je voulais simplement dire mon peuple
Faire mien le gamin tout nu au ventre bombé par la malnutrition
Mien le gamin en haillons traînant dans la poussière des rues
La peau du visage si blanchie par l'harmattan
Tendant aux passants une boîte de tomate vide en guise de sébile
Mien, le vieil homme au talon crevassé à même le sol sec.
Tirant et tirant encore la daba sur le sol sec.
Mienne, l'épouse pilant le mil pour la pâte du soir,
Pilant les feuilles de baobab sèches pour la sauce du soir
Et je quête en vain un goût de viande dans cette sauce.
Mienne, la triste cohorte de femmes vers un point d'eau lointain, incertain;
Et sur leurs lèvres desséchées, un chant se meurt doucement
Mienne, la femme au ventre mûr revenant du champ :
Elle porte sur la tête un fagot de bois énorme
Et dans son dos le babil du bébé de l'an dernier.
Je voulais simplement dire mon peuple
Faire mienne la femme en couches qui s'éteint
La science des vieilles accoucheuses a failli,
Et les matrones du centre n'ont pu faire mieux.
Mienne, la fillette aux yeux hagards :
On la tient fermement, on lui écarte les jambes, brutalement
Et le couteau, souillé déjà
Arrache de sa gorge tendre un cri de douleur atroce !

Un enfant

Un enfant est un enfant
Il n'est ni blanc ni jaune Il n'est pas noir
Il est couleur d'enfant !
Il n'est ni riche ni pauvre
Il est trésor en soi

Un enfant est un enfant
Il n'est ni d'Est ni du Sud Il n'est pas du nord, il n'est pas d'Ouest
Il est du pays d'Enfance

Il n'est ni de droite ni de gauche
Il est du sigle ENFANT

Un enfant est un enfant Il est du pays d'Enfance
Gommez haies et barrières Inconnues au pays d'Enfance
Gommez les haies vives vous êtes au pays d'Enfance
Le pays des rêves bleus.

Titinga Frédéric Pacéré11

Héros d'ébène

Spectre d'infamie ? Scandale du monde ?
Réalisations de frondées anathèmes ?
Ou prostitutions de Pouvoirs Suprêmes ?
Ou grands que l'opprobre et l'hypocrisie confondent ?
Le lion attaqué réagit en vipère !
Les couronnes n'aiment pas les émulations !
Et l'Éthiopie n'est pas une zone de sélection !
Les scorpions vivent nombreux partout sur la terre !
L'Afrique est en péril ! Ses chefs sont dignes de blâme !
Nous fumes sauvés ,on nous l'a appris, par des Anges,
Et le peuple noir reconnaissant chante leurs louanges,
En flétrissant leurs frères descendant du vieux Cham.
Qu'avez-vous fait, « Dieux venus nous délivrer »,
Protagonistes de situations confuses,
Libérateurs de l'Afrique », « fils de la Méduse »,
Qu'avez-vous fait pour mériter de tels lauriers ?
Dites-le Voulet-Chamoine, « hommes de la non-violence »,
Attaquant les arcs du Mogho par les canons,
Dites-le assaillants des Aladians ou des Fons,
Dites-le, dites-le, messagers de la délivrance !
Panacées perturbatrices de notre histoire,
Adversaire d'Ahmadou, Gouverneur Canard,
Ennemi du Bantou, colonel Archinard,
Dites-le iconoclastes du continent Noir.
Allez Sofas,vaillants Sofas, criez sur eux :
« aïè taga kà bo-o kè Niagassola »,
Le Mali vous appartient peuple Dioula,
Défendez, intrépides, la terre des aïeux !
Mange des peaux de bœufs, El Habib, mange des herbes,
L'Afrique perd des fils en Mamadou Racine,
Mademba le grand Fama, mais par la famine,
Le fleuve ne nous sera frustré par Faidherbe !
Ne fléchit pas devant le Blanc, illustre Mogho !
Le marché est ignoble, Damel Lat-Dior,
Refuse tout chemin de fer dans le cayor !
Reste le chef suprême, fils de Sanankoro !
« Enfin ! Fini le cauchemar ! » Disent ces amis !
Et l'Afrique ignorante vilipende ses héros !
A ses fils , apprend des noms célèbres : Goureau,
Bouet Willaumez, Protet, Faidherbe, Lamy !
De valeureux méconnus dorment dans la haine :
Samory, Béhanzin, Mohamed, El Hamar,
Ahmadou, Koutou, Rabah, El Hadj Omar !
Lumiere de verite, éclaire la terre d'ébène !"

CAMEROUNAISE

Patrice Nganang12

Les confessions de Judas Iscariot

(...)
Rendez-moi mes trente pièces d'argent
je prendrais d'ailleurs moins cette fois
vingt-cinq
pourquoi pas vingt
dix me suffiraient disons dix
pour liquider Jésus
liquidation
liqui
dation
li
quida
quidam
dam dam dam dam
jedametudamesildamenousdamonsvousdamezils
maca maca maca
damnation
tion liqui da tion
oui
liquidation
parce que je n'ai plus ni cœur ni sang pour nourrir
ces mains de gosses coupées
ces têtes enfoncées au poignard
ces ventres ouverts aux asticots
donnez-moi donc mon prix de Jésus
afin que je vous le liquéfie
Dieu me remerciera et l'humanité entière
me sera disciple
le seigneur parce que trente-trois ans d'exil
seront toujours de trop
pour tout fils d'homme
comme vingt-sept ans de prison de trop
comme quatre cents ans d'esclavage de trop
comme mille ans d'exclusion auront été de trop
pour l'humanité parce qu'un nourrisson qui meurt de trop
ou un homme qui a faim de trop
sans parler d'une femme que ronge le mal de trop
tout comme une génération qui aime et meurt tropical
oui donnez-moi donnez-moi oui
une croix si vous voulez
mais dix pièces j'ai dit des clous aussi donnez-les moi
donc afin qu'encore je vous vende Jésus ô je sais
déjà l'horreur de votre cœur je vois
les tremblements de vos mains
(...)
Nous filles de Loth
fuyons les deux villes en flammes
fuyons notre déchéance en cet air de satan
qui dans notre tête sans cesse creuse notre perte
consume notre ombre notre peau
notre squelette dans l'abîme de notre destruction
livrés à la volonté du dieu aux trois visages
qui momifie notre mère nostalgique

Nous poètes ingrats
ne regrettons pas de te quitter
Afrique qui se meurt
mais pleurons
de survivre à l'inceste.

Théophane Mbogué, dit Theombogü13

Pourras-tu pardonner ?

Pourras-tu pardonner,
Ô Baga,
Ces armuriers qui alimentent en armes
Les mouvements djihadistes, les terroristes ?
Qui pérennisent les coups d'État, les guerres civiles ?

Pourras-tu oublier,
Ô Bangui,
L'image des carnages que tu as vécus de tes propres yeux,
L'image des innocents qui n'ont pas demandé à mourir,
De tes proches que tu ne verras plus jamais ?
Des charognes ! Ô douleur vive !
Des charognes !

Pourras-tu te taire,
Ô Tripoli,
Quand tu verras Mandela pleurer ses filles et ses fils
Disparus, à cause des intérêts égoïstes
Qui empêchent l'humanité q'être humaine ?

À quoi servent-ils donc ces prix Nobel de la paix
Dans un monde condamné à ne plus être pacifique
Tant qu'on ne fermera pas les portes,
Même les plus petites, de l'industrie de l'armement ?
 Des villages rasés ! Ô douleur vive !
Des vies condamnées à l'errance !

Scrute la nuit infinie
Contemple chaque étoile du ciel
Écoute la voix du silence qui s'est tue
Vois, sens, touche de l'intérieur l'absence...
Ne ferme pas tes yeux devant ceux qui sont écrasés
Quitte ton profond sommeil :
Le monde est un recueil de chants funèbres.

Pour ton anniversaire

Je t'achèterai un collier de perles dans une armurerie
Un drone et une kalachnikov dans une démocratie
Je t'achèterai la liberté de la presse dans une dictature
Et les droits de l'homme dans un cachot.
Et pourquoi éclateras-tu en sanglots ?

Je t'achèterai la paix dans une industrie de l'armement
L'égalité et la justice dans une tyrannie
Je t'achèterai la plus belle République dans une dynastie
Et le bon sens dans un mouvement terroriste.
Et pourquoi seras-tu endeuillée ?

Je t'achèterai un bouquet de roses dans un camp de réfugiés
L'acceptation et la tolérance dans l'univers des religions
Je t'achèterai une bague dorée dans un arsenal
Et des pierres précieuses dans le Tiers-Monde.
Et pourquoi t'attristeras-tu ?

Je t'achèterai le pardon dans une société génocidaire
Le respect et la fraternité dans une société raciste
Je t'achèterai l'aujourd'hui dans le monde de demain
Et tout ce que j'aurais choisi pour ton anniversaire.
Et pourquoi seras-tu malheureuse ?

Le petit passeur de poèmes

Je t'enverrai une poésie à toi qui n'es pas poète.
Elle n'aura aucune mesure
Aucune coupe aucune rime aucune chaîne...
Elle va répondre à ton cœur à ton regard à ta pensée...
Elle sera diaprée et libre comme l'onde allègre des mers.
Je t'enverrai une poésie réservée aux non-poètes.
Elle ne sera pas un rondeau un sonnet une ode une ballade...
Elle va correspondre à ton rythme à ta cadence à ton vécu...
Elle pourra courir sans entraves comme le vent des déserts.
Je t'enverrai une poésie
Une poésie pour ceux qui ne sont pas poètes.
Elle n'aura aucune césure aucune diérèse aucune synérèse aucun hémistiche...
Elle va seoir à ton temps à ton âge à ton passage...
Elle pourra voler librement
Comme une nuée d'oiselles au-dessus de la houle.
Je t'enverrai une poésie
Une poésie du jour qui est une poésie qui se rit de demain
Je t'enverrai cette poésie cette poésie-là
Miroir de ton ombre...
Aujourd'hui à cet instant présent même et pourtant...
Vois-tu
Je ne suis pas poète.

René Philombé14

L'homme qui te ressemble

J'ai frappé à ta porte, j'ai frappé à ton cœur,
Pour avoir bon lit, pour avoir bon feu.
Pourquoi me repousser ?
Ouvre-moi mon frère !
Pourquoi me demander si je suis d'Afrique, si je suis d'Amérique,
Si je suis d'Asie, si je suis d'Europe ?
Ouvre-moi mon frère !
Pourquoi me demander la longueur de mon nez,
L'épaisseur de ma bouche, la couleur de ma peau,
Et le nom de mes dieux ?
Ouvre-moi mon frère !
Je ne suis pas un noir, je ne suis pas un rouge,
Je ne suis pas un jaune, je ne suis pas un blanc,
Mais je ne suis qu'un homme.
Ouvre-moi mon frère !
Ouvre-moi ta porte, ouvre-moi ton cœur,
Car je suis un homme, l'homme de tous les temps
L'homme de tous les cieux, l'homme qui te ressemble ...

Tombe des morts

Tombe des Morts !
Encore cette odeur de sang sous mon ciel
Innocent. 
Tombe des Morts !
Toujours ces fronts ivres de sueurs
Dans des champs sans promesses
Et ces lèvres d'enfants collées
Au mamelon des poubelles
Et ces yeux toujours veufs D'un sourire d'avenir
Et ces dents grinçant de froid
Au plus fort du Sahel et toujours
Et toujours ces squelettes ambulants
Près des chiens potelés ... 
Tombe des Morts !
Tant de ténèbres pour tant de cœurs
Alors qu'il brille assez de soleil
Pour tous les cœurs
Et tant d'insomnies pour tant de ventres
Alors qu'en paix Peuvent dormir tous les ventres
En paix
En paix. 
Hier Pas plus tard qu'hier
Un seul bataillon de cœurs battant en chœur
Et rugissant à perdre haleine
Un seul credo de solidarité
Contre mille ogres banquetant sur
Mille négrocides. 
Hier pas plus tard qu'hier
Rappelle-toi mon ami mon frère
Cette indigeste nuit de colcotar que nous
Broyions-broyions-broyions
Dans la fraternité carrare de nos chairs de poule
De nos golgothas et de nos fours crématoires. 
Puis cette soif de vache.
À grands coups de langue lamentable
Elle lampait une larme de thallium vendue
À l'encan.
Éteinte
Cette fleur ardente plantée là
Dans nos cœurs par le souffle immortel des martyrs. 
Hier pas plus tard qu'hier.
Que de merveilles accouchées dans la chair crue
De nos rêves.

CONGOLAISE

Sinzo Aanza15

Ngwaki pour Akili

Parce qu'il a fallu semer les mots maladroits qui jaillissaient de nos lèvres
Parce que nous savons le dit du cœur qui bat trop vite
Parce que nous nous méfions de l'odeur du sel dans la sueur refroidie,
Du sel dans la larme et du sel dans les autres fluides de nos corps livrés à la tourmente
Parce que le vin de banane fermente plus vite que la parole
Parce que nous ne sommes pas devenus les prêtres d'un Dieu qui ne nous connaît pas
Parce que toi, tu n'as pas ouvert la bouche
Parce que tout le monde se moquait de ce que tu avais à dire
Parce que moi je me souviens de ton rire d'écureuil qui me faisait rire

Je veux te dire que le soleil se lève toujours, pas très différent de ceux que tu as connus
Qu'on en voit toujours venir des machettes qui nous confondent avec la broussaille sur notre propre sol
Il y avait des tombes discrètes dans mon quartier,
Elles levaient comme un bras de petites croix qui semblaient dire « nous sommes là»,
Je t'avais dit qu'on enterrait les gens à la hâte pendant les batailles, tu m'avais dit que les tombes de la guerre personne ne savait où elles étaient dans ton village et qu'on ne pouvait plus tranquillement pisser son vin de banane dans les bois comme derrière sa case sans crainte de profaner le repos d'un voisin.

Le monde n'a pas changé depuis ces jours où nous aimions parader en soutanes
Où les bombes nous mettaient sur la route
Où la radio annonçait qui de nous avait le mieux apprivoisé ses mathématiques, son histoire et sa géographie pour passer de classe quand les canons se tairont.
Où nous avions la certitude que n'importe lequel d'entre nous pouvait tomber à n'importe quel moment
Où nous noyions cette certitude dans le vin de banane et dans le sourire des villageoises qui nous aimaient parce qu'elles avaient le sentiment de nous voler à Dieu.

Akili, j'ai passé la nuit à refouler ton rire d'écureuil abimé par l'éclat d'une machette
J'ai passé cette nuit là, et d'autres avant, à me demander ce qu'elles ont vu, les machettes, dans les bouts de toi éparpillés sur le sol
Ah, mon ami, mon frère, sommes-nous vraiment si peu de chose ?
Les mots ne sont pas assez mûrs et peut-être ne le seront-ils jamais
Pour dire Gervais Kombi Akili alias Muserumé est mort découpé par des machettes (rouillées), pour le dire à peu près comme ça
La parole jaillit comme on rote, mon ami, maladroite, grossière mais franche, mais franche
Cette terre vaut-elle ton rire d'écureuil ?
Cette terre prostituée vaudra-t-elle jamais ton petit doigt levé au ciel quand tu avais une idée et que tu parlais sérieusement, ta chevelure duveteuse ou ton rire d'écureuil ?
Le cœur qui bat très fort est la mère de l'ouragan
Et cette parole est franche, mais franche !

Bill Kouelany16

Guerres. Guerre civile, guerre étrangère, guerre des sexes, guerre des sentiments, guerre des mots, guerre de l'argent, guerre des idéologies, guerre des races...
Franchement, je m'en fou ! Ce qui compte, c'est ce que je fais avec. Ce que l'artiste fait avec.

Il n'y a que l'art.
Il n'y a que l'instant de la création qui compte.
Oh, oui que j'aimais ce chaos ! (...)
Mon art est une récupération de tout et de rien : patchwork de tout et de rien. Je crée avec tout ce qui croise mon chemin. Tout devient matière.
Construction et reconstruction.
Création et recréation.
Je suis une maison cassée. Belle cassure. Bien debout.

Jean-Baptiste Tati Loutard17

Baobab

« Baobab! je suis venu replanter mon être près de toi
Et racler mes racines à tes racines d'ancêtre;
Je me donne en rêve tes bras noueux
Et je me sens raffermi quand ton sang fort
Passe dans mon sang.

Baobab! «l'homme vaut ce que valent ses armes».
C'est l'écriteau qui se balance à toute porte de ce monde.
Où vais-je puiser tant de forces pour tant de luttes
Si à ton pied je ne m'arc-boute?

Baobab! Quand je serai tout triste
Ayant perdu l'air de toute chanson,
Agite pour moi les gosiers de tes oiseaux
Afin qu'à vivre ils m'exhortent.

Et quand faiblira le sol sous mes pas
Laisse-moi remuer la terre à ton pied:
Que doucement sur moi elle se retourne! »

Nouvelles de ma mère

Je suis maintenant très haut dans l'arbre des saisons ;
En bas je contemple la terre ferme du passé.
Quand les champs s'ouvraient aux semailles,
Avant que le baobab n'épaule quelques oiseaux
Au premier signal du soleil,
Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi :
Grains de clochettes rythmant mes ablutions.

Je suis maintenant très haut dans l'arbre des saisons.
Apprends par ce quinzième jour de lune,
Que ce sont les larmes ― jusqu'ici ―
Qui comblent ton absence,
Allègent goutte à goutte ton image
Trop lourde sur ma pupille ;
Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi
Comme si tu m'habitais une seconde fois.

Tchicaya U Tam'Si18

Sans titre

Donc fichu mon destin sauvez seul mon cerveau
Laissez-moi un atout rien qu'un cerveau d'enfant !
Où le soleil courait comme un crabe embêtant
Où les mers refluaient m'habillaient de coraux...

Ils ne conviendront pas qu'enfant j'eus les boyaux
durs comme fer et la jambe raide et clopant
j'allais terrible et noir et fièvre dans le vent
L'esprit, un roc, m'y faisait entrevoir une eau ;

Et ceux qui s'y baignaient se muaient en soleil
Je m'élançais vers eux des crocs de mon sommeil
Dans ce rut fabuleux ma tête s'est fêlée...

Donc fichu mon destin l'eau qui rouille le fer...
d'un clair de lune froid monte une terre ourlée
le soleil vrille encor franc dans mon poitrail clair.

La porte

J'ai oublié la porte
Elle était de pierre
Ma bouche était de bois

J'ai oublié l'eau
Elle venait de ces yeux oubliés
Elle était de sable

Où est la porte
j'ai oublié mes pas
c'étaient l'or et le vent

La porte est froide
on n'entre pas on meurt
ma bouche était de bois

Elle était de sable
Elle était de pierre
J'ai oublié l'eau

L'or l'oubli tenace
Un geste qui soit musclé
quand on meurt interdit

Le seuil sur la bouche
Les pas dans un refrain
La porte est froide.

Natte à tisser

Il venait de livrer le secret du soleil
et voulut écrire le poème de sa vie

pourquoi des cristaux dans son sang
pourquoi des globules dans son rire

il avait l'âme mûre
quand quelqu'un lui cria
sale tête de nègre

depuis il lui reste l'acte suave de son rire
et l'arbre géant d'une déchirure vive
qu'était ce pays qu'il habite en fauve
derrière des fauves devant derrière des fauves

Dieudonné Niangouna19

De la colère et des vapeurs de la mer

Cela fait mille ans
Cent ans qu'elle disait, la fille :
Je t'aime, je te trompe
C'est écrit sur les lignes de ma main
C'est comme ça
C'est écrit sur les lignes de ma main
Cela fera deux mille ans que suis blessé
Demain fera deux mille ans que les animaux sont parqués
Et la fille dit,
Je t'aime
Je t'aime pas
Cela fait deux mille ans que ça dure
Cela fait deux mille-pattes d'insectes qui piétinent mon cœur
Cela fera cent millions d'années que les hommes sont seuls,
Avec la ville, Avec les portes, Avec les arbres,
(...)
La fille me dit,
Elle était belle la vie
Et je l'aimais,
Jamais je n'aurais aimé comme ça,
Elle m'a dit, la fille m'a dit : je t'aime, je t'aime pas.
Dans le rêve, du fond de mon œil derrière la rétine, coulaient les larmes,
Et j'aurais jamais pleuré comme ça si elle n'était pas là,
Dans mon rêve.(...)

Et cela fait bien mille ans que je rêve
La fille m'a dit je suis partie
Et je me suis senti blessé
Et cela fait bien mille ans que les hommes se sont cassés
Cela fait mille ans que les animaux sont parqués
Et cela fait deux mille-pattes que la terre ajoute un pas à la poussière,
(...)
Elle m'aimait, la fille
Nous nous aimions comme deux pains
C'était avant, y a bien avant que tout en moi s'écroule
Mille ans déjà, deux mille ans
Mais ça ne dure pas
A dit la fille
Et pourtant j'aime la vie.

ÉGYPTIENNE

anonyme

Je suis Hathor

Je suis celle qui possède la rame dans la barque du commandement.
La souveraine de vie,
Guide de la lumière sur les belles routes,
Je suis celle qui fixe les câbles devant les gouvernails, sur les routes de l'Occident,
Je suis la Troisième,
La souveraine de brillance,
Celle qui guide le grand qui est épuisé sur les routes des éveillés.
Je suis celle qui possède la splendeur sur les routes du ciel nuageux.
Je suis celle qui possède les vents dans l'île de la joie,

Je suis celle qui possède des avirons,
Qui guide ceux qui sont dans leurs cavernes,
Je suis Hathor, souveraine du ciel du nord,
Qui fixe les câbles des éveillés,
Je suis une place de quiétude pour celui qui pratique la justice.
Un bac pour ses élus,
Celle qui crée la barque pour traverser le juste.

Abdel Rahman El-Abnoudi20

Écriture

Qu'il me tarde d'écrire -
Une écriture qui pourrait amener Toba à Baba,

Caresser les plumes du rossignol,
Rendre les pauvres heureux,
Converser avec la mer, et faire parler le nuage.

(L'âge avancé m'a appris à éviter la tristesse, le bonheur et le regret.)
Le sentiment de ma mort qui approche (pas grave)
M'a rapproché de moi-même,
Mais m'a empêché d'écrire.(...)

Mon cœur est comme un rossignol lent, effrayé et doux.
Peu importe combien de nuits il chante magistralement,
Il reste naïf,
Incapable de partager la proie des aigles,
Ou de se tenir à l'écart des pigeons.
Le voici : debout alors que le soleil disparaît, regardant les nuages

Et regardant un univers qui refuse de se lever,
Comme un berger solitaire
Peur des loups.
Hélas, la distance qui sépare ce qui précède
De l'écriture ! (...)

Ma mère, au coeur de la nuit,
Avec un peu de nourriture, tremble avant son départ
Comme une aile vêtue de tristes plumes.
Elle a payé ses dettes, a acheté le tissu pour son linceul,
Et se tient devant la mort
Pleurant, 'fils de lâches, ppurquoi ne vient-elle pas ?'
Je tire sur la queue de sa robe, incapable de chanter
Alors que mon cœur s'est transformé en pierre.
La tristesse ne me fait plus pleurer,
Et les rêves ne donnent rien.
Ma mère, un rossignol magistral,
Crie, 'assez de ce monde, un monde qui est d'un froid amer,
Une froideur à laquelle nous étions mal préparés.'
Chaque fois que ma mère revient sur mes soucis,
L'écriture s'enfuit.(...)

Tous les bateaux finissent par partir
Car la mer a une histoire bruyante.
Quiconque veut un voyage plus facile
Ne devrait pas compter chaque vague
Et ne devrait pas oublier de sourire
Quand les gémissements s'estompent temporairement
Alors que le port recueille les blessés au crépuscule.
Si seulement je pouvais croire aux bateaux
Avant que le brouillard ne descende,
Peut-être pourrais-je retrouver mon équanimité
Et être prêt à écrire21.

Ahmad Fouad Ngem22

Sans titre

Quand le soleil se noie dans une mer de brume,
Quand une vague de nuit a envahi le monde,
Quand ton chemin se perd comme dans un labyrinthe,
Toi qui erres et qui cherches, et qui comprends,
Tu n'as plus d'autre guide que les yeux des mots23. 

Élève tes palais

Tu peux élever tes palais sur nos champs
avec notre labeur et le travail de nos mains,
tu peux installer tes tripots près des usines
et des prisons à la place des jardins,
tu peux lâcher tes chiens dans les rues
et refermer sur nous tes prisons,
tu peux nous voler notre sommeil
nous avons dormi trop longtemps,
tu peux nous accabler de douleurs
nous avons été au bout de la souffrance.
A présent nous savons qui cause nos blessures,
nous nous sommes reconnus et nous sommes rassemblés,
ouvriers, paysans et étudiants ;
notre heure a sonné et nous nous sommes engagés
sur un chemin sans retour.
La victoire est à la portée de nos mains,
la victoire point à l'horizon de nos yeux.

Un billet de prison

Nom : Sabre Patient
Crime : Égyptien
Âge : Le plus jeune de ma génération
Malgré mes vieilles nattes grises qui descendent jusqu'à ma taille
Profession : L'héritier de mes ancêtres et des âges
Créateur de civilisations, lumières st sécurité
Cheveux bruns : Plus rugueux que le foin
Couleur des yeux : noir profond
Nez : Flambant comme un destrier
Bouche : Fixée à sa place
Si on essaie de la déplacer tout ce qui peut arriver, arrive
Lieu de naissance : Dans n'importe quelle pièce sombre sous les cieux
Dans n'importe quelle maison entourée de palmiers des arbres où coule le Nil
tant que ce n'est pas un manoir
Phrase : Pendant sept mille ans, je suis resté ici, prisonnier
Broyant les rochers entre mes dents

Ô oisiveté
Je passe mes nuits ici, dans l'obscurité
Motifs : Interrogé, j'étais, pour quelle raison ?
Votre confinement s'est-il prolongé parce que je suis d'esprit bienveillant
Et de bonhomie
j'ai commis, pas même une infraction à la loi
Parce que j'ai peur et parce que la loi a son épée
Interrogez les informateurs
Et ils vous raconteront mon histoire du début à la fin
Par nom je suis patient même face aux calamités de Job
Je suis un âne portant ma part de fardeaux
Et attendant
Je me noie dans des fleuves de sueur pendant la longue matinée
J'emballe mes griefs à la tombée de la nuit
Puis, sur eux je me repose
Maintenant tu sais pourquoi ?

De la part d'un poète communiste et égyptien
Qui habite le cœur du monde :
La poésie est un cheval
Qui, en dépit des barreaux,
Parcourt le monde
Comme bon lui semble.

Salah Jahin24

Vingt Ruba'iyat (Quatrains)

Je m'émerveille de toi, je m'émerveille de toi, Temps
Magicien qui as souvent mis un sanglot dans ma voix.
Comment puis-je trouver un chemin de mon choix
Quand entrer dans la vie n'était pas mon choix ?

Forcé à moi le jour, imposée Ô la nuit
Ce n'est pas par choix que j'ai découvert .
Je suis venu porté par quelqu'un en cette vie ,
Et quand je partirai un jour, ce sera pareil.

Bien que tous soient formés de la même argile,
Nés les yeux fermés à la lumière du jour,
Comment se fait-il que les années se succèdant
Ils soient devenus, si bon l'un, si mauvais l'autre ?

Le mamelon brillait et, comme une panthère, se dressait.
Mon cœur a sauté avec elle, a été balayé.
Ô toi qui ordonnes aux filles de sauver leur vertu,
Peux-tu aussi apprendre à se conduire à la nature ?

Je suis le dieu de l'amour et de l'extase.
J'ai visé au rêve de l'amour la flèche du fantasme.
Mais le rêve d'amour était si délicieux,
Que j'ai tiré toutes les flèches sur moi !

Je suis âgé de mille ans, pourtant si jeune
Seul, pourtant dans mon cœur vit une foule
En peur et sachant que c'est moi que je crains
Muet mais avec un cœur plein pour qui voudrait entendre.

J'ai vu un nouveau-né dans les bras de sa mère,
il a pleuré, elle l'a apaisé et essayé de le calmer.
Il gémissait, elle dit : "Fils, prononce quelques paroles
Celui qui ne parle pas, aura du mal...

J'aime vivre que ce soit dans une jungle profonde
Nue pour me réveiller, et nue pour m'endormir.
Vivre comme bête, oiseau, homme ou même fourmi.
La vie est si belle, même en tant que plante !

Fermez les yeux et dansez... Gardez votre pas léger
Votre partenaire est la vie elle-même, vous êtes sa nuit.
Elle t'aimera tant que tu marcheras fier et grand
Si une fois que tu regardes tes pieds... Tu tomberas !

Quand l'homme est né, j'ai haleté d'admiration.
Quand il est revenu à rien, j'ai haleté à ce que j'ai vu.
La vie tombe en poussière et la poussière devient vivante.
La mort, je me demande, ou la vie est-elle la loi primordiale ?

La vie est une salle d'attente géante où l'on attend,
Où les hommes et les ânes attendent, assis côte à côte,
Leurs douleurs et leurs peurs ne font qu'un, un ennui partagé,
Mais aucun âne ne tente de se suicider.

Quand dans l'obscurité et la lumière un fil lointain,
je me tiens comme une pierre de peur que mes bras ne s'écartent.
Dix routes apparaissent quand vient la lumière du jour
Et je suis plus perdu, car dois-je marcher ?

J'ai souvent rencontré des amis et j'ai raté l'occasion,
j'ai souvent laissé la tasse intacte et je n'ai pas rejoint la danse,
Dois-je regretter les chances que j'ai laissé passer,
Ou regretter celles sur lesquelles j'ai fixé mon regard ?

Noé est parti, mais la terre est toujours hors de portée
Notre arche est toujours à la dérive et ne trouve pas de plage
L'inondation est proche, et loin est la baie tranquille,
Nous ne pouvons pas l'atteindre tant que le mal domine le jour...

J'étais d'abord quelque chose, puis quelque chose d'autre suis devenu...
Étranges sont les voies de Dieu qui Seul peut prendre et donner...
Les arbres ont levé leurs feuilles et murmuré mon nom.
"Quelque chose doit mourir pour qu'autre chose vive".

Des nains sur une planète sans valeur digne d'être bannie,
Que pensez-vous être dans le plan cosmique ?
Un grain de sable, imbéciles ! Mais encore une fois,
le cosmos tout entier est dans l'esprit de l'homme !

Le marbre pur recouvre une puissante argile mortelle,
Tandis que dans un trou sans nom gisent les sans-abri,
Comme c'est étrange, dis-je en passant un jour,
Dans les deux je sens une odeur de pourriture...

Ô toi qui cherches une divinité à adorer
Comme un homme qui se noie tend vers le rivage.
Dieu est beauté, sagesse, miséricorde et amour.
Soyez comme lui et atteignez sa porte !

Fils, dans ce dernier testament, je recommande les fleurs et le clair de lune.
Profitez également de la belle nuit enchantée du Caire.
Si je viens à l'esprit, va acheter une chaîne de jasmin
pour une jolie fille. Ne visitez jamais ma tombe. C'est ce que j'ordonne

Thé au Lait

Quatre mains au petit déjeuner
Quatre lèvres buvant du thé avec du lait,
s'embrassant, embrassant la lumière du jour
entre sa poitrine et la sienne, entre les deux sourires
Et embrassant l'amour qui les a réunis
Au petit déjeuner.
Ils embrassent le soleil qui remue les tentures,

Et se glisse entre leurs fils, avec la brise,
et dans la chambre pour se tracer sur le sol,
sur le tapis, qu'ils ont acheté avec leur mobilier de mariage,
sur l'amour qu'ils ont acheté sans argent
et sur le verre.
Ils boivent du thé au lait en deux coups
Au petit-déjeuner à quatre mains et deux alliances.
Ils réveillent mon cœur chaque nuit dans mes rêves
Dans une lumière vive, la couleur de la pistache
sur l'espace noir et sur la paupière endormie
ils écrivent le mot : Paix.

ÉTHIOPIENNE

anonyme

Mélodies pleurées pour les funérailles de Yalaq25

[Abäğğu ] les gens de Dame Särqe, les gens de Dame Täbayən
Plutôt moi, que je sois mangée, les gens de Aläme Asfärd, les gens de Dame Alga
Les gens de Wändəfraw, Sände Wändəfraw, Mäkonən Wändəfraw
L'enfant Gäbre Gärrämaw
Il faut se rassembler, secouer le souvenir des morts
Toi, bon enfant
Les gens de Dame Šašä
Il faut se rassembler, secouer le souvenir des morts
 Les gens de Dame Atkəlt,
[Alämayähu ] Les gens du fils de ma Dame, les gens du fils d'Alga le fils de Gätəye les gens de ma Dame, les gens de ma Dame, les gens du fils de ma Dame, les gens du fils d'Alga
Celui qui n'a pas encore mangé, pas encore bu, l'encore enfant
Ils te méprisaient, tes camarades
À présent ils t'ont perdu pour le jeu, pour l'école
[Abäğğu ] Les habitants de cette vaine, de cette vaine maison
Ainsi tu as cessé le travail, mon enfant, Grand-père Yəgəzaw, mes chers corps, ah !
L'invité saccageur, les habitants de la vaine maison
Monsieur Yəlqal, celui qui n'a pas encore mangé, pas encore bu
Monsieur Bayə, l'enfant Gäbre Gärrämä
les gens de cette vaine maison
Dame Tagäz, ah, mes chers corps !
les gens de Dame Šašä
Les gens de ma Dame,
Si à cet enterrement Šašätu était présente

Tout comme elle préparait la galette, elle l'aurait amenée sur un plateau
[Abäğğu ] Les gens de Fətfət, les gens de Dame Alga
Les gens de Dame Qollé
Les gens de Wändəfraw, les gens de Wudde Dañaw
Awäy, que je sois mangée, les gens de ma Dame, ah !
Les gens de Wändəfraw, les gens de Aläme Asfärd
Awäy, awäy l'enfant Yəlqal
le bon, le joli écolier
Les gens de Dame Atkəlt, les gens de Dame Särqew
Les gens de Dame Täbayən
Ah, mes chers corps ! Les gens de Bälaynäš
Les gens de cette maison

Awäy les habitants de cette maison, alors qu'ils ont passé la journée ne restent pas la nuit
Les gens de Compagnon Aläm, le fils de ma mère
Il a pleuré sur moi, je ne pouvais rien pour toi
Awäy les habitants de cette maison, alors qu'ils ont passé la journée ne restent pas la nuit 

La terre les boit comme la pluie d'été
[Mulu ] Awäy, le fils de ma mère, le fils de Aläm
Le fils de Aläm Asfärd, Monsieur Yəlqal
Les gens de Monsieur Däse, vous les amis il a laissé son cahier à vos soins
Vous, ses amis, il a laissé son cahier à vos soins 
Yəlqal est parti, il a rencontré le malheur

[Abäğğu ] Comment vas-tu, toi le partisan des morts Ayä Monsieur Yəlaq, épi à peine formé, toi Yəlaq excellente descendance, awäy awäy
Qu'est-ce qui agite mes mots comme un tamis, comme un tamis
Avant que je lui dise « non, reviens », elle est partie

[Mulu ] Monsieur Yəlaq, les gens de ma descendance, que je ne sois pas séparée Cette descendance de Aläm, que je ne sois pas séparée, cet Aläm Asfärd/
Monsieur Yəlqal, mes sœurs mes frères, les gens de Monsieur Däse qui plantent des descendances
Partisan
Chez sa mère, chez son père, les morts sont trop nombreux
Il est tombé soudainement, avant d'atteindre la maturité

[Alämayähu ] Le fils de ma Dame, ayä, ma mère mon monde, le fils de ma Dame, ma Dame, ma Dame La mort des bons et braves, la mort des bons et beaux a commencé aujourd'hui
Ayä, ayä Monsieur Yəlaq, ma mère mon monde, ma Dame
La mort des bons et braves, la mort des bons et beaux a commencé aujourd'hui, a commencé
L'époque de T'ru, l'époque de Särqe, nous la connaissions
L'époque de Täbayən, nous la connaissions,connaissions, nous la connaissions
[Mulu ] Ayä, mes sœurs, mes frères
Yəlqal Aläme
Les gens des frères de Gärrämäw les gens de l'écolier
J'ai le souvenir de mon pays, le terrifiant
Écolier, enfant, fleur
Mes frères, ah !
Celle-là est venue, fils de Aläm Asfärd, que je sois mangée
Les gens de Dame Sänəde les gens de Əğəgu Aläme
Cette pleureuse-là est venue, les ai-je entendus me dire
Mais c'est parce qu'ils me sont disparus, je ne gagne pas mon pain en les vendant

Moussa Gouloumbo

poème jammoore na'i récité à Oumméré en 1973

Salut ! Bêtes qui se lancent en masse sur la piste,
détalent dans bourbier,
et, aux côtés de Gros-Gris-Tourdille-Haut-Encorné,
sont bêtes sans peur qui n'ont ni fui ni stationné !
Moutons noirs ne les ont point devancées entre Kogoni et plaines
d'Addeyna !

Mâté se ceint les reins
et les Marquées-de-Croix sont confiantes, dès que je ravive l'ardeur
des troupes :
alors qu'il n'a point encore plu, qu'eau n'est pas apparue, que
tonnerre n'a pas retenti de-ci de-là, que cigognes-marabouts n'ont
pas pataugé,
elles se mettent en route, prenant draille de front dans la chaleur,
et font au Massina voir merveilles :
comment Gros-aux-Yeux-d'Albinos a défilé au pas sur l'étape
lui qui se vante, alors que l'heure était dure
et rude la route
mais en parler, bien agréable !
Vaches barrent la draille
on les fait parader, elles se rebellent
on leur fait place à Mourdia dans les plaines de Moulaye-Êli,
et le grand Guirradio
a ruisselé de sueur
nuées se sont gonflées
hivernage s'est annoncé
tourbillons de poussière ont divergé
Ibis-Sacrés ont jeûné
gros taureaux ont mugi, Cornes-Arquées-Pointes-en-Proue sont harassés sur l'étape...
gémis plaintivement, soleil de Grand-Fauve-aux-Cornes-en-Lyre !
Nous avons trouvé que
tiamit n'avaient
point encore reverdi
que Ndoukâla n'avait pas encore semé
qu'hivernage ne battait pas encore son plein
que les Diall n'étaient pas encore en route
et les poquets pas encore refermés26 !

Hammadi Hamma Bari27

poème du mergoowo H. Bari récité à Sindégué en 1973

Une fois génisses lassées du grand campement abandonné de Sêwa
je donnai un seul coup de sifflet, Bélébéléu poussa un seul grognement
et grands mâles ont d'un seul élan lancé leurs machines
tous ensemble mis en branle au point que vibre le sol dur
comme un coup de canon sur les collines.
Le chéri de Gâbdov est enthousiaste car gros bœufs sont comme piliers centraux de cases,
gros taureaux l'entourent, lui à qui Toufi pense tout le jour !
Gros-Noir et Aigrettew me font compagnie et disent « à Gnâba ! »
et que soit bonne la journée au pays aux vastes plaines herbeuses !
Les bêtes longent un lac tandis que je navigue parmi les génisses ;
elles sont allées s'incruster dans le Sêno, à siroter un air léger,
herbe des lacs, buissons aux abords du Bêyna.
Mets-toi à l'écart des troupeaux et chante Sendéra Diallo !

/.../
Accoutumés aux terres dures, aux ruisseaux et flaches à acacias
sont les troupeaux transhumants de Bâba-Hâwa et de Hammati.
Alors même que vous eûtes rassemblé quarante nageurs pour que je voie
celui qui pourrait le mieux les faire remonter sur la berge
et que toute une cinquantaine se targuèrent d'être de bons nageurs,
les uns se sont trouvés noyés dans la masse dès la brèche de Sâssi,
les autres ont fait demi-tour sans qu'un meneur s'y soit même appliqué
et, lorsque Diélibay eut filé, fendant l'eau, et qu'ils prirent ça à la légère,
Diara, certes, pensa que ce qui s'était passé était bien :
au début, il ne nageait qu'avec les jambes
mais avant qu'il se soit trouvé bien en action, Diara a été rattrapé ;
Bélébélé avec un grand taureau qui faisait face aux vagues
au point qu'éclaboussures sautaient comme étincelles sur Bélébélé filant dans l'eau
Bonyéz, taureau qui fait flic-flac dans le fleuve
au point qu'un taureau Ibis traversa la grande île aux lavandières
et quand Lamâssi fit sombrer des bonnets de laine,
que je vis tortillons de tissus suivre le fil de l'eau au plus profond du fleuve,
le courant en entraînant certains, qui agrippaient les queues,
c'est alors seulement que je vis Nouhou tout seul en tête :
et lorsque les bêtes arrivaient sur la rive où accoster, Nouhou avait déjà une bonne avance sur eux
jusqu'au moment où un gros mâle monta sur la berge et entreprit un trot de parade :
les gens sont restés jusqu'à ce que je reprenne pied, allant vers la rive
et, comme l'eau avait atteint ma taille
des cadeaux de cola m'ont trouvé, encore dans le fleuve : 
quatre-vingts noix de Aïssa, un paquet de cola de Hammâti, elles dirent :
« Vous avec le travail ! »  De la cola, en tout cas, on a été rassasiés28 !

GUINÉENNE

Poésie pastorale Peule

Revenez avant la nuit

Juma keeri ! Kama keeri !
Le poumon est vent la rate est feuille sèche
Allez paître, mâles et femelles
Allez paître, veaux et vaches laitières
Dépêchez-vous, le soleil est déjà haut
Allez vite, le soleil est haut, il n'y a plus de rosée
Allez sur le flanc des coteaux, allez dans toutes les directions
Passez à gué les ruisseaux, traversez les rivières
Broutez l'herbe, cueillez les bourgeons, croquez, avalez
Que Dieu, le Roi des rois, le Tout-Puissant
Qu'il vous protège, qu'il vous sauve
Allez paître en paix
Revenez en paix
N'abandonnez là-bas aucune de vos compagnes
Qu'aucune de vos compagnes ne vous abandonne là-bas.
Que tout vous épargne
Mais, vous, n'épargnez rien. Ne laissez rien au pâturage
Sinon la trace de vos sabots
Sinon des tas de fumier.
Allez paître, mâles et femelles
Allez paître, jeunes veaux et belles génisses
Allez paître sur les monts
Allez paître dans les vallons
Allez paître sur les coteaux
Revenez avant la nuit.

Dieu protège mon troupeau

Venez ici, vous, mâles et femelles
Venez ici jeunes veaux et taurillons,
Venez paître, vous génisses et vaches laitières,
Qu'aucune vache ne s'éloigne, vous aussi ne vous éloignez pas
Qu'aucune vache ne se cache, vous aussi, ne vous cachez pas
Conduisez les ici, vous, bergers, qui est la mère des bergers ?
C'est Dieu lui-même et le Prophète de Dieu
Qui sont Dieu et le Prophète de Dieu ?
C'est la mère et le père des éleveurs. Ces bergers me sont confiés.
Mes vaches donneront des petits, qui me donneront d'autres petits.
J'aurai de meilleures génisses parmi les meilleures
Elles vont certes engendrer des petits,
Ceux-ci engendreront à leur tour d'autres petits.
J'aurai des taureaux de race
Qui feront vêler des génisses qui n'ont encore jamais vêlé.
C'est Dieu seul qui protège mon troupeau au pâturage
C'est son Prophète qui le ramènera au bercail.

Dieu merci ils sont de retour

Ah ! Dieu merci, ils sont de retour !
Ah ! Dieu merci, ils sont bien rassasiés !
Ah ! Dieu merci, ils ont bien grandi !
Ah ! Dieu merci, ils se sont accrus
Mes boeufs au pelage luisant sont de retour !
Mes boeufs sont revenus bien nourris !
Mes boeufs au pelage blanc sont de retour
Mes boeufs sont revenus bien nourris !
Mes boeufs au pelage tacheté sont revenus
Ah ! Dieu merci, mes boeufs sont de retour !
Ah ! Dieu merci, je suis rassasié
Ah ! Dieu merci, j'ai grandi
Ah ! Dieu merci, j'ai triomphé
Mon immense troupeau est revenu !
Mes boeufs sont revenus nombreux comme des fourmis,
Ah ! Dieu merci, je suis le bienheureux !
Ah ! Dieu merci, je suis sauvé.

Amilcar Cabral29

Non, Poésie...

... Non, Poésie :
Ne te cache pas dans les cavernes de mon être, ne fuis pas la Vie.
Brise les barreaux invisibles de ma prison, ouvre grand les portes de mon être
-- sors...
Sors pour lutter (la vie est lutte)
Les hommes au-dehors t'appellent, et toi aussi, Poésie, tu es Homme.
Aime les Poésies du Monde entier, -- aime les Hommes
Adresse tes poèmes à toutes les races, à toutes les choses.
Confonds-toi avec moi...
Va, Poésie :
Prends mes bras pour embrasser le Monde, donne-moi tes bras pour que j'embrasse la Vie.
Je suis ma Poésie30.

Poète

Tu es enfant de père inconnu
ta mère, la Nature,accoucha
et par un jour sans soleil
tu vins visiter ce monde et y lutter.

Tu es témoin de tous les tourments
ainsi que prophète de lendemains meilleurs
jour et nuit tu vas chantant
malgré les pierres qui entravent ta route.

Ton épouse est la souffrance
et le bonheur ton complice
par tes chants pleins de tendresse
tu mets la paix dans les cœurs

Tu n'es pas venu pour rester
déjà tu te prépares à partir
dans ton baluchon nulle recette
seulement des rêves à partager31

Vasco Cabral32

Le mendiant

Les mains du mendiant ces mains qui se tendent vers moi
ont leur histoire :une histoire qui tient
sur une tête d'épingle.

Ces mains qui espèrent mon obole n'ont jamais touché le parfum des roses,
ne connaissent pas les secrets de la fleur.
Ces mains qui se tendent vers moi
pauvres et suppliantes en une prière muette
furent, en un temps de misère déjà, des mains d'enfant.

Je donne l'aumône et m'en vais.
Je m'en vais pour ne pas entendre le murmure de douleur
l'histoire de dix doigts qui tient sur une tête d'épingle !

Ces mains qui se tendent vers moi sont comme une hallucination la nuit.
Jusqu'à ce que des millions de mains connaissent le parfum des roses
et les secrets de la fleur.
Et que chaque histoire humaine tienne, au moins,
dans la paume d'une main33 !

Hélder Proença34

Épigraphe

Cette petite larme qui sourdait à ses yeux comme si c'était une rivière courant taciturne et limpide sur la pierre brune de son visage était la marque de la douleur que son sanglot ingénu ne savait exprimer. C'est pourquoi il t'embrassait comme ayant la notion que cette vie si ténue lui échappait au début de cette nuit de mai. Et c'était trop tard pour tes pleurs quand ses bras petits et tendres devinrent inertes dans le geste infantile de qui voulait serrer dans ses bras la vie qui lui échappait en un son aigu de silence, raideur, éternité35.

IVOIRIENNE

Tanell a Boni36

Labyrinthe

Une boule de cristal Sur un lit de montagne
Je rêve debout Mais je tiens toujours
Je crois avoir des ailes
Dans ce labyrinthe où Nul ne croit en rien
Dans cette poubelle où S'entassent des ordures malodorantes
Ce lieu sans foi ni loi
Lieu de l'instinct et du verbe vide
Qui va à la dérive
Sans foi ni loi
Une boule de cristal Sur un lit de montagne
Le promeneur solitaire est toujours
La risée de la foule

Lumière oblongue
Défense de fumer
Rideaux tirés valises alignées
Ne pas se pencher au dehors
La nature s'en va dans le vent du matin
Et puis
Dossier inclinable
Moi Dans le train de la vie
Avec des hommes
Sièges à dossier inclinable
Qui suis-je?
Moi?
Un dossier inclinable?

Sans nom es-tu depuis l'aube des temps du monde
Sans voix voie moi
Eve ou n'importe quoi
Non -- homme

Au nom d'un homme qui te prête son nom de Dieu
Tentation du jardin d'Eden
Serpent maudit !
Côte d'homme ou n'importe quoi
Sans nom vautour ! langue de vipère
Chèvre - émissaire
Tu traînes ta misère
Heureuse sois - tu
Du fond de ton malheur
O non -- homme !

Grains de sable

Elle ne sait plus s'il était l'île au milieu de l'Atlantique 
elle ne sait plus quand elle a habité en ce lieu préoccupé
Elle oui elle c'était une lettre de l'alphabet
qui se cherche depuis l'Égypte ancienne
elle ne sait plus si elle c'était le papyrus
cette plante d'eau qui malgré tout adore le soleil L
une écriture à angle droit

Bernard Dadié37

Black star

Une étoile dans le ciel de Cap-Coast, d'Elmina a surgi noire de promesses. 
Hommes-marchandises entassés dans le caveau des forts
parmi les rats, la poudre, le feu, les caravanes,
la terre gorgée de sang et de chair nous lient les uns aux autres. 
Hommes-bétail enchaînés pour la foire,
Grande virgule dans l'histoire
Le temps reprend son cours, lustre l'ébène
Et l'Aigle noir, l'envol. 
Cargaisons estampillées au sceau du maître, au-dessus de vous la fête.
Les bénéfices se comptent par tête de nègre et de négrillon.
par douzaines de bêtes de labour, par centaines d'hommes raflés, de cases razziées. 
L'Océan a gardé sa voix de colère 
Homme noir Black Star
Le coq chante le réveil c'est la nouvelle étape. 
Vieux routier porteur de flambeaux Atlas, Cape-Coast-Gwa !
Elmina !Ouidah !
Citadelles d'infortune
Escales vers l'enfer
L'empire a changé de nom
Le négrier de fanion.
Homme ! Cape-Coast-Gwa ! Elmina !Ouidah !
Tombes et mausolées
Ici dans le jour sont morts de rêves.
Ici dans les fers et la nuit sont morts des hommes.

Je vous remercie mon Dieu

Je vous remercie mon Dieu, de m'avoir créé Noir,
d'avoir fait de moi la somme de toutes les douleurs,
mis sur ma tête, le Monde.
J'ai la livrée du Centaure et je porte le Monde depuis le premier matin.

Le blanc est une couleur de circonstance
Le noir, la couleur de tous les jours
Et je porte le Monde depuis le premier soir.

Je suis content de la forme de ma tête faite pour porter le Monde,
Satisfait de la forme de mon nez
Qui doit humer tout le vent du Monde,
Heureux de la forme de mes jambes
Prêtes à courir toutes les étapes du Monde.

Je vous remercie mon Dieu, de m'avoir créé Noir,
d'avoir fait de moi, la somme de toutes les douleurs.
Trente-six épées ont transpercé mon coeur.
Trente-six brasiers ont brûlé mon corps.
Et mon sang sur tous les calvaires a rougi la neige,
Et mon sang à tous les levants a rougi la nature.

Je suis quand même
Content de porter le Monde,
Content de mes bras courts de mes bras longs de l'épaisseur de mes lèvres.

Je vous remercie mon Dieu, de m'avoir créé Noir,
Le blanc est une couleur de circonstance
Le noir, la couleur de tous les jours
Et je porte le Monde depuis l'aube des temps.
Et mon rire sur le Monde, dans la nuit, créé le Jour.
Je vous remercie mon Dieu, de m'avoir créé Noir.

Dans tes yeux

Dans tes yeux si clairs Je lis les rêves de l'homme.
Dans tes yeux si tendres Je contemple la nature en fleurs, épanouie.
Dans tes yeux si limpides Je vois tous les yeux  Bleus des fleurs
Blancs des montagnes ...

Tous les yeux de l'univers. dans tes yeux si clairs
Je relis tous les rêves de l'Homme
Et l'Éternité accrochée à tes cils me redit la mélodie de l'Univers.
Dans tes yeux si bleus si bleus fleurit l'Amour.

Tes mains

Dans les battements de tes mains d'ange,
J'entends tous les tam-tams accordés,
Toutes les chansons de l'Univers.
Et lorsque je les tiens, tes mains,
Je tiens toutes les mains roses des Aurores,
Toutes les mains vierges des Espoirs,
La main des siècles en guipure au temps,
La main des Êtres.

(sans titre)

... la route des hommes
La route des Frères
Sans autre fraternité que la fraternité de tous et pour tous
Sans autre chanson que la chanson de tous et pour tous
Hommes de tous les continents, sans autre joie que la joie de tous et pour tous
Sur la route de demain,
La route des hommes nouveaux
Nous voici!

Noël X. Ebony38

je me souviendrai...

je me souviendrai toujours de ceux d'entre eux qui ne
m'ont pas vu grandir et qui sont morts avant que j'ai su
dire leur nom certains passaient le soir devant la cour des
femmes où je reposais dans les bras de mes mères et
parfois ces hommes à vieille barbe jouaient avec ma joue
ou titillaient mon membre goguenards d'autres
m'écoutaient pleurer des cris lointains et me prenaient dans
leurs bras pour me câliner et je criais encor plus fort
et plus loin et tous à l'unisson de père disaient
impuissants cet enfant qu'on me le laisse dire cet enfant-là
il sera poëte
et alors brusquement je me calmais et faisais risette à
la ronde
combien de temps est passé depuis

je ne dis pas français...

je ne dis pas français couleur bordeaux
je ne dis pas français bleu blanc rouge
je dis français âmes agglomérées
je dis français couleur gombo
je dis français poto poto soweto
je dis français bleu de chauffe
enfin à nous la parole
à nous nous qui naissons côtelettes d'agneaux
et mourrons moutons de tabaski qui avons vécu méchoui
ah sur nous la froide fatalité alimentaire économique
assénée par les politicards xala-politisés
à nous la parole
à nous la croisade
nous tempêtes anonymes
évadées des poubelles de l'histoire
chargées de tous les rires
de toutes les lumières
nous réclamons
l'écho de notre voix

qui saura jamais

qui saura jamais
les visages que j'ai culbutés comme les amours par-dessus les soupirs
qui saura jamais les rêves que j'ai défaits comme un lit après la tempête
qui dira le nom des frayeurs qui m'ont éclairé le long des routes imprécises
qui écrira le rythme de mon cœur au revers des rires rebelles
chantera les heures languides qui s'écoulent de mes veines anesthésiées
les râles étouffés qui germent sous mes pas
qui contera jamais les lueurs frivoles qui déchirent mon sang
ah si ma bouche était mille
si mon cœur était innombrable
qui me pansera la mémoire
(pour apprendre la vie j'ai payé de ma vie)

nus nous marcherons

nus nous marcherons sous la lune guillerets nous devi-
serons et nous deviserons et nous badinerons et nous
folâtrerons nous marcherons jusqu'au bout de la lune à
la limite de la nuit nous courrons jusqu'à la rivière
nous mêler à la baignade des prêtresses mères de la ri-
vière des neuf rivières nous chargerons notre mémoire
de leur indulgence nous nous épouserons sur la branche
vermoulue qui cause à l'eau plane devant nanan assiey
et tu te souviendras
bukam

Michel Gbagbo39

Dernier soupir

Immobile dans l'air glacé,
Là, presque nu, comme terrassé,
Un homme gît dans la pénombre,
Son regard mat accroche l'ombre.
Tel un faisceau, une lame dorée
Fend la nuit et traverse l'enclos,
Elle éclaire un peu l'homme couché
Aux cheveux roux, au visage bleu.
Soudain frémit son corps, un masque
Prend la face qui sourit, hélas,
C'est le blessé qui glisse, flasque,
Dans cet antre glauque du trépas.

Maurice Koné40

Comme sur une branche

La poésie comme un oiseau
S'est posée sur mort cœur
Comme sur une branche
Et son chant vibre autour de moi.

Je suis semblable à cet arbre
Qui ne porte aucun fruit
Mais donne pourtant de l'ombre

La poésie comme un oiseau
S'est pose sur mon cœur
Comme une branche
Et c'est par son chant que l'on m'aime.

Véronique Tadjo41

Latérite

Il semblait que la ville était couchée sous l'air du temps. rien ne bougeait. la chaleur paralysait les hommes et les choses comme si plus rien ne devait reprendre vie. Les cabris comme figés dans un dernier mouvement se collaient aux murs des maisons. La terre rouge inondait les rues et se répandait dans les cours. Il faisait si chaud que le soleil restait planté au beau milieu du jour. Le bitume perforé des routes paraissait des plaies béantes. aucun vêtement ne flottait sur les lignes. L'ombre n'existait plus .... Il semblait que tout allait finir et que rien ne pouvait commencer. Sous le soleil de plomb, plus rien n'avait de sens. Il semblait qu'une orbite tout- puissante avait figé les jeux et que personne n'aurait voulu empêcher le silence. Et pourtant c'est là que l'amour naquit. Comme sous les arcades, jadis, elle avait goûté la fraîcheur. c'est là qu'il lui tenait la main, là qu'ils s'endormaient dans une maison qui avait cela de particulier qu'elle était toute blanche et que ses habitants étaient heureux. Ils construisaient le temps et saisissaient l'espoir.
C'est une histoire sans histoire qu'on aurait pu écrire il y a longtemps. Il était une fois... se laisser bercer par la magie des mots qui font la ronde .... en fin de compte. Cc'est l'histoire de cet homme aux mille pouvoirs. De cet homme qui existe en toi, en moi, en lui aussi. trois fois mon amour, et trois fois toi-même, comme on aurait pu se rencontrer quelque part entre le passé et le présent.

Ami aux mille regards ...

Ami aux mille regards
homme balafon
homme chasseur
homme daba
tour à tour gardien-prisonnier-voleur
pourquoi faut-il que je t'abandonne?
que j'abandonne l'ouvrage du tisserand
le kita aux couleurs chatoyantes
que j'abandonne le champ défriché
aux lourdes promesses de récolte et de greniers pleins
que j'abandonne la case sous les pluies torrentielles?

J'aurais voulu vivre avec toi les heures de tes nuits d'insomnie
balayer ta tristesse avec des rêves faits main
te donner des promesses te dire des rendez-vous
mon ami à la parole guerrière
laisse-moi déposer mes mains sur ton front dépouillé
de fioritures inutiles

Les jours n'avaient plus d'heures, les heures avaient perdu leurs minutes.
l'ennui tapissait l'atmosphère.
Et c'est ainsi que la terre bascula.
Que l'air perdit son parfum et que les oiseaux ne revinrent plus. Soudain, plus rien n'avait d'importance. Une tristesse infinie dessinait son sourire et elle se sentait seule. La cité s'était vidée de son sang. partout où elle allait, elle croyait s'être perdue. Il lui semblait que la solitude l'avait envahie jusqu'au fond de ses entrailles et qu'elle portait en elle un peu de désespoir.

Crocodile

Ce n'est pas facile d'être un crocodile
Surtout si on n'a pas envie d'être un crocodile
Celui que vous voyez n'est pas bien dans sa peau de croco
Il aurait aimé être différent
Il aurait aimé attirer les enfants
Jouer avec eux
Converser avec les parents
Se balader dans Le village
Mais, mais, mais
Quand il sort De l'eau
Les pêcheurs lancent des sagaies
Les gamins détalent
Les jeunes filles abandonnent leurs canaris
Sa vie est une vie de solitude et de tristesse
Sans ami sans caresse
Nulle part où aller
Partout étranger
Un crocodile
Crocodile végétarien
Et bon à rien
Qui a une sainte horreur su sang
S'il vous plaît écrivez à :
Gentil Crocodile
Baie no 3
Fleuve Niger

MAGHRÉBINE

Mohammed Achaâri 42

Métaphore

La violette est une fleur connue en littérature
Il en va de même du nénuphar du jullanar du jasmin et de l'acacia
Ce dernier est un arbre dans certains poèmes
une fleur dans d'autres
Depuis l'apparition de la télévision
toutes ces fleurs sont devenues familières
même dans les villes sans jardins
S'y est ajoutée la tulipe
Par la suite, le cinéma a popularisé la tulipe noire
L'œillet a acquis une brusque notoriété grâce au Portugal
J'ai longtemps attendu que ces fleurs littéraires
poussent dans mon jardin, en vain
J'ai demandé à un poète : Comment est-ce, le jullanar ?
Peut-être une fleur bleue, m'a-t-il répondu
Je sais bien qu'en poésie rien ne s'oppose
à ce que la fleur du grenadier soit bleue
On parle bien d'un gémissement fou pour le cheval
d'une soie battante pour la pluie
d'une larme paresseuse pour le palmier
d'une blessure perdue - comme une balle - pour le sein
d'une grenade refermée pour la poésie
Alors comment ouvrir ma fenêtre
pour que les fleurs m'inondent de leurs mots
comme le font les poètes ?

Ahmad al-'Alâwî 43

Le Pôle de la beauté m'a ébloui

Le Pôle de la beauté m'a ébloui, la perfection-même, il est celui que je désire !
Secret de la vie, lumière des qualités, sanctuaire du salut, demeure de la paix,
Mon but, mon désir, mon vin, mon ivresse, essence des êtres en ce monde,
Union des unions, caverne des convoitises, chaque éminence lui prête attention.
Secret de la réalité, sens de la voie, anse sûre sans fissure,
Rameau de la divinité, lumière de l'humanité, dans le lieu de miséricorde, il est placé !
Trésors des sens spirituels, secret des réceptacles, esprit des êtres. Oui ! ai-je dit.
Ahmad Muhammad, beauté inégalée,somme de bienfaits, lumière des temps premiers,
Mesure immense, secret plénier, générosité clémente à perpétuité.
Il y a là des réalités spirituelles qui s'expriment sans langue et que mon cœur cache au-delà des mots.
Ô Seigneur, magnifie, accorde grâces et paix, glorifie et honore « la Pleine lune » !
Comble-le de tes grâces et unis-moi à lui une union inspirée sans aucune illusion.

Tahar Bekri44

Salam sur Gaza

Dans les bras de la lumière
Et la beauté du monde

En dépit du plomb durci
A la barbe des sanguinaires

Ces flocons de neige
Pour apaiser la terre

Du feu qui lui brûle les lèvres
Pourquoi aimez-vous tant les cendres

Quand la braise nourrit mon cœur
Tendre dans les cours des rivières

Pourquoi détruisez-vous mon limon
Réduit en poussière

Le soleil vous fait-il peur
De voir votre propre ombre

L'épopée des nus

Ils arrivèrent sombres et nus
Aux portes des villes repues
Le ciel sourd aux étoiles
Les mouettes pour seules compagnies
Et des rêves comme des mirages
Remplis d'or et de défi
Ils échouèrent sur le large des côtes
Où le partage a couleur d'oubli
Où ton nom
Déroule sa houle
Dans les affres du sable humilié sans merci
O vieil océan
Quel gouvernail pour attendrir les vagues
Quelle mer pour recevoir les fleuves et les rivières
Mêler sel et douce source
Sans bois morts
Sans eaux troubles
Mais le limon
Fertile et fraternel.

Les dits du fleuve

Le corps affranchi
Au rythme des tambours
J'inventais des nuits
Plus étincelantes que les astres

Me parvenait ta voix
Polie par la houle
Parmi les flûtes en liesse
Que de barrages emprisonnent
La liberté des courants

Hedi Bouari45

Nomadaine

Se balance le chameau
Mon chameau se balance
Ainsi naît la poésie
Agglutinée des Berbères
Me dit le grammairien sénégalais

L'orageuse et sensible mer
Méditerranée nous métisse
Plein chant polyphonique
Mes Africains l'ont propagé

Unis contre les blancs de la mémoire
Les poèmes, paroles plaisantes,
Cultivant rythmes et mélodies
Bercent une sainte victoire
Sur le désert des mots qui nous fuit

Crucifié

Flûte ! je veux m'appeler Oui
Un oui neutre
Sans rime ni Maison
Qui nie toutes les fortunes les étiquettes et les Nations

Un oui qui nie les Nations et les Nationalités
Source de haine et d'immortalité

Je rêve... Être un simple Mortel
qui passe sa vie dans les Motels du Monde
Sans identité

Le système m'épingle comme un papillon collectionné
On me transforme en échantillon
De valeurs bien ventées oui bien vantées

Je nie toutes vos notions
Je refuse d'être classé
Même dans la famille des crustacés

J'ai fait le tour des océans
Pour encroûter ma carapace de couches
Phosphorescentes
Et me marier aux yeux fugaces
De l'obscurité naissante

Nina Bouraoui46

Langage de glaise...

Langage de glaises au clapotis des déchirures
Langage de gel qui couture l'aura des sourires
Langage de feu [... ]. Langage d'air qui fait voler les cerfs-volants
Dans les cavernes des mythes et des rites (...)
Il suffit d'enchâsser tes perles mettant à feu et à sang
Nos illusions pour que chantent
À l'unisson tous les inter-dits (...)
Nos doigts dessinent
les traces mitoyennes de nos rêves
la Main parsème le temps et réunit
cartographies de prières et d'espoir
Aux auréoles ces verbes irisés
qui graffitent l'univers
Sans épuiser le vent des couleurs
Polyphonie d'interrogatifs
Qui chassent le tragique
De la vie qui court plus vite
Que le son et lumière

Rachid Boudjedra 47

Alphabétisation

À quoi servent mes poèmes si ma mère ne sait me lire?
Ma mère a vingt ans elle ne veut plus souffrir
Ce soir elle viendra épeler mes lettres
Et demain elle saura écrire
Émancipation.

À quoi servent mes poèmes si mon père ne sait me lire?
Mon père a cent ans il n'a pas vu la mer
Ce soir il viendra épeler mes lettres
Et demain il saura lire
Dignité.

À quoi servent mes poèmes si mon copain ne sait me lire?
Mon copain n'a pas d'âge il a vécu dans les prisons
Ce soir il viendra épeler mes lettres
Et demain il saura crier
Liberté.

Abou el Kacem Chebbi48

La volonté de vivre

Lorsqu'un jour le peuple veut vivre,
Force est pour le Destin, de répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper,
Force est pour les chaînes de se briser.
Avec fracas, le vent souffle dans les ravins,
au sommet des montagnes et sous les arbres disant :
"Lorsque je tends vers un but,
je me fais porter par l'espoir
et oublie toute prudence ;
Je n'évite pas les chemins escarpés
et n'appréhende pas la chute
dans un feu brûlant.
Qui n'aime pas gravir la montagne,
vivra éternellement au fond des ravins".
(...)
La lumière est dans mon coeur et mon âme,
Pourquoi aurais-je peur de marcher dans l'obscurité ?
Je voudrais ne jamais être venu en ce monde
Et n'avoir jamais nagé parmi les étoiles.
Je voudrais que l'aube n'ait jamais embrassé mes rêves
Et que la lumière n'ait jamais caressé mes yeux.
Je voudrais n'avoir jamais cessé d'être ce que j'étais,
Une lumière libre répandue sur toute l'existence.

Bios Diallo49

Soldat du matricule

Soldat, dans les nuits fétides
Tu écris l'âme de ton peuple
Tu traces l'Histoire
Soldat, lime de l'herbe muette
Quand sifflent les balles
Tu entends les murmures de l'aimée
Le suintement du sein de la mère
Soldat, la solitude scie tes bras
Terres de souillure de causes tues
Sans rêves, sans croyances
Ton Afrique a les branches souillées
Soldat, ta mort insignifiante
Aux fauves de la nuit
Épine d'infinies douleurs
De jour, comme de nuit
Soldat, dis ton matricule

Sur les filets de sang et de refuges profanés
Fétide fleur, voilà ce qu'on retient de toi
Après les combats et le pus donné
Soldat, plus de témoins qui disent ton nom
Le soir des victoires rangées
Sbire, tu restes des mépris
Seuls tes fils ne t'oublieront pas
Leurs langues seront
Haies
Bosquets
Perches
Contre les haines de l'oubli
Larme d'honneur, tu es !

Salah Garmadi50

Conseils aux miens pour après ma mort

si parmi vous un jour je mourais
mais mourrai-je jamais
ne récitez pas sur mon cadavre
des versets coraniques
mais laissez-les à ceux qui en font commerce
ne me promettez pas deux arpents de paradis
car je fus heureux sur un seul arpent de terre
ne consommez pas le troisième jour après ma mort le couscous
traditionnel
ce fut là en effet mon plat préféré
ne saupoudrez pas ma tombe de graines de figue
pour que les picorent les petits oiseaux du ciel
les êtres humains en ont plus besoin
n'empêchez pas les chats d'uriner sur ma tombe
ils avaient coutume de pisser sur le pas de ma porte tous les jeudis
et jamais la terre n'en trembla

ne venez pas me visiter deux fois par an au cimetière
je n'ai absolument rien pour vous recevoir
ne jurez pas sur la paix de mon âme en disant la vérité
ni même en mentant
votre vérité et votre mensonge me sont chose égale
quant à la paix de mon âme ce n'est point votre affaire
ne prononcez pas le jour de mes obsèques la formule rituelle
« il nous a devancés dans la mort mais un jour nous le rejoindrons »
ce genre de course n'est pas mon sport favori

si parmi vous un jour je mourais mais mourrai-je jamais
placez-moi donc au plus haut point de votre terre
et enviez-moi pour ma sécurité.
Notre rue est une pieuvre aux doigts non teints de henné
notre rue est une latrine borgne odorifière
notre rue est un four où les rêves sont brûlés
...
Oh mur j'ai mal d'avoir perdu la lune
Mal d'oublier le vent fécondant nos dunes
Mal de réduire chaque mot en signal d'alarme
Mal de marier ma vue avec la pierre gendarme
Mal de nommer compatriotes des hommes candides
Qui grignotent des glibettes qui mangent du kadide
En dépeçant nos ongles marinés dans l'acide
Qui font rougir de vin leur peau creusée de rides
En coupant nos idées dans leurs tenailles avides

Moncef Ghachem 51

Lumière

Non, pas les larmes de Gorée ni les vacarmes contre la cale des déportés !...
Mais la lumière qui est noire et le Noir qui est Soleil, absolument,
dit la Beauté au Poète qui le répète aux éléments.
Le vent lape l'écume et les pelures océaniques.
De paradis orpheline, la terre supporte l'insatiable bruit des criquets pèlerins.
Ses chairs ravagées, ouvertes aux voracités apocalyptiques.
Tremble notre pays et regrette, notre humble vie, l'union magique
de la Beauté nègre avec notre chant désertique !...
Ah ! quand le feu de l'impossible genèse, pour purifier ta langue,
Poète, et que tu t'abandonnes au rythme de l'ultime élan ?

Appel

Je les appelle dans l'aube de Carthage,
quand s'éclabousse d'eau la pelle d'une première étrave.
Ce sont mes frères noirs,
sans qui le sel de la parole ne peut atteindre le désir,
en mon corps qui roucoule.

Senghor a pour nom la lumière, la clef du cœur et du mystère.
Tchicaya noue la soie grège autour de ton cou gracile,
ô ma sœur riveraine qui te réveilles dans le regard de l'épi virginal.

Massa Makan Diabaté devance le récit de mon affection,
vers la fidèle hirondelle de mon imaginative maison.
J'avance parmi eux, vivants et morts, à l'Assemblée de tous les lieux.
Nous buvons de la main de la Dame,
le soleil africain au faîte de l'arbre juvénile.

Et toi, Maunick, bateau mi-mer mi-île,
tu m'emmènes outre les déferlements et les fracas
d'invisibles villes, vers les ramures ignées de l'instant
où ma vie se joue sur un aird'Om.

Ce sont mes frères noirs.
Je les appelle dans l'aube fertile
qu'irrigue leur douceur de mages,
lorsque les fruits du Chant
roulent des mains de l'abordage...

Myriam

C'est une barque,
la seule qui porte un nom africain.
Du quai vide, il la regarde,
comme l'on prie dans les airs de nouba,
dans les psalmodies soufies.
Et il reprend la danse
et il tournoie par-dessus l'embarcadère
et tous ses mâts,
éperdue d'amour
pour la barque
Myriam Makéba.

Sophie el Goulli52

Partir

je souillerai à néant les rumeurs éphémères d'un orage
qui fermente au creux de ma chair
Miroir après mémoire
Je grave ma griffure luciolante
Je vis Je vis Je vis
Dans un sommeil solaire et
Et j'écoute l'Afrique
qui citharise ses douleurs arbitraires
j'écoute l'Afrique qui lustre ses métamorphoses rétives
et j'écoute l'Afrique qui vêle la candeur de ses enfants cabrés
et j'écoute l'Afrique qui conjure la cicatrice de sa longue nuit hypnotisée
et j'écoute l'Afrique qui galope sur les courants vainqueurs de son étoile reconquise
La hache sporadique de la révolte liée
nivelée niée
MAIS
j'ai dessiné attentivement mon tour à chanter les lendemains
Les marronniers en fleurs m'inscrivent au cœur de leur floraison
Ma vie me fait toujours contre le VIDE

Dix-sept Ritournelles des Heddar et mauritaniennes

Mohamed Ould Heddar (1815-1886)

Nebkit Lekbach je te salue !
Si loin de toi tant ai langui
Tu te portes bien je l'espère
Comment vas-tu Nebkit Lekbach ?
Dieu m'est témoin ma joie n'est rien
Si loin de toi. En jurer non
Inutiles sont les serments
Mon amour n'est point si fragile
Attends ! Je te dis son visage
Nebkit Lekbach il est tout comme
L'amour que je porte à Ntoumlit
L'amour que j'ai pour Laarach.

Mokhtar (El Kbir) Ould Heddar (1850-1930)

Comment passer, ô esprit intranquille,
toujours souffrant de grandes inquiétudes,
toujours d'un autre campement suivant les traces,
parmi celles éparses sous les cieux du sud,
sans laisser les larmes s'échapper de tes yeux ?
Renonce à pleurer pourtant, épargne tes larmes,
il te les faudra pour sangloter, ô mon âme,
devant l'abri en ruines où l'on nicha un temps.
Par l'ancienne demeure passant, qu'elles coulent
maintenant tes larmes, comment faire autrement ?
Regarde bien ici Ould El Deguak
là El Var'aa et plus loin El Djellar.
Et voici qu'en chacun de ces lieux là
d'anciennes demeures on trouve les vestiges.

Baba ould Mohamed Ould Heddar (1859-1942)

Pourquoi mes yeux brûlent pour toi
Pourquoi je ne t'ai pas vendue
Pour des moutons et du tissu
Pourquoi t'ai réservée gardée
Pour moi t'épargnant les saillies :
C'est pour les jours ô ma monture
Les deux journées passées sur toi.
En un seul jour des deux passés
Tu m'as mené à Ghaïnjeïlib
Au second d'Houeïver Lahmar
En un seul jour passé encore
À Ghaïnjeïlib tu m'as mené.

Mohamed Ould Heddar (1855-1947)

En ces temps de tourments, le cœur déchiré
La chair meurtrie, sans nouvelles de l'aimée,
Jamais personne dans ce temps n'a souffert
Douleur si grande. Ô Dieu m'en vais te louant
De me réserver si indicible épreuve :
Rien n'est plus fort que soumission à l'Immense.
Mais si Dieu ainsi l'ordonne
Il suffit d'un bon chameau
Qu'on selle au petit matin
Galoper un jour durant
Et aussi le lendemain :
L'arrivée est assurée
Au crépuscule à N'Douyak
Ou bien sinon à Begand.

Sidiya Ould Mohamed Ould Heddar (1863-1945)

Ainsi donc, aller au puits, aller à Saint-Louis,
Au marché aux bestiaux, soigner vache et chameau,
Babacar n'en a cure et Babacar s'en moque ?
Eh ! non, de tout cela Babacar n'a que faire.
Partir, partir, comment pourrait-il y songer ?
Il y a là-bas une beauté, je le sais,
Qu'on ne saurait, pas même un seul instant, quitter.

Baba Ould Mokhtar Ould Mohamed Ould Heddar (1948-2005)

Le quinze de chaque mois -- c'est vraiment bizarre --
À la banque rouge m'en vais bien en avance
Et demande à Teslem : le salaire est rentré ?
-- Ah ! quelle femme ! -- Combien m'a-t-on payé ce mois ?
Mon salaire pourtant n'est pas là je le sais
Et Dieu sait que je sais parfaitement ce qu'il est.

M'Hamed Ould Mohamed Ould Heddar (1855-1947)

Volli est venue camper sur ma chère petite dune
certains lieux ont un privilège
que d'autres n'ont pas.

Ô Khadeidjat ! Quand tu ris tu nous tues,
Reste avec l'hôte qui nous est venu,
Tu peux vers lui te pencher en riant,
Mais cesse de rire pour moi, ô toi

Lekbir Ould Ahmed Ould Abidine Ould Heddar (1969-)

Par ton nombril je le jure ô toi
s'il t'a emportée ô toi le vent
et si la saison s'est faite hiver
j'ai passé devant toi tant de fois
par un bel amour les pieds liés !
que le vent fasse ce qu'il voudra
de toi après tout ça ô leghreïd.

Sidiya Ould Mohamed Ould Heddar (1863-1945)

Une femme qui ne laisserait voir
au-dessous de son œil,
en haut de la joue gauche,
en largeur,
la trace d'une blessure,
aucun homme -- s'il est comme moi --
ne la saurait voir d'un bon œil.

Ô Saints me voici devant vos sépulcres
Je viens embrassant votre Baraka
Que Dieu nous veuille et qu'Il vous veuille absoudre
Si je vous rends visite ainsi à tous
Cela ne concerne en rien l'ici-bas
Ses biens maudits si vains si convoités
Et ne concerne en rien mon au-delà
Je remets cette visite à plus tard
Pourtant je suis venu gens de Nwa'mart
Ô vous si bons si dignes qu'on vous prie
Je suis venu ô pieux vous implorer
Vous seuls pourrez faire en sorte que Dieu
Guérisse de sa langueur Mint Hammad.

Ahmed Ould Abidine Ould Heddar (1921-1996)

Auprès des belles pour que tu demeures,
Eh ! bien, Touta est la plus sûre entrée,
Car on accède dans toute demeure,
Eh ! bien, toujours par la porte d'entrée.

Abidine Ould Mokhtar Ould Heddar (1939-2014)

Te voir enfin je le voulais terriblement,
je languissais jour après jour depuis longtemps,
et lorsqu'enfin -- Dieu soit loué -- notre rencontre
ici advint, pour qu'au temps prochain nous revienne
rencontre nouvelle, ô combien je languissais
que nous soyons finalement tout séparés...

Mokhtar Ould Abidine Ould Heddar (1908-1999)

Ce qu'on a dit de moi tu l'as entendu dire
Mais l'as-tu vu de tes yeux vu ? Alors oublie !
De moi déjà on a tant dit auparavant !
Car ce bavard, ce méchant, ce qu'il cherche
Ne doit pas faire mouche. Et te voilà !
Tu n'es qu'accusations, doutes, soupçons ...
Et moi je suis ici et toi tu es là-bas.
Quand nous serons ensemble, finis doutes,
Soupçons, finies les accusations,
Et meurent la rumeur, les fables et les contes.

Mohamed Ould Mokhtar Ould Heddar (1955-)

Je suis venu t'ai courtisée, depuis ce jour je viens à toi,
et je reviens suivant la voie de tes désirs de tes pensées.
Te contrarier je ne veux pas, je ne veux que ce qui te sied.
Tu es le monde entier pour moi, fidèle en amour je te crois,
pour qui se soumet à tes lois.
Pourtant maudite ! à mon insu,
les prétendants chez toi défilent.
Ne le nie pas, tu les attires
Tu vas chercher leur amitié.
Si tu le caches, j'en vois les traces.
Là plus d'issue, seules deux voies :
je te pardonne et va et vole,
libre, vers ceux qui te recherchent ;
à nouveau libre aussi, à d'autres,
aux miens, je m'en retournerai.
Ou jurons-nous fidélité.
Alors je me détourne de mes gens,
si tu éloignes tous tes gens, je te pardonne alors,
O mieux-aimée, tout autre choix,
-- insupportable je le crois -- ne te siérait pas plus qu'à moi.

Mohamed Vall Ould Heddar dit Zouhair (1982-)

Quand elle parle
celle que j'aime
...alors je l'aime.
Quand elle sourit
... alors je l'aime
plus fort encore.
Mais quand elle s'écrie
Oh mon Dieu !
Alors...
Oh mon Dieu !

Muḥāmmad wuld Muḥāmmad Maḥmūd

Voilà la dune du rendez-vous
et cette place était celle où elle s'asseyait
Il s'y trouvait des jeunes filles
qui partageaient nos causeries
C'est ici que je la rencontrais
lorsqu'elle habitait la localité
Actuellement il n'y a plus personne
et je pleure cette plaine
Mais je ne dois pas pleurer
car la plaine est toujours présente ainsi que les dunes
Aussi puis-je revenir tous les soirs auprès de cette plaine
pour la saluer
[... ]
Mais je ne passerai pas voir cette plaine
car j'ai peur que d'autres personnes
découvrent son existence
et viennent la visiter à ma suite.

Mes lancinantes nostalgies ont été douloureusement réveillées
par les traces devenues presque invisibles du séjour d'un campement
La main du temps avait tout effacé, hormis des indices ressemblant à
de mystérieuses inscriptions ou à des restes de tatouages
Ces lieux étaient des pâturages de prédilection pour l'Amour et les plaisirs...
.

Muḥāmmad Baba wuld Brahīm Khalīl

Assez tard, vers le milieu de la nuit,
est arrivé un chamelier
Sa monture était élancée,
il était à la recherche
d'une chamelle et d'un chameau égarés.
Je lui ai dit que je n'avais aucun indice
sur son troupeau
car généralement je ne m'occupe pas du bétail
Mais cependant on ne peut être sûr de rien
et j'ai pu toutefois lui donner un renseignement :
tantôt, j'ai vu Mana
sourire à son enfant

Muḥāmmad wuld Addaba

Cette petite négresse, que Dieu la bannisse !
Si jamais je reste ici et qu'elle continue à me regarder ainsi
je ne tarderai pas à me faire nègre !
Par tous les saints ! Venez me secourir, ô mes frères !
Quel désespoir ! La petite négresse a emporté mon esprit et je souffre
Jusqu'à présent je ne l'ai pas recouvré.
Ô mes frères, priez pour moi !
Dieu ! Que mon esprit me revienne, quel leurre !
Demandez à Dieu que je le retrouve,
quel déshonneur ! [... ]
Ta façon de rouler ton pagne, ô Debbou, me tue !
Et ton petit bracelet d'argent que le forgeron a fait briller !
Aïe, aïe, aïe ! Que voulais-tu donc faire avec, ô Debbou, ma sœur ?
À tes charmes, ô Debbou, comment résister ?
Ta petite bouche m'a rappelé mes plaisirs à tes côtés,
ô Debbou, heureux celui qui l'embrasse !
Au diable Debbou ! Au diable, Debbou !
Mon Dieu qu'elle est belle !

Tahar ben Jelloun53

Ville


Il ne suffit pas d'un tas de maisons pour faire une ville Il faut des visages et des cerises Des hirondelles bleues et des danseuses frêles Un écran et des images qui racontent des histoires   Il n'est de ruines qu'un ciel mâché par des nuages Une avenue et des aigles peints sur les arbres Des pierres et des statues qui traquent la lumière Et un cirque qui perd ses musiciens   Des orfèvres retiennent le printemps dans des mains en cristal Sur le sol des empreintes d'un temps sans cruauté Une nappe et des syllabes déposées par le jus d'une grenade C'est le soleil qui s'ennuie et des hommes qui boivent   Une ville est une énigme leurrée par les miroirs Des jardins de papier et des sources d'eau sans âme Seules les femmes romantiques le savent Elles s'habillent de lumière et de songe   Métallique et hautaine, La ville secoue sa mémoire En tombe des livres et des sarcasmes, des rumeurs et des rires Et nous la traversons comme si nous étions éternels.


Dans cette maison ouverte

Dans cette maison ouverte sur le ciel
on a versé du lait dans les coins
et éparpillé du sel dans les patios.
Le chat dort sur le piano
le lion aux yeux tendres
mange l'agneau du sacrifice
le serpent à sonnette danse dans la cour
des fourmis vont à un enterrement
un singe peint en bleu s'ennuie
le citronnier manque d'eau
les meubles se déplacent et forcent la porte
un fleuriste s'évanouit
une femme aux seins nus tire à l'arc
pendant qu'une esclave noire
égorge des coqs sur la terrasse.
Le sang coule sur les murs.
L'enfant dit : enfin une maison où il se passe des choses !

Légende du désert

L'homme qui du désert connaît le secret ne peut vieillir.
La mort viendra, tournera autour de la dune puis repartira.
Le jour sera sévère, mais la nuit ne troublera point
le regard profond de ce visage qui bâtit des demeures
dans la patience. De ses mains il tiendra la vie en saison haute,
inaccessible au malheur.

L'homme qui du désert ne saccage point la légende
ne peut subir l'outrage.
Il sera dépositaire d'une mémoire obscure
tissée d'énigmes et de beauté.
Héritier du livre laissé par la nuit.
Les vents le maintiendront humble et fier
debout hors de toute défaite.

L'homme qui du désert sera le témoin,
maître d'un dessein délivré de la souffrance,
habitera une maison où la faim n'entre plus.
Il sera peut-être sans haine, éternel dans le courage,
enfant traversant le siècle avec un cerceau d'étoiles
dormant dans l'orgueil des ronces,
sur la ligne blanche, gardienne du ciel.

L'homme qui du désert sera le récit,
livre de la passion et du pardon.
cœur ouvert, grand comme le pays et le temps,
cet homme ira comme un cheval libre hors l'aride
et l'impénétrable.
Il mêlera les mots au sable pour ouvrir les portes
des villes souterraines et des nuits imprenables.
La liberté aura son visage, sa voix et sa folie.

Mais le désert est un malentendu,
un mauvais lit pour le sommeil et le songe,
une page blanche pour la nostalgie.
Les Bédouins sont dans la ville,
les chameaux dans la légende
et les nomades dans les cirques de l'âme fatiguée.

Abdellatif Laâbi54

À propos de l'homme nouveau

Les hommes ne sont pas le produit d'une usine
même celle de Dieu
Ils se créent eux-mêmes
par le travail, la lutte, l'imagination
et l'amour
Ils suent sang et eau
toute la sainte journée
troquant force contre force
- comme on troquait jadis l'or contre de la pacotille -
la première : graines du chapelet de leur courte vie
la seconde : énergie qu'ils ont semée
et dont on leur redistribue chichement la moisson
mais ça leur permet de se maintenir debout
arborer un sourire
caresser la main de l'aimé(e)
faire un brin de poème
muet la plupart du temps
Les hommes ne se transforment pas comme des mutants
Ils commencent par découvrir la tristesse
dans les yeux de leurs enfants
et quand ils regardent le monde autour d'eux
à travers le prisme de ce scandale prosaïque
l'Usine, la Banque, le Grenier des maîtres
leur apparaissent comme autant de prisons
C'est à ce moment précis
qu'ils entendent le cliquetis des chaînes
qui entravent leurs mains
et qu'ils remarquent à tous les horizons
les armes pointées sur leurs poitrines
Alors commence l'histoire
de l'homme nouveau...

Cent fois

Cent fois j'ai voulu écrire un poème
cent fois je me suis arrêté au premier mot
et j'ai commencé à vivre le poème
en imagination
alors il se déployait en musique intérieure
en images sans bride de circonlocutions
en incantations lyriques sans paroles
et quand je revenais à moi
et regardais la page blanche
il n'y avait plus rien à écrire
Le poème était déjà parti
bouteille à la mer
météorite du partage

Le soleil se meurt

Le soleil se meurt
une rumeur d'homme à la bouche
C'est une étrange soif
quand grisonnent les idées
et que l'amour à peine commence

Qui parle de refaire le monde ?
On voudrait simplement le supporter
avec une brindille de dignité
au coin des lèvres

Les îles éternelles

Sindbad a fait le tour du monde en six jours
Et le septième voulant se reposer
il accosta dans ces îles
Il les trouva presque désertes
et se dit : Cela est bien !
Ici la terre prend tout son temps pour naître

Elle veut écouter jusqu'à la fin
les mille et une histoires de l'Océan
Elle sème dans le miroir du ciel
ses premiers rêves de langues, d'arbres
et de visages humains
Elle caresse son ventre et ses seins volcaniques
pour que le feu pactise avec l'eau
et nous apprête la page d'amour
qui manque au livre de la vie

ô îles, s'écria Sindbad
promettez-moi une genèse douce
un autre art de naître
Écoutez Semez Caressez
Rêvez pour toute la terre
et vous mériterez le nom que je vous donne
Iles éternelles

Mouloud Mammeri55

Alger la blanche

L'étagement blanc de ces maisons à terrasse qui se nourrissent
de chaleur et d'embruns sur le flanc de cette colline abrupte, c'est la Casbah.
Plus loin, la ville neuve dresse contre le ciel
L'orgue de ses gratte-ciel.
Étranger, tu es ici devant la plus blanche des villes,
Alger la Blanche...
Mais que la poésie de ce nom ne te séduise pas :
Dans la blancheur de cette ville,
En vérité, les hommes vivent dans la prose
Et meurent dans le drame.

Regardez cette porte : Elle est close.
C'est par là même que les heures, les heurts, que les malheurs vont entrer.
Derrière les battants de cette porte close
Les acteurs attendent que sonne l'heure
Et le destin est tapi parce que

Quand trop de sécheresse brûle les cœurs,
Quand la faim tord trop d'entrailles,
Quand on rentre trop de larmes,
Quand on bâillonne trop de rêves
Ils sirotent des anisettes blanches,
C'est comme quand on ajoute bois sur bois sur le bûcher :
A la fin, il suffit du bout de bois d'un esclave pour faire
Dans le ciel de Dieu et dans le cœur des hommes
Le plus énorme incendie.

Ahmed Mejjati56

La taverne

La coupe révèle ses rondeurs et gagne en qualificatifs
Elle se déguise avec sa robe d'amante
et du haut de ses balcons répand les roses
Quand je suis seul avec elle après minuit
elle pique une tulipe dans sa tresse au repos
et m'ouvre les avenues et sa poitrine
rit de ma face légèrement ronde
Nous échangeons un baiser

Ah. sa joue si froide quand elle prend ses distances
et qu'entre elle et moi se dresse la voix du muezzin :
les turbans poussent comme des champignons
des étoiles sur les épaulettes des généraux
comme les prisons qui remplissent l'espace
entre Rabat et Sanaa
comme les ponts qui ont dynamité la ligne Bar-Lev
Où est la route de Jabal ach-Chikh ?

Elle se gratte sous les sourcils
allume la cigarette des clients agglutinés
C'est ainsi que la saveur du vin vieilli change
Ceuta passe entre la cigarette et le tabac
Entre moi et les clients agglutinés
tombe une chanson
Ah...Les ailes de la chanson se déploient
prennent la forme des visages qui s'éclairent autour des tables :
- Veux-tu un peu d'amandes ?
- Tes yeux sont bavards
- Je t'ai connue avant de passer la douane...Ceuta
interlocutrice aime danser

De sa blessure, elle arrache un sourire et chante
pour que la mélodie se réfugie dans la mémoire
La moitié de la bouteille suffira si le bar ferme ses portes
et que nous aboutissions au couloir du flux et reflux
et des faux pas de la jeunesse
La coupe se déleste de ses noms et gagne en qualificatifs
Elle se déguise avec une tenue de prisonnier
et répand les roses du haut de ses balcons

Shams Nadir57

Célébration du roseau et de l'encre

Le visage de Basho a tremblé, liquide
Au fond de la coupe
Quand j'ai bu le saké de l'offrande.
Je t'écris celle lettre
Blanche, constellée de désirs
Et le ciel me prête ses étoiles.

Le miroir s'est brisé,
Comment retrouver mon visage
Dans les mille éclats de la brisure ?
Je t'écris celle lettre
Noire, angoissée
Et le soleil me prête son éclipse.

Taches de sang
Sur la neige du Mont Hermon
S'étrangle le Cantique des Cantiques.
Je t'écris celle lettre
Violette, violente
  Et la mer me prête sa houle

Près de l'échoppe s'élève l'écho d'un Quatrain
Alors entre les mains du potier
Je vois éclore le visage d'Omar Khayyam.
Je t'écris celle lettre
Bleue, sereine
  Et l'azur me prête son masque.

Carthage parle à Joal

Quand sonne l'heure au secret de la conque
De nouveau, verdit le Sahara
Comme aux temps de la gloire Caspienne.
Et convergent les caravanes.
De Sijilmassa, grand emporium des sables
De Tombouctou, jardin éclos autour de l'Arbre
De Tassili, ivre de ses fresques.
Alors Carthage parle à Joal...
Et la rumeur des vagues à Popenguine
Retrouve son écho au rivage des Syrtes.
Longtemps nos paroles croisées ont tatoué la mer
Comme, en leur envol souverain,
Les colombes de nos pensées calligraphiaient le ciel
Nos chants emmêlés ont fait lever l'Harmattan
Et, dans la plume des moissons,
Dériver, cavale de pollen germiné,
Les légions pacifiques du Poème
Feu et neige sur la coiffe du Kilimandjaro
Poisson d'or sur les eaux mères du Congo
Antilope cabrée aux flancs des dunes blondes
Étoile évanescente parlant au nom du jasmin
Le Poème.
Racine du baobab, chevelure du palmier
Question du Sphinx sculptée à l'abrupt des falaises
Respiration des marées, portulan des nuages
Le Poème, en ses métamorphoses.
Il dit, le poème : Qu'un seul arbre peut être ciel
Une seule aurore, naissance
Et que l'amour est la raison du monde.
Il dit, le poème : Continue ton chant, Coryphée
Pour donner la mesure au chœur qui t'accompagne
Car si tu cesses d'apprivoiser la mer
Qui, jamais, pourra nous conjurer
Contre la montée des eaux ?
Qui, jamais, nous offrira son Arche
Contre le Déluge ?

Jean Sénac58

Si chanter mon amour

Si chanter mon amour c'est aimer ma patrie,
Je suis un combattant qui ne se renie pas.
Je porte au cœur son nom comme un bouquet d'orties,
Je partage son lit et marche de son pas.
  Sur les plages l'été camoufle la misère,
Et tant d'estomacs creux que le soleil bronza
Dans la ville le soir entrelace au lierre
Le chardon de douleur, cet unique repas.
  Nous pouvons oublier dans un baiser facile
Le sang de Dien Bien Phu ou celui de Casa,
Il vient toujours un temps où la beauté s'exile.
  Un temps où la colère nous arrache à nos draps.
Lors je perds, me plains et retrouve au combat
Le droit de te chérir er de sauver notre île.

Tracts

C'est un printemps de déchirures,
De papillons sur les masures :
PACIFICATION-EXTERMINATION !

C'est un printemps de reniés,
De morts, de mensonges dorés :
ASSEZ DE TORTURES EN ALGÉRIE !

C'est un printemps comme un délit,
Comme une flamme sous la pluie :
VIVE L'ALGÉRIE INDÉPENDANTE !

C'est un printemps comme un fusil brisé.

Le prix d'une telle indigence

Il faut pour te parler un silence de roche
une attente affinée de tendresse d'erreur
un duvet de souveraine où s'éveille la vigueur

Il faut aller très loin dans l'honneur de tes lèvres
s'élever connaissance à la hauteur du pain
arracher la terre où tu règnes
à ses fauteurs de servitude
tout cela ô combien légère
pour que tu viennes enfin dépouillée de tes rêves
révélée feu tranquille et nid prestigieux

Le prince est retrouvé
il se lève lavé du sacre de tes forges
porteur habile de bonté

O lucide ô très vénéneuse
fillette aux bandeaux rouges verts
fillette sûre éjectée de l'angoisse
courant parmi les aloès
tordue de certitude ô mon peuple naissant
tu sautes à perdre cœur
tu ranimes l'audace
tu tires la raison de ses châles frileux
tu tiens le dur éclat miroir de la conscience
où l'homme se découvre identique à son dieu

Sur tes mains libérées des bijoux tyranniques
stigmates du printemps
les coquelicots nous retiennent

Va
chante
le matin chasse les eaux fétides

Servante libre
joie fidèle
la cruche tinte entre tes doigts.

Le mythe du sperme-Méditerranée

Tantes radioactives radieuses puisque c'est la seule façon d'être radicalement contre cette société abominablement chatte.
Réceptacle des fondamentales négations, haine contre !
Ne pas donner prise.
Nier.
Somptueusement.
Coït procréateur, moteur de la perpétuelle abomination !
Haine et tantouzeries contre !
Jusqu'à ce que vienne un homme.
Mais il ne peut pas naître de ces vagineries-là.

Kateb Yacine59

J'étais en guerre

J'ai caché la Vie d'Abdelkader.
J'ai ressenti la force des idées.
J'ai trouvé l'Algérie irascible. Sa respiration...
La respiration de l'Algérie suffisait.
Suffisait à chasser les mouches.
Puis l'Algérie elle même est devenue...
Devenue traîtreusement une mouche.
Mais les fourmis, les fourmis rouges,
Les fourmis rouges venaient à la rescousse.

Je suis parti avec les tracts.
Je les ai enterrés dans la rivière.
J'ai tracé sur le sable un plan...
Un plan de manifestation future.
Qu'on me donne cette rivière, et je me battrai.
Je me battrai avec du sable et de l'eau.
De l'eau fraîche, du sable chaud. Je me battrai.
J'étais décidé. Je voyais donc loin. Très loin.

Je voyais un paysan arc-bouté comme une catapulte.
Je l'appelais, mais il ne vint pas. Il me fit signe.
Il me fit signe qu'il était en guerre.
En guerre avec son estomac, Tout le monde sait...
Tout le monde sait qu'un paysan n'a pas d'esprit.
Un paysan n'est qu'un estomac. Une catapulte.

Moi j'étais étudiant. J'étais une puce.
Une puce sentimentale... Les fleurs des peupliers...
Les fleurs des peupliers éclataient en bourre soyeuse.
Moi j'étais en guerre. Je divertissais le paysan.
Je voulais qu'il oublie sa faim. Je faisais le fou.
Je faisais le fou devant mon père le paysan.
Je bombardais la lune dans la rivière.

La gueule du loup, 17 octobre 1961

Peuple français, tu as tout vu
Oui, tout vu de tes propres yeux.
Tu as vu notre sang couler
Tu as vu la police
Assommer les manifestants
Et les jeter dans la Seine.
La Seine rougissante
N'a pas cessé les jours suivants
De vomir à la face
Du peuple de la Commune
Ces corps martyrisés
Qui rappelaient aux Parisiens
Leurs propres révolutions
Leur propre résistance.
Peuple français, tu as tout vu,
Oui, tout vu de tes propres yeux,
Et maintenant vas-tu parler ?
Et maintenant vas-tu te taire ?

Et ce serait vivre à tes genoux

Parmi les éclats de tes jeunes rires,
L'on entend siffler l'oiseau des savanes,
Avec le murmure ailé du zéphyr
Et le chant plaintif des peuples d'amour...

Toi, mignonne aux yeux pPlus noirs que mon âme,
Fais ma place dans ta couche douillette,
Je te chanterai des refrains de feu !...
Au cœur de la rose on meurt de parfums,
Ma lèvre frissonne au vent des baisers...
Plus rouge que sang fais couler ta lèvre !
Femme obscure et dont l'œil égale la rancune,
Prends-moi, voici l'instant des mêlées furieuses.
Que se parent de sang nos chairs voluptueuses!

Regarde! Me voici plus pâle que la lune,
Agenouillé devant l'image de ton charme...
J'attends. Et mon cœur passe d'alarme en alarme.
C'est l'instant de mon malheur,
L'heure où décembre, en sa pâleur, pleure.
Mais, quoique toute clameur se meure,
En moi ton rire charmeur demeure...

Soliloques

Les pauvretés de ton âme sordide,
Tu les verras, ma chère,
Se changer en prodigalités,
Si tu me réponds.

Ce sera un soir de Mai,
Et les oiseaux s'ennuieront de leurs ailes...

 A tes pieds, mon amour couché
Te chantera en arabe la soif des cœurs nouveaux.

Les étoiles auront pour toi des regards chargés
De nostalgie électrique. 
La lune te fera le gros dos.

Moi, j'aurai ensanglanté ce qui me reste de coeur,
Pour éteindre la solitude de tes lèvres rouges...

Tu verras, telle une sultane,
Ramper autour de tes hanches
L'essaim des amours muettes,
Et ta main toujours froissera
La soie riche de quelque nouveau jouet.

Tu marcheras même sur le sang
De mes chimères sans firmament.

Mais au moins que je boive en tes lèvres
Un secret d'éternelle passion !

Alors, ma toute belle,
Je dévorerai ton âme
De sanglots sans fin...

Ḫālīd ben Yaḥyā al-Ǧarsīfī al-Ǧazūlī60

Le séjour au paradis

( ...) Dès l'ouverture des portails et l'accueil des bien-aimés, tu entends les paroles de bienvenue. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Tu entends la Louange, de remerciement et de glorification du Seigneur adoré. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Tu entends les gazouillis des oiseaux, des chants et [le son du ] luth, réjouissance en [tous les bienfaits ] présents. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Les divertissements sont autorisés, les interdits sont levés, par la grâce de Dieu. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Les vierges chantent, les arbres émettent des sons, à la joie des personnes pieuses. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Concernant les compagnes égales en âge, à la suite de la réception de bienvenue. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Alors, les compagnes [toutes ] de même âge se précipitent vers le portail, avec une joie extrême. Il n'y a de Dieu que Dieu.
De rare beauté, au visage tatoué, dépourvue de voile -- il n'y a de Dieu que Dieu au corps tendre, à la poitrine dissimulée -- sauf aux bien-aimés. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Des vierges aimantes, perpétuellement jeunes, de parfaites fiancées, qui exhalent un parfum agréable. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Ces compagnes, égales en âge, sont [destinées ] au serviteur repentant, contrit, au repentir sincère.
concernant les coquettes, revêtues de velours -- à la suite des compagnes égales en âge. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Ces coquettes se penchent délicatement dans les larges espaces [des appartements ], [en jouant ] du luth et du rebab. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Leur aspect : grandes de taille, aux immenses yeux foncés, semblables à des tours. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Elles se balancent en avant et en arrière, d'un côté puis de l'autre, devenant toujours plus belles, perpétuellement pour l'éternité. Il n'y a de Dieu que Dieu. Elles se présentent à leurs époux en habits de velours, aussi lumineuses que des lampes. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Les miroirs des époux sont les gorges des coquettes, plus transparentes que le verre. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Ces coquettes sont destinées au serviteur qui chuchote [des prières ] dans l'obscurité de la nuit profonde. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Concernant les [belles ] cloîtrées -- à la suite des compagnes égales en âge et de la beauté des coquettes. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Les houris et les cloîtrées, dans les tentes et les pavillons à dôme, portent des tenues de velours. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Elles y ont disposé des tissages et des tapis brodés, et des coussins alignés. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Accourues aux portails, elles portent leurs regards sur leurs bien-aimés, en déchirant leurs voiles. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Des paumes de ses mains émanent des rayons de lumière tels ceux du soleil en fin de matinée, un bonheur pour celui qui la contemple. Il n'y a de Dieu que Dieu. Si sa cuisse devait apparaître, en mourrait celui qui la verrait, si belle est-elle dans sa transparence.
Comme [cette femme ] est transparente, sous son vêtement ! Louange à celui qui l'a créée ! Il n'y a de Dieu que Dieu.
Ces [belles ] cloîtrées sont à celui qui prie au plus profond de la nuit, en pleurant et se lamentant. Il n'y a de Dieu que Dieu.
concernant les servantes -- à la suite des [belles ] cloîtrées et de la beauté des coquettes.
La beauté des coquettes, des houris et des cloîtrées -- [telles des ] domestiques [par rapport ] aux servantes.
Les servantes, au sommet des pavillons à dômes, les houris et les [belles ] cloîtrées, sont comparables -- il n'y a de Dieu que Dieu
au soleil radieux, aux lunes [lorsqu'elles ] apparaissent, et aux étoiles de la fin de la nuit. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Les lunes et les étoiles de fin de nuit apparaissent-elles, alors que le soleil brille ? Il n'y a de Dieu que Dieu.
Selon le commentaire des versets [du Coran ], la beauté des servantes dépasse celle des [belles ] cloîtrées -- Il n'y a de Dieu que Dieu
d'un facteur de 80.000 fois -- comme cela est ordonné -- en raison de leurs obligations légales. Il n'y a de Dieu que Dieu
Celle qui priait et jeûnait, qui se levait pour Dieu et se réservait à son mari. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Elles déclarent : Nous priions, nous nous acquittions de l'aumône légale, nous
jeûnions, nous professions l'Unicité de Dieu et récitions [le Coran ]. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Ces servantes sont à ceux qui [prient en ] se lamentant, par crainte des punitions. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Au cœur sincère, il conseille les serviteurs et se montre généreux avec ce qu'il possède. Il n'y a de Dieu que Dieu. (...)
concernant ce qui permet d'acquérir les délices, les houris et l'éternité [dans la Demeure éternelle ]. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Accepte de moi une parole véridique et un repentir sincère, sois un serviteur très pieux. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Lève-toi au début de [chaque ] créneau horaire afin d'accomplir [chacune des ] cinq prières obligatoires. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Observe bien le mois de carême, en s'abstenant des péchés. Il n'y a de Dieu que Dieu.
Et aussi le pèlerinage -- pour celui qui en a la capacité -- à la Maison élevée, [située ] dans le meilleur des lieux.
Et l'aumône légale, conformément aux prescriptions des versets [coraniques ] -- la clef des bonnes actions et des récompenses. Il n'y a de Dieu que Dieu.

**Malgache **

Jacques Rabemananjara 61

Lamba

Ta beauté,
Charme impair,

C'est avant tout le pollen retrouvé dans un coin du verger, les pollens du bel arbre autonome qu'un soir a dépouillé de sa couronne de verdure un brusque vent de neige né du Septentrion.
La sève a trop longtemps fermenté sous l'écorce, le levain pour le pain pascal de la Rénovation :
Or la glaise même est féconde où la foudre est tombée...

Toi-même et le Totem
Toi-même et la Lointaine
Toi-même et l'Innommée et la Crépue et la Frisée et l'Amande et le Palissandre

Toi-même et la puissance incoercible du sang noir le tromba le vaudou l'envoûtement l'amok l'ébène le béryl le baume le bambou la bosse du zébu beuglant sous le baobab l'abîme où le boa bâille la gueule en feu le Betsiboka bouillonnant de baves rouges de sauriens et la boucle du Bémarah flambant de boules de soleil tout le déchaînement du tabou foudroyant et des forces cycliques du limon !

L'autre incantation affleure de dessous ta robe, tes aisselles, tes ongles, tes paupières lève de toute part comme le blé précoce étoile de rosée, brouille l'air et la face immobile de l'onde et l'herbe de la plaine et le roc des sommets comme une brume verte d'incendie au-dessus de l'étang.

Voici, ô noir héraut de l'infini, l'accouchement sublime où du sein de sa fille est née la Vierge-Mère.

Voici, voici rompant l'opacité des eaux, rompant du blanc chaos l'accablement d'apocalypse et de granit resurgir, ô prodige, avec ton port de tête et l'anse de tes hanches, belle suprêmement de ta beauté impaire, la fabuleuse Lémurie !

La Lémurie où gît tout l'os de notre énigme !
La Lémurie des dieux rieurs et des talismans forts de fuchsines fulminatoires !

Ah ! butin, butin de victoire !
La découverte du vengeur armé d'un vert silex, d'onyx et de simplicité !
Précellence, ô Bozy, de la sommaire sarbacane !
Ohé pour le gibier d'un noir immaculé !
Ohé pour ton apothéose érigée dans la nue en cornes de bubale !

Je te reconnais entre cent, entre deux
Je te reconnais entre mille à ton clin de cil prémonitoire !
Quel temps fait-il là-bas en amont de l'Ivoundre, où j'ai planté des flamboyants

In Memoriam. J. J. Rabearivelo

La Solitude, sœur fidèle des tombeaux,
Garde dans son manteau ton rêve et ton mystère.
Une pierre, immobile, un couple de corbeaux,
Sont-ils les seuls veilleurs aux portes de la terre ?
J'ai beau crier ton nom aux vallons d'alentour :
Nul écho ne répond aux syllabes sonores.
Le buisson est muet. L'espace reste sourd.
Tout est calme et serein comme une claire aurore

Jean-Luc Raharimanana62

Excuses et dires liminaires de Za

Za regarde l'Anze. Il me sourit. Za ne luttera pas ce soir. Za me laissera faire. La douceur de ses ailes. La tempête que lèvent ses élans. Za verra les Rien-que-têtes. Za verra les Rien-que-sairs. Comme eux, me verra cogner contre les portes et m'engloutir dans les montagnes. Troupe maladroite qui processionne dans ces contrées où les toits des taudis ont pris sol herbeux pour nous soulazer la marce. Za ignore la raison qui pousse l'Anze à nous exiler sur ces terres.

Songes, hurle-t-il en nous repoussant. En zeôle, ensaîné, embastillonné, fermez et doublez le tour ! Écroué, encellulé, Za connaît, connaît ! Lassé là, lassé ! Tirant sur les barres de fer bloquant la porte, bourreaux ! Crassant sur les plantureux sentinelles centigrades et n'en ayant rien à foutre, Za connaît ! L'allonzement aux flancs, les uns contres les autres, comme des nègres en cale, la place à la mesure des empreintes du corps, connaît connaît ! Za fouille l'air pour un peu de fraiceur. Il pue dans cette pièce ! Les murs sont de terre qui ont absorbé les douleurs, Za sait qu'ils ont bu bien trop de malheurs.

Za ne voit rien. Za ne voudra plus rien voir. Za a froid mais ça ne fait rien. Za tremble mais ça ne fait rien. L'eau des rizières est dans mon linceul, ma natte. Pénètre mes pores. Les Immolards savent maintenant que Za ne me suis pas fracassé sur les murs d'ombres et que mon âme n'a pas déroulé son dernier fil. L'ont-ils zamais ignoré, ont-ils zamais été dupes ?

Elle se débat avec son paréo, elle danse presque, pan de splendeur tournoyant l'arc-en-ciel, elle se sert de son paréo pour repousser les papillons, l'air claque, la boue où ses pas s'abîment absorbe son cri, les papillons la refoulent vers la tente des négrociations, les femmes apprêtées au conseil des ministres paniquent de concert, les Immolards sarzent leurs armes, Dollaromane s'extirpe de la tente et se vrille colère pour avoir été déranzé, son regard brûle, il n'a qu'un mot : Feu !

Chant

Écoute mon chant.
Mon frère, mon âme est comme un requin qui blesse
Ma mère fait des sacrifices, elle avale des lames
Des lames venant de qui ?
De ceux qui sont de mauvais messagers
De ceux qui aiment être des messagers.
Garde mon chant
Cette terre pourrie semble pleurer
Ma terre semble ne pas avoir d'êtres vivants
Vivant sur elle, mangeant des morts bientôt
Mangeant des morts avec ces mots qui ne répondent plus
Qui ne répondent pas à mes prières
Qui ne répondent pas à mon âme
Où êtes-vous mes pères ? Où êtes-vous mes mères ?

Mon corps-ci n'a plus de vie
Mon âme-ci n'a plus de force
Vois mon être qui se perd
Qui ne se relève
Qui ne rampe même plus
Non une pierre figée dans la terre et qui s'affirme ainsi
Non une motte que l'on piétine et qui se reconstruit ailleurs
Mais un homme de rien
Un homme de chien
Chiffe molle des dieux

MALIENNE

Charte du Manden63

Les chasseurs déclarent :
Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie,
Mais une vie n'est pas plus « ancienne », plus respectable qu'une autre vie,
De même qu'une vie n'est pas supérieure à une autre vie.

Les chasseurs déclarent
Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige réparation.
Par conséquent,
Que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin,
Que nul ne cause du tort à son prochain,
Que nul ne martyrise son semblable.

Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur son prochain,
Que chacun vénère ses géniteurs,
Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,
Que chacun « entretienne », pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur le pays de ses pères.
Par pays ou patrie, faso,
Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;
Car « tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
Deviendrait aussitôt nostalgique. »

Les chasseurs déclarent :
La faim n'est pas une bonne chose,
L'esclavage n'est pas non plus une bonne chose ;
Il n'y a pas pire calamité que ces choses-là,
Dans ce bas monde.
Tant que nous détiendrons le carquois et l'arc,
La faim ne tuera plus personne au Manden,
Si d'aventure la famine venait à sévir ;
La guerre ne détruira plus jamais de village
Pour y prélever des esclaves ;
C'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
Pour aller le vendre ;
Personne ne sera non plus battu,
A fortiori mis à mort,
Parce qu'il est fils d'esclave.

Les chasseurs déclarent :
L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour,
« D'un mur à l'autre », d'une frontière à l'autre du Manden ;
La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;
Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
Quelle épreuve que le tourment !
Surtout lorsque l'opprimé ne dispose d'aucun recours.
L'esclave ne jouit d'aucune considération,
Nulle part dans le monde.

Les gens d'autrefois nous disent :
« L'homme en tant qu'individu
Fait d'os et de chair,
De moelle et de nerfs,
De peau recouverte de poils et de cheveux,
Se nourrit d'aliments et de boissons ;
Mais son « âme », son esprit vit de trois choses :
Voir qui il a envie de voir
Dire ce qu'il a envie de dire
Et faire ce qu'il a envie de faire ;
Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine,
Elle en souffrirait
Et s'étiolerait sûrement. »
En conséquence, les chasseurs déclarent :
Chacun dispose désormais de sa personne,
Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais des fruits de son travail.
Tel est le serment du Manden

Massa Makan Diabaté64

Sogolon

Ordure ! Ordure ! Ordure !
Tout se cache sous l'ordure
Et l'ordure sous rien
Tout se cache sous l'ordure ;
Pas le feu

Amadou Hampâté Bâ65

Lootori

Nous avons cultivé et sarclé nos champs.
Rien de savoureux ne manque :
citrouilles, haricots, arachides et gombos,
maïs et courgettes ont poussé,
bien donné et à point mûri !
-- Lootori ! Lootori, l'année s'en est allée, comme astre a disparu !

Levez-vous ! Les poules du village ont crié ;
les ânes ont brait à s'en lasser ;
les oiseaux se sont réveillés ; les hyènes ont filé ;
le caméléon est entré dans la rosée
et voici le calao qui cherche à s'envoler !
-- Lootori ! Lootori, conduisez les troupeaux à la mare de Béla

Sekou Demba66

Jammooje na'i, Éloge des bovins

Bœufs mis en route par le marabout de Kouboulou
Par le canal et demandent protection
Ne craignent pas la chaleur
Partent en passant par Guinewol
Embrassent la chaleur
Avant le grondement du tonnerre
Avant la végétation des arbres
Pas d'eau de pluie entre
Le Kareri et les canaux de Kourma
Nous avons trouvé que tout est sec
Les génies ont montré
Les saints ont regardé
J'ai pris le départ à Tinaré
En direction des hauts lieux
Gouro Diorba Hassimi
(...)
Jusqu'à ce que les bœufs s'engraissent bien
Ils sont installés dans la zone exondée
Ont payé les dettes
Ne s'abritent pas sous les arbres
Ont supporté l'harmattan
Endurent la fatigue
Boivent de l'eau entre
Kanadié et le canal de Bouka
(...)
Quand ça chauffe, porteur de célébrité
Avant la tombée des gouttes
Avant que la terre se mouille
Porteur d'espoir
Élégant dans le troupeau
Le svelte des blancs
À passer la saison chaude en haut
À de belles aisselles
Avec un troupeau, longtemps porte-bonheur
N'a pas cherché de compagnon entre
Le fleuve Diaka et le canal Diambé
Aucun ressortissant de JafaraaBe
Je suis seul avec Bohal, fils de Blanche
Qui supporte la chaleur
A donner le coup d'envoi pour les jeunes de
Sogonari
Ils sont soutenus à Kouboulou
Ne craignent pas l'interdit
Ne démarrent pas pour retourner
Ne tombent pas de soif
Ne côtoient pas les fleuves
Partent loin du colon
J'envoie les bœufs dans les hauts lieux
(...)
Tous les campements du Kourma
Sont témoins oculaires
Courageux quand l'épreuve est dure
Premier avant que le tonnerre
Gronde et avant tout
Autre grondement

Allâye Tégué

Pour que je vous conte...

...pour que je vous conte
comment sont au pâturage les bêtes qui transhument
comment se couvre d'herbe les sables du Sêno
et comment, à la porte de l'été,
j'ai tambouriné !
Grand-Taureau-Ceinturé-de-Blanc !
Grand-Cuivré-rejeton d'Hippotrague !
Jeûnons, Taureau-de-la-Cuivrée !
Par Dieu, patience !
Même en haut, pas une ondée !
la Constellation Dôri na pas encore quitté les cieux
et celle des Pleïades n'a pas encore paru
Oies d'Égypte ne sont pas encore montées
et gouttes de pluie pas encore tombées
canaux ne se sont pas gonflés

NIGÉRIANE

Chinua Achebe67

Une mère dans un camp de réfugiés

Aucune Madone à l'enfant ne pourrait s'approcher
De sa tendresse pour un fils
Qu'elle devrait bientôt oublier...
L'air était chargé d'odeurs de diarrhée,
D'enfants sales, les côtes saillantes
Et de derrières secs qui se dandinent péniblement
Derrière des ventres gonflés par le vide. Ici, d'autres mères
avaient renoncé à s'inquiéter depuis longtemps mais pas celle-ci :
Elle gardait entre ses dents un sourire de spectre,
Et dans ses yeux le souvenir
De sa fierté de mère... Elle l'avait baigné
Et frictionné de ses mains nues.
Elle sortit du paquet contenant leurs possessions
Un peigne cassé et peigna
Les cheveux couleur de rouille encore accrochés à son crâne
Puis -- avec un bourdonnement dans les yeux -- commença
soigneusement à les coiffer.
Dans leur vie d'autrefois sans doute
C'était un petit geste ordinaire et quotidien, sans conséquence
Avant le petit-déjeuner et l'école :
à présent elle le faisait
Comme si elle mettait des fleurs sur une tombe minuscule.

La pénalité de l'effigie

Une flamme soufflée par l'haleine
incendiaire de l'harmattan sur le feu
de la veille atteignit le lit de paille
du vieil homme. Allant à l'encontre de son âge
et de sa maladie il se leva et, aveuglé par la fumée,
parvint à se mettre en lieu sûr.

Un rat plein de vivacité apparut sur le
seuil de son trou il jeta un rapide regard à gauche et
à droite puis il se précipita vers
le champ le plus proche.
Même les cafards, ces locataires
sinistres que rien ne décourage
fuirent leurs fissures en volant grâce à ces ailes qu'ils
n'utilisent qu'en cas de danger mortel.

Seuls les dieux du foyer
noircis et figés sous la patine sanglante des sacrifices rituels sans cesse recommencés
et festonnés de plumes moururent dans le brasier étincelant
de cette hutte.

Non-engagement

Hourra! à ceux qui ne font rien
ne voient rien ne sentent rien et dont
les cœurs sont dotés de prudence
comme un diaphragme à travers
la porte de l'utérus fait barrage
au scandale de la furie séminale. On m'a
dit que le hibou porte aussi sagement
un anneau de défense
à chaque œil vulnérable, le gardant aussitôt
contre les flèches de la lumière. Il y a longtemps
au Moyen-Orient Ponce Pilate
lava publiquement l'implication de ses
mains blanches et devint célèbre. (De tout
les fonctionnaires romains avant lui et après
de qui d'autre parle-t-on
tous les dimanches dans le symbole des Apôtres ?) Et
parlant des apôtres cet autre camarade
Judas n'était pas si idiot
non plus ; quoique très décrié par
les générations successives, le fait demeure
que lui seul dans cette foule hétéroclite
eut assez de bon sens pour dire qu'un mouvement
était condamné quand il en a vu un
et en sortir en vitesse, un joli petit
paquet bombant sa poche de manteau
par-dessus le marché, un gars sensé.

Catherine Obianuju Acholonu68

La dernière goutte du printemps

Je me souviens encore de leurs rires
lorsqu'ils parlaient de « vertu perdue ».
Moi, Obianuju, j'ai appris à vivre dans la pénurie.

Alors, prudemment, je choisis mes pas
en gravissant la colline escarpée
portant sur ma tête
dans un pot d'argile
la dernière goutte de la source

mais des buissons une douce mélodie jaillit
et remplit mes oreilles
désarmante alléchante

et le corps est tenté de se balancer
conduisant les pieds hors du droit chemin

et les yeux sont tentés de s'égarer
pour trouver la source qui donne la joie temporelle

mais je dois tenir mon pot d'eau de source
bien que le vendeur de pot en terre
ne fasse jamais le « client »
bien que la porteuse du pot en terre
soit la mère d'un fils unique
et que cet air qui vibre à mes oreilles
me donne envie de danser
pour balancer mes hanches
à l'unisson avec ce qui envoûte

pourtant je ne peux pas le perdre
cette tige cet accessoire
J'ai travaillé sur cette colline
à travers le labeur et la sueur
et je ne peux pas le renverser

cette eau si pure si claire si douce
la dernière goutte de la source mourante

Moi Obianuju
Je fournirai beaucoup à mes enfants
Je multiplierai cette goutte multipliera cette goutte
multi...pl...p...

Homme seul

la foudre déchire le ciel en deux
l'ouragan rugissant avance avec le feu
versant du sable noir chaud dans vos yeux

puissant faucon mortel
douche pierres chaudes
gouttes pots de la mort

écoutez et n'entendez
rien
rien que le bruit des pas pressés derrière vous
qui résonnent dans la nuit
vous accélérez vos pas
une paire d'yeux effrayés qui regardent en arrière

des lèvres desséchées se frappent l'une contre l'autre
pressant les mots secs
seul
homme seul
ces années partagées mois jours
se réduisent au néant
rien ne reste qu'un vide infini
l'horreur de la découverte
que tu es un homme seul

Le plaidoyer d'un enfant

Où est mon palmier, maman ?
Où est mon palmier ?
Supprimé dit Mama
Pratique obsolète.
Les latrines de la maternité
ont pris soin de votre place après la naissance.
Mais maman
Un petit trou près d'un petit palmier
C'était tout ce dont j'avais besoin.
Pourquoi m'as-tu refusé Demain. . .
Aujourd'hui ne sert à rien Sans demain.
Maman Où est mon palmier ?

Ayo Ayoola-Amale69

Apporter le soleil

« Élevez-vous, ô humanité, élevez-vous comme un seul, sentez cette rafale d'amour souffler comme un tonnerre dans les cœurs, Élevez-vous ! Élevez-vous pour vivre, 
Avant l'angoisse dans les espaces cruels ; apporter les soleils de la paix.
Avant que la rivière ne s'éteigne ; apporter les soleils de la paix.
J'ai entendu la voix comme le paradis chanter à travers moi

« Élevez-vous, ô humanité, élevez-vous comme un seul, sentez cette rafale d'amour souffler comme un tonnerre dans les cœurs, élevez-vous ! Élevez-vous pour vivre  
Avant que les tempêtes ne pénètrent l'humanité, apportez les soleils de la paix
Avant le chaos effrayant en nous; apporter les soleils de la paix
J'ai entendu la voix de l'amour si forte en moi

« Élevez-vous, ô humanité, élevez-vous comme un seul, sentez cette rafale d'amour souffler comme un tonnerre dans les cœurs, élevez-vous ! Élevez-vous pour vivre
Devant le tonnerre des visages en colère ; apporter les soleils de la paix
 Avant que la vie cesse; apporter les soleils de la paix
J'ai vu la lumière de la vérité construire les ponts de l'éternité

« Élevez-vous, ô humanité, élevez-vous comme un seul, sentez cette rafale d'amour souffler comme un tonnerre dans les cœurs, élevez-vous ! Élevez-vous pour vivre    
J'ai entendu l'âme de toute beauté chanter à travers moi, éclairer les cœurs alors que mes chansons se fondent dans l'esprit de l'humanité, cela remplit mes lunes

« Élevez-vous, ô humanité, élevez-vous comme un seul, sentez cette rafale d'amour souffler avec un tonnerre dans les cœurs, élevez-vous ! Élevez-vous pour vivre, Apportez les soleils de la paix.

Je n'ai pas vu le soleil

Un petit habitat sur une montagne
et mes jambes énormes murmuraient tranquillement des chansons
de l'aube silencieuse.
J'ai levé les jambes et j'ai marché sur la lune. Quel âge ces jambes fraîches, courir après moi.
Crie un ménestrel affamé à l'intérieur, mais la beauté se trouve
dans les tambours sans abri.

Un château affamé, grainé de marbre et inégal,
Durci, amer de faim et de soif sur la crête de la faille.
En sortaient les joues dorées pleines de forts courants
gargouillant comme un volcan qui réveillait les profondeurs cachées de la douleur.

Plus tard, j'ai appris que je savais sans savoir.
Le monde est juste venu visiter.
Je n'ai pas vu le soleil.
J'ai vu des inondations transformer des châteaux en automne.
Si longtemps mes yeux sont devenus déserts,
Puis je suis rentré à la maison.
Serait-ce mes jambes qui dépassent de la fenêtre ?

Tout ça tambour

Je pense à tout ce qui peine à louer sans l'envie de désinformer.
Faire l'éloge dans un tambour.
Un tambour appelle, je ne peux pas penser. Est-ce un incendie ou une guerre,
Une âme se noie ou a disparu ?
Nous n'avons vu aucun visage de dieu dans l'appel du tambour,
ou dans la voix solitaire du crieur public.
Je ne peux pas penser à tous les sons qui sont venus et partis,
tambours dans la taille des hommes
et dans le cœur des femmes -
je ne peux entendre que le tambour des maîtres-batteurs,
porter une blouse et jouer les jours de marché.
je cours dans un tambour parlant, entre les genoux.
J'ai entendu le rythme et la danse comme un durbar local.
Un gros tambour et un petit tambour crient fort à l'arrivée d'un chef.
Tous les tambours et tous les rythmes dans les chambres de hameau,
et toutes les âmes qui gisent gelées, dans des villages désolés
épuisés vieux, comme l'ancien
et regarder un enfant enceinte de tous ces tambours.

Akinwumi Isola70

Sans le vouloir

Dans ma prime enfance, je croyais que le Monde allait droit :
Je marchais librement, Je parlais sans gêne,
Je levais les jambes, Je donnais des coups à tout va
Je finissais de manger, Je dormais le ventre plein
Je n'avais que des amis, Je n'avais pas d'ennemis.

Le Monde entier paraissait si paternel.
Peu de temps après Ils ont dit que je mûrissais.
Si je riais beaucoup, Je recevais un coup sur le crâne.
Si je parlais de ce que je voyais, Ils me giflaient sur la bouche.

La colombe est dans la forêt,
Elle étend les ailes Mais une fois apprivoisée,
Elle boit de l'eau dans une boîte de conserve.
Les affaires de ce Monde, quel mystère !
Le coq saute sur le toit, Il chante fort.
Quand il descend, nous lui ôtons les plumes des ailes, entièrement.
Alors il devient un oiseau qui chante sous l'arbre.
Le monde n'aime pas tant le coq que la volaille.

Un ancien avait le nez sale, Je l'ai fait remarquer ; j'ai été fouetté.
Un petit enfant a uriné dans la marmite de soupe. Je l'ai dit, j'ai été puni.
Je dis : « On devrait dire les choses comme on les voit. »
Le Monde dit : « même si les yeux voient, la bouche doit se taire ».
Ne voyez-vous pas que le monde tel qu'il se montre ?
Sans le vouloir,
Le Monde peut détruire la sagesse au cœur de chacun
Sans le vouloir.

Niyi Osundaré71

Vœux

J'aimerais pouvoir encore rire avec le lotus
Sur la rive du Nil 

Enlever mes vêtements 
et plonger dans le Zambèze 

Me joindre aux danseurs spirituels
Au milieu du Gange

Rompre avec le Rio
Au tonnerre de la samba

Éventer le visage du Yangtsé 
avec l'éventail de la lune

Taquiner la Tamise
avec un pied déchaussé

Embrasser la Volga
à bras ouverts 

Demander au Mississippi
Pour un bol d'eau. . . 

Hélas, entre la tasse et la lèvre
Un acre de souhaits 

Un chant pour le changement

Je chante la beauté d'Athènes
sans ses esclaves
Un monde libéré de ses rois et reines
et autres vestiges d'une ère arbitraire
La terre sans
nord mordant
ni sud profond
sans rideaux aveugles
ni murailles d'acier
la fin des seigneurs de la guerre et des armureries
et des prisons de la rancune et de la peur
Les déserts couverts d'arbres et de fruits
après les pluies revigorantes
Le soleil irradiant l'ignorance
et les étoiles façonnant des nuits d'inconscience
Je chante un monde remodelé

Mabel Segun72

Mauvaise destination

J'ai loué un avion et j'y ai pensé.
"Emmenez-nous" dis-je au pilote
"À cet endroit où je crois que les
Pensées peuvent se développer,
Abreuvées par l'imagination,
Nourries de liberté."

Mais l'avion a été détourné et emmené dans un endroit
où rien ne poussait que des mauvaises herbes.
Mes pensées se sont efforcées avec tant de courage
De grandir parmi les mauvaises herbes,
Mais elles ont été étouffées à mort,
Les mauvaises herbes les ont étouffées, Mon Dieu !

Maintenant je suis sans mes pensées;
Ils m'en ont donné de nouvelles,
Mais nous ne nous entendons pas ---
Ce sont les pensées de quelqu'un d'autre,
Pas les miennes.

Conflit

Ici, nous sommes des bébés exagérés,
en équilibre entre deux civilisations,
trouvant l'équilibre ennuyeux,
impatients que quelque chose se produise,
pour nous faire basculer dans un sens ou dans l'autre,
cherchant dans le noir un coup de main
et n'en trouvant aucun.
Je suis fatigué, ô mon Dieu, je suis fatigué,
je suis fatigué d'être suspendu au milieu --
mais où puis-je aller ?

Le pigeonnier

Comme j'aimerais pouvoir me classer moi-même
et y apposer proprement une étiquette !
Mais la connaissance de soi vient trop tard
Et le temps que je me connaisse
je ne suis plus ce que j'étais. 

J'ai connu une fois une femme
qui avait un enfant délinquant.
Elle n'a jamais eu un instant de tranquillité d'esprit
attendant dans une peur constante,
écoutant le coup redouté et les tons froids du policier:
"Madame, vous êtes recherchée au poste"
Je ne sais pas si le coup est jamais venu
mais elle a craint sur jusqu'à ce
que nous nous éloignions de la rue.
Elle avait l'habitude de dire
"C'est l'incertitude qui m'inquiète -
si seulement j'étais certaine..."

Si seulement je savais avec certitude
ce que ferait mon moi délinquant...
Mais je ne sais jamais jusqu'à ce que l'acte soit fait
Et je vis en craignant,

en me demandant quelle partie de moi l'emportera -
l'ancienne et éprouvée, la présente
ou la future inconnue.
Parfois toutes les trois ont un pouvoir égal
et puis comme j'aspire à un casier.

Lola Shoneyin73

Distance

L'anneau de vin rouge sur le dessous de verre sèche,
Je vois que mes lèvres ont laissé leur marque sur ton verre.
C'est arrivé quand je t'ai goûté au Merlot.
Je voulais une bouchée de tes notes fruitées,
voulait ton sang pour rompre mon pain.
(...)

Je méprise la théière qui est bien assise
entre nous. tu l'offres
à votre amie
qui réchauffe ses paumes
sur la voûte de son dos.
Elle sait aussi.

La lune dissout la lumière.
Le vin aigre dans ma bouche
alors je trouve une autre chambre.
Bientôt, la bague appellera mon nom
et je répondrai tout de même.
Alors tu m'embrasseras à la porte,
laisse-moi serrer ma joue
et en vouloir plus.

De retour

Encore une fois, je pense au jour
nous nous sommes rencontrés à l'enterrement,
comment il s'est glissé sur le banc,
comme il était facile de se débarrasser de la mort
pour le réveil.

Il y avait quelque chose
à propos de ses joues aspirées,
sa barbe en forme de couteau,
la façon dont il a enfilé le péché autour de son cou
comme des perles coûteuses.

Il m'a déchiré un coin du recueil de cantiques.
Reste avec moi, dit-il.
Il a dit qu'il était le deuxième fléau
qu'il pouvait transformer le sang en eau
avec sa perche.

Je suis venu libérer les captifs
du quatrième commandement, dit-il.
Pour emmener les femmes vers la terre promise,
construisez-leur des agneaux de poussière d'or
et émiettez-les en sel 

Charme

Jours somnolents
et je ne me souviens pas de toi.
La seule breloque de l'épouse gît
dans une vieille boîte en plastique .

une alliance en argent bon marché.
Une ligne sombre l'entoure
comme une lune sans nom et indigne
enfilée loin du soleil.

Je l'ai rangée il y a des mois
quand, un matin brisé,
J'ai trouvé au réveil que je n'avais pas rêvé
de toi depuis des années. Souciée non plus.

Wole Soyinka74

Mensonges

Les mensonges dominent le monde.
La malhonnêteté domine l'humanité.
Vous tirez tous votre subsistance de la prévarication
Celui qui est petit dit qu'il n'est pas petit.
Celle qui est grande dit qu'elle n'est pas trop grande.
Celle qui est grosse ne reconnaît pas qu'elle est grosse.
L'homme maigre dit qu'il mange pour se rembourrer.
Le perpétuellement paresseux prétend travailler plus dur que tout le monde.

Vous colportez tous des mensonges comme de la farine d'igname !
Les riches se disent sans le sou,
Le visiblement pauvre se dit épargné par la pauvreté.
Il dit qu'une fois qu'on a mangé,
L'argent ne signifie rien !
Le paresseux prétend dépendre de ce que rapporte un dur travail,
La maladivement faible prétend que tout va bien pour elle,
Les hommes en bonne condition se prétendent malportants.
Il y a assez de nourriture à la maison ; vous prétendez qu'elle manque.
Lors d'une sortie, vous avez faim, vous prétendez avoir mangé.
Le père ferme doucement les yeux, il prétend qu'il dort.
Le serviteur somnole, il se prétend bien réveillé,
Et que c'est seulement qu'il prie !
Il fait nuit, on dit qu'il ne fait pas encore noir, qu'on a des endroits où aller.
Le matin, le jour se lève, vous dites que non.
Vous dormez profondément.
C'est ce que vous voulez voir que vous voyez.
Ce dont vous ne voulez pas, ça n'existe pas !
L'eau est froide ; l'homme blessé dit qu'elle est assez chaude
L'eau pour la bouillie est en train de boullir ; la femme dit qu'elle est froide,
Elle dit que le mari devrait se mettre à manger.
S'ils s'en vont,
Ils vont dire qu'ils arrivent.
S'ils viennent à être fauchés,
Ils prétendent avoir plein d'argent,
Les gens s'embobinent eux-mêmes.
C'est comme la mère de jumeaux,
Son enfant meurt,
Mais elle prétend qu'il est allé à Lagos acheter des vêtements.
On ferait mieux d'accepter sa destinée
Et d'arrêter de se raconter des histoires.
La dette ne sera pas réduite d'un kobo
Si le débiteur se saoule.

Avertissement

Combien d'oreilles avez-vous ?
Vous feriez mieux de faire attention,
Vous les jeunes intacts
Vous feriez mieux de faire attention.
L'œil-dirige-la-jambe,
Attention à tes yeux.
Quand tu marches sur la route,
Rappelle-toi la maison d'où tu viens.
Les derrières dodus attirent les clients
Ennuis,
Mort,
Dette !
Les gamines pleines de bijoux,
Aux postérieurs veloutés,
Les jolies beautés sveltes,
Celles-qui-portent-leur-chapeau-au-ras-des-cils
Avec leurs cuisses comme des rayons de miel,
Celles-qui-ne-portent-pas-de-marchandises,
Mais qui attirent les clients,
Elles ont leurs marchandises aux hanches,
Elles tendent les pièges de leurs cuisses.
Elles cherchent l'enfant qui n'a pas obéi à sa mère.
Elles cherchent la personne qui a rejeté les conseils de son père.
L'enfant affamé,
Qui ne veut pas aller au restaurant
Et consommer de l'eba
Qui ne veut pas aller dans la salle
Et verser de la sauce sur de l'amala,
Ni ajouter deux morceaux de viande à de l'igname écrasée,
Et manger,
Et se remplir comme un éléphant.
Elles cherchent l'enfant qui veut manger la friandise-qui-ne-touche-pas-la-bouche
Quand on la consomme,
Il va sentir encore les crampes de la faim.
Chaque fois que nous en consommons,
Le coq céleste pourrait se mettre à chanter.

Alertes

Nous vénérons les évangélisateurs enfiévrés
Leurs voix fissurent chaires, sanctuaires et minarets
Déchaînent des cantiques d'onctueux boniments dont les tessons
Transpercent les âmes grandes ouvertes

Voyez les sages élus
Liés par des rémunérations juteuses, foncer
Pour inscrire des lois faisant de l'enfant une femme
Sitôt les bans du mariage prononcés !

Les chevilles dénudées suscitent la tentation
Femmes !
Soyez tels des fantômes, tentes noires en marche
Enveloppées dans des voilures de défiguration

Seul le nom du dieu varie, pouvoir
Est le nom qu'il voile, le dessein sacramentel
Dont le licou sanctifié tient l'humanité sous contrôle

NIGÉRIENNE

Rhissa Rhossey75

Pas de nom

Non, frère d'outre-mer Surtout pas de nom
Je ne suis pas le fils Du vent et des nuages
Je suis le fils de la fange, De la fange stérile et rouge
Sables, montagnes et pierres Je suis le fils de la terre
Maternelle
Silence, oubli, mépris Je suis l'enfant des douleurs Éternelles
Non, frère, je ne suis pas
Je ne suis plus
Le seigneur du désert
Mais l'esclave des horizons nus

RWANDAISE

Nyabiguma, fils de Sâanzige, fils de Mugûta76

Ils m'ont envoyé

Ils m'ont envoyé m'informer de la chasse,
Les chasseurs de la Chasse-aux-veaux,
Chez le Conquérant et l'Intrépide,
Pour m'informer de la chasse du Tonitruant.
« En chassant les gazelles tu lèves les pays étrangers,
O Don, fils de Je-les-secours,
Et nous nous donnons des provisions de route. »

Voici qu'on m'envoie m'informer comment tu diriges l'expédition,
Pour que les monarques des Mouchetures, chez Matama,
N'aillent pas se quereller
Sous prétexte que tu as retardé les guerriers.
Tout en barrant le chemin aux antilopes,
Tu épies la poitrine de l'Interrogateur,
Et la pensée qui naît entre dans le plan.

O Seigneur, vu que tu as dominé les pays étrangers,
Ils t'acclament, les nobles possesseurs de ces vaches-ci.
O Rémunérateur, il t'acclame, l'Engagé-aux-coups-infaillibles, Fils de Donne-moi-un-berceau et de Rareté,
Possesseur de ce fameux bouclier à Sans-vivacité.
Le Vivace s'obstina
A refuser de livrer la fille nubile de l'Attrayant et le fameux tambour,
Celui-qui-n'admet-pas-le-laisser-aller, fils de Baguettes-de-tambour.
O J'emporte-le-bouclier, Crâneur, Fils de la Femme-au-singe et du Regretté, Tu es le Tonnerre destiné à tailler le Ligoteur.
Ce Trayeur, Tailleur-de-la-corde-d'arc, Fils de l'Enclos-sur-la-tête,
Ce pourquoi tu t'entends bien avec lui,
« C'est que, dit-il, tu es expéditif comme lui ».

A mes compagnons j'ai dit
Que le Moucheté chasserait au Lieu-boueux,
Le Confortant, fils de Tatouage, lui-même fils de Porteur-de-pagne-de-guerre
Quand Barque-géante chassait à Nkuzuzu.
Quand on aura extrait des oracles des vaches,
Pense également au clairvoyant qui a parlé de Tanda.
C'est encore là un autre déclic
Qui te préserve d'erreur, posé par Celui-qu'on-trait,
Et qui resta comme présage favorable au Réveilleur.
Quand tu auras longé le Pays-des-bêtes
Et la rivière du Passage
Tu abreuveras dans la Région-sans-mollesse.
Ce lieu est proche de l'abreuvoir qui te reste,
O Héritier-d'avenir-heureux, fils de Paralyse-pour-moi,
O Heureux, fils de Passe-montagnes:
Tu auras vieilli au Lieu-où-1'on-lutte.
Lorsque le Kiga se sera oint,
O Obstructeur, fils de Porte-bouclier,
Tu régneras éternellement.
C'est là aussi un oracle de rêves :
J'apprécie ceux-ci en faveur de Nsoro, fils de Conçois-pour-moi, fils du Grand-batelier
Tandis que sur l'oreiller je rêve d'aller à Gasabo.
Si tu ne bâtis pas à Nyakabungo, ô Errant,
Et sur la pente d'Inclinaison,
Que le tambour m'enlève mon talent de poète
Je me suis empressé de te dire ce que tu avais fait,
O Tonnerre, fils de Vaches-qui-ont-marché,
Et j'ai cru avoir fauté.
Le courtisan expérimenté n'est pas traité en simple suivant.
Auprès de ce roi issu de Gahima,
Moi je me suis brûlé, et il me tiendra à l'écart.
Mais même s'il me tenait à l'écart, je rêverais de lui dans mon cœur,
Cet Intarissable, fils du Sacrificateur,
Disant : « II a passé la nuit à Baguettes-de-tambour ».

Cyprien Rugamba77

Mémorial

J'ai été élevé là où tu es né.
Tes parents me connaissent.
Toi tu étais un petit bébé
Et te roulais sur ta couche.
Quand bien même quelqu'un serait issu du clan des Basinga,
Tandis qu'un autre descendrait du clan des Bega,
Comme tous les Rwandais
Ils seraient parents.
(...)
Prenez soin de calmer les imprudents
Qui ne redoutent pas le tonnerre qui gronde.
Tempérez leur impétuosité,
De peur qu'ils ne continuent à se jeter à l'eau,
Au risque de disparaître dans la tempête

Continuerai-je cette pente pour toujours
Bien que je sache qu'au-delà de mon regard
Je n'irai qu'à une rivière sans bords?
Continuerai-je les pas de mon instrument
Comme le berger qui répète son appel
Pour guider le bétail à un puits qui le noiera ?
Je viens de rêver du sevrage de la génisse
Dans une nuit propice pour les criminels
Propice pour un massacre sanglant
(...)
Des flèches volaient comme des oiseaux innombrables
Ou comme un ouragan furieux.
Je vois l'épée qui blesse
Je vois le bâton qui bat
Je vois la génisse sevrée trop tôt.
J'ai rêvé toute la nuit:
Mes rêves étaient un océan
Ils submergeaient le Rwanda.
Je rêvais encore, le pays était en panique il était tout en feu
La foule déchaînée était sanguinaire.
Je savais que le début du fratricide était devenu inéluctable.
Je me lève en trébuchant parce que cette étape
Que je tenais pour un objectif
Vient de mettre mes forces à l'épreuve.
Un piège qui ne veut pas tromper son auteur
Se détend en présence de celui-ci.
Ils ont décidé avec détermination
Et ont bien aiguisé le fer de leurs armes.
Lorsque je me suis relevé en m'appuyant sur les coudes,
J'ai éprouvé l'envie de déclamer mes hauts faits ;
Mais lorsque j'ai jeté un coup d'œil sur les archers d'avant-garde,
J'ai constaté que l'obscurité régnait
Comme si une éclipse solaire s'était produite.
Nous ressemblons à des veaux imprudents
Qui, voyant leurs mères mortes,
S'étendent auprès de celles-ci,
Au lieu de s'éloigner incognito,
De peur d'être décimés jusqu'au dernier.

SÉNÉGALAISE

Bakary Diallo78

Averse !

La vie, Ah ma Loûla n'est qu'un mot...
Mais que de merveilles en son sein !
Les premiers venus disaient que la vie était une plaine
Une fois partis, d'autres prirent leur place et dirent : « Non, un vallon ! »
L'oiseau du Diêri, sentant que la vie était instable
Se faufila à travers la saison sèche.
Qu'il pleuve à verse...
Mon Dieu, de la brousse au village, Toi seul est Tout-Puissant !
Qu'il pleuve, tant que des bourrasques balaient les plumes que la saison sèche rejette !
Tant, que les gouttes d'eau étouffent au-dessus des cases en paille le feu de la saison sèche, que de coquettes jeunes filles écoutent...
Tant, que les applaudissements des femmes retentissent au milieu des arbustes Kel bourgeonnant !
De fines tiges grisâtres de feuilles tressées !
Défibrées, blanchissent et embellissent l'intérieur des cases peules !
Des cases que les yeux contemplent, l'esprit mesure, le cœur évalue, où l'âme
devine la valeur d'une femme exceptionnelle...
Mon Dieu, qu'il pleuve car on ne trouve la paix que s'il pleut !
(...)
Les grenouilles célèbrent Dieu, les crapauds gémissent, les salamandres jouent du luth !
Regarde bien ma Loûla...
Le miel de la saison des pluies se prélève sur la piste de pâturage, dans les empreintes de sabots gorgées d'eau de pluie...

Souleymane Diamanka79

Réponds-lui avec de l'eau

Si quelqu'un te parle avec des flammes
Répond-lui avec de l'eau
Sache que le seul combat qui se gagne
C'est le duel qui devient duo

Je sais que les braves savent se battre
Et lutter pour leurs droits jusqu'à l'aube
Mais dis-leur que la paix guérit et la guerre périt
Quand la plus belle âme des deux ennemis pardonnent à l'autre
Si quelqu'un te parle avec des flammes
Répond-lui avec de l'eau demain il sera des nôtres
Dehors ceux qui se nourrissent de l'éclat de l'or
Essaient de faire peur aux pauvres
Il fait sombre dans les songes que l'orateur peul colore
Mais il paraît que l'heure la plus noire de la nuit précède de peu l'aurore

Trop de colères qui courent les rues
Avec des pleines lunes dans le dos
Par pitié si quelqu'un te parle avec des flammes

Répond-lui avec de l'eau

Le voeu exaucé de Dieneba

À la femme peule enceinte qui portait de sales habits
Et qui a mis au monde un être au péril de sa vie
La sage femme africaine au doux visage a dit
C'est un garçon

Il y avait peut de chance pour qu'il voit le jour
Mais ton vœu s'est exaucé
Il s'appellera Dua Jaabi...
Dua Jaabi Jeneba... Le vœu exaucé de Diénéba
La sage femme africaine au doux visage a dit
L'enfant que tu as mis au monde cette nuit
Prendra la parole au nom du peuple qui danse
La cérémonie du "Guerewol" entre deux saisons des pluies

Et comme dans nos humbles légendes
Les animaux les anges et les gens se retourneront vers lui
Ma mère m'a appelé Dua Jaabi...
Dua Jaabi Jeneba... Le vœu exaucé de Diénéba
Avant de m'appeler Souleymane

Depuis quand elle me rappelle que mon prénom
À lui seul est un talisman son visage s'illumine
Avec cette douce larme éternelle
Sous l'œil maternel
Qui fait que chacun de ses sourires est une étoile

Quand je suis aller à Kandio son village natal au Sénégal
Je suis aller voir ce vieil homme qui me ressemble
Et qui travaille le torse nu comme une âme
Et la brise a retenu son souffle
Quand je lui ai dit min wiire Dua Jaabi Jeneba
Jeneba Jiba woni Neene am
Kagn' jangini kam needi Kagn' jangini kam end'am
En rêve j'ai appris à chevaucher le vent

Tout devient possible je suis le fils d'une femme
Qui ne pouvait plus avoir d'enfant
Et quand j'écoute mon âme
C'est le chant des gitans du Sahel que j'entends
Je m'appelle Dua Jaabi...
Dua Jaabi Jeneba... Le vœu exaucé de Diénéba

Birago Diop80

Ceux qui sont morts ...

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l'ombre qui s'éclaire
Et dans l'ombre qui s'épaissit,
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l'arbre qui frémit,
Ils sont dans le bois qui gémit,
Ils sont dans l'eau qui coule,
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts. »

Viatique

Dans un des trois canaris
des trois canaris où reviennent certains soirs
les âmes satisfaites et sereines,
les souffles des ancêtres,
des ancêtres qui furent des hommes
des aïeux qui furent des sages.

Mère a trempé trois doigts,
trois doigts de sa main gauche :
le pouce, l'index et le majeur;
Moi j'ai trempé trois doigts :
trois doigts de la main droite :
le pouce, l'index et le majeur.

Avec ses trois doigts rouges de sang,
de sang de chien,
de sang de taureau,
de sang de bouc.
Mère m'a touché par trois fois.
Elle a touché mon front avec son pouce,
Avec l'index mon sein gauche
Et mon nombril avec son majeur.

Moi j'ai tendu mes doigts rouges de sang, de sang de chien, de sang de taureau, de sang de bouc.
J'ai tendu mes trois doigts aux vents aux vents du Nord, aux vents du Levant aux vents du Sud, aux vents du couchant;
Et j'ai levé mes trois doigts vers la Lune, vers la Lune pleine, la Lune pleine et nue
Quand elle fut au fond du plus grand canari.

Après j'ai enfoncé mes trois doigts dans le sable dans le sable qui s'était refroidi.
Alors Mère a dit : «Va par le Monde, Va ! Dans la vie ils seront sur tes pas. »

Depuis je vais je vais par les sentiers par les sentiers et sur les routes,
par-delà la mer et plus loin, plus loin encore, par-delà la mer et par-delà l'au-delà ;
Et lorsque j'approche les méchants, les Hommes au cœur noir,
lorsque j'approche les envieux, les hommes au cœur noir
Devant moi s'avancent les Souffles des Aïeux.

Abandon

Dans le bois obscurci
Les trompes hurlent hululent sans merci
Sur les tam-tams maudits.
Nuit noire, nuit noire !

Le lait s'est aigri Dans les calebasses
La bouillie a durci Dans les vases

Dans les cases La peur passe, la peur repasse,
Nuit noire, nuit noire!

Les torches qu'on allume Jettent dans l'air
Des lueurs sans volume, Sans éclat, sans éclair,
Les torches fument,
Nuit noire, nuit noire !

Des souffles surpris Rôdent et gémissent
Murmurant des mots désappris, Des mots qui frémissent,
Nuit noire, nuit noire !

Du corps refroidi des poulets
Ni du chaud cadavre qui bouge
Nulle goutte n'a plus coulé
Ni du sang noir, ni du sang rouge,
Nuit noire, nuit noire !

Les trompes hurlent, hululent sans merci
Sur les tam-tams maudits,
Nuit noire, nuit noire !

Peureux le ruisseau orphelin Pleure et réclame
Le peuple de ses bords éteints
Errant sans fin, errant en vain
Nuit noire, nuit noire !

Et dans la savane sans âme
Désertée par le souffle des anciens
Les trompes hurlent, hululent sans merci
Sur les tam-tams maudits
Nuit noire, nuit noire !

Les arbres inquiets De la sève qui se fige
Dans leurs feuilles et dans leur tige Ne peuvent plus prier
Les aïeux qui hantaient leur pied

Nuit noire, nuit noire !
Dans les cases où la peur repasse
Dans l'air où la torche s'éteint
Sur le fleuve orphelin,
Dans la forêt sans âme et lasse
Sur les arbres inquiets et déteints

Dans les bois obscurcis
Les trompes hurlent, hululent sans merci
Sur les tam-tams maudits
Nuit noire, nuit noire !

Le chant des Rameurs

J'ai demandé souvent  écoutant la clameur
D'où venait l'âpre chant le doux chant des Rameurs.

Un soir, j'ai demandé aux jacassants corbeaux
Où allait l'âpre chant, le doux chant des Bozos,
Ils m'ont dit que le vent, messager infidèle
Le déposait tout près dans les rides de l'eau ;
Mais que l'eau désirant demeurer toujours belle
Efface à chaque instant les replis de sa peau.

J'ai demandé souvent  éoutant la clameur
D'où venait l'âpre chant le doux chant des rameurs.

Un soir, j'ai demandé aux verts palétuviers
Où allait l'âpre chant des rudes Piroguiers ;
Ils m'ont dit que le vent, messager infidèle
Le déposait très loin, au sommet des palmiers ;
Mais que tous les palmiers ont les cheveux rebelles
Et doivent tout le temps peigner leurs beaux cimiers.

J'ai demandé souvent écoutant la clameur
D'où venait l'âpre chant le doux chant des rameurs.

Un soir, j'ai demandé aux complaisants roseaux
Où allait l'âpre chant, le doux chant des Bozos,
Ils m'ont dit que le vent, messager infidèle
Le confiait là-haut, à un petit oiseau ;
Mais que l'oiseau, fuyant dans un furtif coup d'ailes,
L'oubliait quelquefois dans le ciel indigo. 
Et depuis, je comprends écoutant la clameur
D'où venait l'âpre chant le doux chant des rameurs.

David Diop81

Le temps du martyr

Le Blanc a tué mon père
Mon père était fier
Le Blanc a violé ma mère
Ma mère était belle
Le Blanc a courbé mon frère sous le soleil de la route
Mon frère était fort
Le Blanc a tourné vers moi
Ses mains rouges de sang Noir
Et de sa voix de maître
« Hé boy, un berger, une serviette, de l'eau ! »

Rama kam,chant pour une négresse

Me plaît ton regard de fauve
Et ta bouche à la saveur de mangue
Rama Kam
Ton corps est le piment noir
Qui fait chanter le désir
Rama Kam
Quand tu passes
La plus belle est jalouse
Du rythme chaleureux de ta hanche
  Rama Kam
Quand tu danses
Le tam-tam Rama Kam
Le tam-tam tendu comme un sexe de victoire
Halète sous les doigts bondissants du griot
Et quand tu aimes
Quand tu aimes Rama Kam
C'est la tornade qui tremble
Dans ta chair de nuit d'éclairs
Et me laisse plein du souffre de toi
O Rama Kam !

Ndiaga Diop

Deux verdures

Duel, d'un Coup ; Deux Cœurs verts ! Cœur, un lit vert !
La Main de l'Espérance ; magiques !
L'Unique ! En Duel, pour tout, Créa ! Vert
Espoir ; La Tige verte du Mil ; Maïs

Mêlé, en Couscous ; Celui-ci, au lait !
Qui est Élue, et nommément nommée ?
Hautes Paroles ; Nourrissant bon Lait !
Prose, au-dessus de la poésie !

Qui a Nourri ? Femme, doubles Honneurs !
Pluies Reverdissantes, à la Terre !
Paix sur Toi, en tout Temps ; Tous les Bonheurs !
Cœurs à élever ; Cœur, bonne Ombre !

Je suis Amour : chaque fois Exprimé
Est déclinée, Nouvelle expression !
Une autre intention d'Amour-Né
En profondeur, et en toute Passion !

Amadou Elimane Kane82

Le souffle vital

Je sais Je suis né insoumis
Pour fracasser à coup de racines vertes Le masque tenace de nos haines
Pour rugir sur la terre rouge La liberté et l'amour
Pour épouser notre belle humanité
Et vivre l'inspiration des matins de lumière
Je sais Je suis né insoumis
Comme une lave torrentielle Qui terrasse tous les murs de barbarie
Les murs d'injustice Les murs d'ignorance
Et notre mémoire surgira Comme les yeux intenses du soleil
Et je me souviens encore De ces paroles initiatiques
Que nous ne devons jamais Nous courber devant l'injustice
Et ne jamais baisser la tête
Le poète antique chante toujours
Dans la barque lunaire Qui vogue sur les eaux sacrées
Pour offrir un souffle vital À nos enfants les enfants
Où les ombres s'effondrent à l'horizon
Et les arbres universels Ouvrent leurs feuilles souveraines
Pour danser le rythme De l'ardeur de toutes nos ardeurs
Qui transforment les bêtises humaines
En un baobab d'amour

Kine Karama Fall83

Les élans de la grâce

Je m'incline dans un silence profond et sacré
Car ta beauté m'éblouit
Accueille mon âme
O Ciel
Qui s'envole vers toi
Et va dire au maître
Assis plus haut
Les souffles exaltants
De mes rêves bleus
(...)
Et je prends l'essor
Avec des élans de grâce
J'étais la symphonie lumineuse et sublime
Le bras du vent
Qui tend et qui donne
O berce-moi berce - moi
Fouille-moi zéphyr
Goutte-moi
Porte-moi
Rien au-delà des apparences et des formes
Sur sa robe du bleu clair
Et toujours plus limpide du ciel
Dans le verbe du silence
Au-delà des paroles
Et là garde-moi
(...)
Maintenant je sais
Depuis que mon âme a sondé l'air des cieux
Que rien n'est comparable vraiment rien
Au Rayonnement de l'Esprit

Amadou Lamine Sall84

Vois-tu, les griots ...

Vois-tu, les griots de mon peuple n'ont plus de voix
on leur a plié la langue mangé toute la bouche
pour avoir chanté des rois invalides
suçant jusqu'aux os asséchés de leur peuple
les tam-tams de mon vrai peuple n'ont plus de voix
les lions n'ont plus de voix les lions ont vieilli
la peau des derniers tambours sacrés bâille
et les hauts tambourineurs ont troqué les baguettes de manguiers
contre les haches des forges

Chant-poème pour Al Makhtoum

J'ai demandé à Dieu et à genoux
de me laisser placer sur terre et demain au ciel ma mère et mon père à ma droite
puis le prophète bien-aimé là où bat tout cœur, toute vie, toute foi
Dieu n'a pas Sa Place ni à droite ni à gauche
Il est Maître de toutes les places
Créateur de toutes les places Lui qui précède toutes choses
je ne suis rien d'autre qu'un tas de peau éphémère de chair et d'os
rien d'autre que de la poudre sans géométrie
rien d'autre qu'un petit serviteur parmi des serviteurs plus grands plus beaux
Dieu sait les reconnaître
Et à mon Seigneur ensuite j'ai demandé
de placer celui que je veux ici chanter
(...)
Ce n'est qu'une prière Ô Al Makhtoum
rien qu'une prière
la prière d'un poète fatigué et las de la terre qui nous ment...
quant aux hommes ils ne mentent plus car
il y a longtemps qu'ils sont morts et pas même un os ou
cacher un lambeau de peau...

Léopold Sedar Senghor85

Ma négritude

Ma Négritude point n'est sommeil de la race mais soleil de l'âme, ma négritude vue et vie
Ma Négritude est truelle à la main, est lance au poing Réécade.

Il n'est question de boire, de manger l'instant qui passe
Tant pis si je m'attendris sur les roses du Cap-Vert!
Ma tâche est d 'éveiller mon peuple aux futurs flamboyants
Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole!

Cher frère blanc

Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.

Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.

Alors, de nous deux,
Qui est l'homme de couleur?

Femme noire

Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au coeur de l'Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle

Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée

Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or rouge sur ta peau qui se moire
A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

L'ouragan

L'ouragan arrache tout autour de moi
Et l'ouragan arrache en moi feuilles et paroles futiles.
Des tourbillons de passion sifflent en silence
Mais paix sur la tornade sèche, sur la fuite de l'hivernage!
Toi Vent ardent Vent pur, Vent-de-belle-saison, brûle toute fleur toute pensée vaine
Quand retombe le sable sur les dunes dit cœur.
Servante, suspends ton geste de statue et vous enfants, vos jeux et vos rires d'ivoire.
Toi, qu'elle consume ta voix avec ton corps, qu'elle sèche parfum de ta chair
La flamme qui illumine ma nuit, comme une colonne et comme une palme.
Embrase mes lèvres de sang, Esprit, souffle sur les cordes de ma kôra
Que s'élève mon chant, aussi pur que l'or de Galam.

Prière aux masques

Masques! Ô Masques!
Masques noirs masques rouges, vous masques blanc-et-noir
Masques aux quatre points d'où souffle l'Esprit
Je vous salue dans le silence!
Et pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion.
Vous gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se fane
Vous distillez cet air d'éternité où je respire l'air de mes Pères.
Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de toute ride
Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l'autel de papier blanc
A votre image, écoutez-moi!
Voici que meurt l'Afrique des empires -- c'est l'agonie d'une princesse pitoyable
Et aussi l'Europe à qui nous sommes liés par le nombril.
Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l'on commande
Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement.
Que nous répondions présents à la renaissance du Monde
Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche.
Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons?
Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l'aurore?
Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l'homme aux espoirs éventrés?

Ils nous disent les hommes du coton du café de l'huile
Ils nous disent les hommes de la mort.
Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds
reprennent vigueur en frappant le sol dur.

Chaka -Aux martyrs Bantous de l'Afrique du Sud

Tam-Tam au loin, rythme sans voix qui fait la nuit et tous les villages au loin
Par-delà forêts et collines, par-delà le sommeil des marigots...
Et moi je suis celui-qui-accompagne, je suis le genou au flanc du tam-tam, je suis la baguette sculptée
La pirogue qui fend le fleuve, la main qui sème dans le ciel, le pied dans le ventre de la terre
Le pilon qui épouse la courbe mélodieuse. Je suis la baguette qui bat laboure le tam-tam.
Qui parle de monotonie ? La joie est monotone la beauté monotone
L'éternel un ciel sans nuage, une forêt bleue sans un cri, la voix toute seule mais juste.
Dure ce grand combat sonore, cette lutte harmonieuse, la sueur perles de rosée !
Mais non, je vais mourir d'attente...
Que de cette nuit blonde -- ô ma Nuit ô ma Noire ma Nolivé --
Que du tam-tam surgisse le soleil du monde nouveau.
(...)
La faiblesse du cœur est sainte...
Ah ! Tu crois que je ne l'ai pas aimée

Ma négresse blonde d'huile de palme à la taille de plume
Cuisse de loutre en surprise et de neige du Kilimandjaro
Seins de rizières mûres et de collines d'acacias sous le Vent d'Est.
Nolivé aux bras de boas, aux lèvres de serpent-minute
Nolivé aux yeux de constellation - point n'est besoin de lune pas de tam-tam
Mais sa voix dans ma tête et le pouls fiévreux de la nuit !...
Ah ! Tu crois que je ne l'ai pas aimée !

Mais ces longues années, cet écartèlement sur la roue des années, ce carcan qui étranglait toute action
Cette longue nuit sans sommeil... j'errais cavale du Zambèze, courant et ruant aux étoiles
Rongée d'un mal sans nom comme un léopard sur le garrot.
Je ne l'aurais pas tuée si moins aimée. Il fallait échapper au doute
A l'ivresse du lait de sa bouche, au tam-tam lancinant de la nuit de mon sang
A mes entrailles de laves ferventes, aux mines d'uranium de mon cœur dans les abimes de ma négritude
A mon amour Nolivé
Pour l'amour de mon peuple noir.

SOMALIENNE

Maxamed Ibraahin Warsame 'Hadraawi'86

Stupéfaction

Ô éblouissante chérie :
heureux hasard et bonne fortune
à toi, hypnotiseur d'esprit -
depuis que nous nous sommes connus
tu as été ma seule fièvre.
Tu es comme un chargeur aux pieds légers
rusé au combat de minuit,
le combat par engagement rapproché
où le cavalier se venge --
les hommes ont constamment l'air vif.
Je suis un seau vide purifié
par les brindilles brûlantes de ton amour;
tous les soirs je sors avec
le rêve de ton image de longue date.

Quand le vert du sol,
sa surface fraîche
et encore non labouré,
quand le front de sa croissance s'incline
et s'effondre sous le poids
de sa propre bonté,
et il n'y a pas d'espace pour planter un pied,
pas même de place pour s'appuyer ;
quand la pluie qui vient de tomber se rassemble
alourdir les courbes de la terre ;
quand dans la lumière rouge du soir
le ciel rassemble des nuages
la teinte exacte du henné
portant la marque du soleil ;
quand le soleil lui-même est vêtu
de la couleur même du cachemire,
quand des rayons propices à la pluie pendent à son cou :
ton apparence est cousine de tout ça
et qui s'il n'y est pas habitué
pourrait vous différencier ?
Tu es cet arbre au sommet d'une haute montagne
enraciné dans un sol fertile
rassasié d'eau et prêt à donner des fruits ;
(...)
Les filles célibataires se dépêchent
comme dans un lieu de danse,
les jeunes hommes aussi - peut-être
ils sont destinés à se marier,
bavardant dans la soirée impatiente -
qui ne te choisirait pas ?
Tu partages ta nature avec
cet univers rempli de félicité,
si Dieu ne se fâche pas
Ou me jetterait-on en enfer
je contraindrais le peuple à t'adorer,
laisse le noir et le blanc
En foule pour te couronner maintenant87 !

Clarté

Je n'ai toujours pas admis la défaite,
je ne me suis pas non plus retiré :
cette haute inspiration, ce talent dont j'étais doté, n'a pas été jeté.
La capacité de sa chamelle de lait à remplir
le seau laitier n'est pas diminuée - mis à part mon retard délibéré,
il n'y a pas de différence en moi.
J'ai donc quelques remarques à faire pour faire face aux semeurs de doute.

Quand les hommes se consacrent à la lutte et décident de remplir leur devoir ;
quand ils se préparent pour la charge,
amassent les meilleurs pur-sang ; quand les rênes sont sur les coureurs,
Je ne m'écarte jamais.
(...)
Quand notre débat s'échauffe des failles apparaissent :
ce dommage causé par l'exploitation
l'amertume des tribus, l'angoisse des clans,
qui ouvre des plaies béantes, les divisions entre les peuples.
Quand les hyènes descendent sur des tombes peu profondes
et les corps rejetés des morts,
cette viande pourrie que rien d'autre ne toucherait,
et arrachent la pulpe de leur ventre,
le flux et le flegme, et le dispersent tout autour,
les gens sont abasourdis,
l'air frais est souillé, le miasme remplit chaque narine.
Alors je suis cette prédiction
des nuages ​​encore à venir apportant une averse qui couvrira tout le pays.  
(...)
La cloche de clairon que nous portons sonnera,
les détruisant comme la foudre,
ces câlins du tribalisme, arracheurs d'argent, qui sont partout
ils veulent revenir en arrière de tout espoir de développement
et piller notre nation -
Je ne peux pas laisser ça arriver.
(...) 
Que ces quelques lignes soient frappantes
comme les rayures sur un oryx,
aussi visibles et aussi belles --
Je les place simplement bien en vue.
Mais il y a un autre point
ce qui terminera mon argumentation.

Les poèmes des autres sont poussés par le vent,
comme une tornade ils tournent
n'importe où et dans n'importe quelle direction :
gonflant l'étendard du tribalisme, levant sa lance mortelle,
retirant le couvercle de la retenue --
ils sont publiés sur tous les marchés.
N'y a-t-il pas de réglementation qui pourrait les arrêter,
aucune loi qui pourrait les retenir,
aucune autorité pour faire respecter ces règles?
Je me demande qui a dit de laisser se répandre ce maléfique paludisme ?
Pourquoi, ceux qui en font l'éloge, ne pas les traduire en justice ?  
(...) 
Cher ami, Maxamed Xaashi,
Je suis comme toi et je fais comme toi,
si jamais je te laisse tomber, que le blâme soit sur moi.
Soyons unis dans notre objectif commun :
sans motif,
clairs de voix.

L'essence de la vie (extrait)

Écoute-moi, Sahra, et fais attention :
la mer et le fracas de ses vagues, les contours imposants des montagnes ;
le grondement du tonnerre, ce bruit assourdissant ;
la foudre et sa terreur, l'approche hurlante de la tempête -
n'aies pas peur de ceux-ci:
ce monde est fait pour t'obéir alors traite-le avec gentillesse,
amadoue-le avec conscience comme si c'était ton cheval, fais-en ton aide ;
ce monde enveloppé de brume est une jeune fille,
traite-la donc avec une tendre patience,
Que ton toucher soit léger et doux en cueillant les fruits qu'elle porte,
la richesse sous sa surface:
laissez son rendement augmenter et sauve ses enfants du besoin ;
assure-toi qu'elle est toujours en paix et reste dans la sérénité ;
qu'elle ne souffre aucun mal.
Ne marche pas sur cette terre sans réfléchir,
llibère-la du conflit constant,
ne jamais réveiller le napalm, le canon étouffé d'obus ;
n'appelle pas le navire de guerre, le bourdonnement du sous-marin,
et tous ces libérateurs de la mort.
N'utilise pas de missiles contre elle, ou la folle sophistication des armes ;
n'empoisonne pas sa douceur.  
Ne coupe pas les espaces verts avec des lames,
défigurant sa forme, sa beauté et sa fraîcheur ;
ne déchire pas son voile, le crépuscule et ses nuages ​​;
ne fais pas de mal aux créatures qui vivent sur elle,
l'oryx et autres animaux sauvages ;
ne dérange pas leur imbrication,
enlevant la couche la plus externe de la Terre ou déstabilisant ses fondements.
Ne souffle pas le dernier atout, pour terminer en une seule journée -
quand tu entends son plus grand gémissement
précipite-toi pour la réconforter avec applaudissements et youyou :
la science ne doit pas être utilisée pour en faire une victime.
Laissez sa bienveillance vous mûrir,
puis passe-la à un successeur digne de confiance
qui suivra ton chemin.

William J P Syad88

Khamsine

Pourquoi tout en Toi n'est que contradiction
Lorsque ton sourire épanouit ton visage serein et pur
ton fluide est contraire à tes sens
je suis ce que je suis
et ce que tu n'es pas
et Tu es ce que je ne suis pas
C'est pourquoi nous nous complétons peut-être Comme le Jour et la Nuit.
(...) je suis ton autre Toi-même
dans l'intimité où se rejoignent deux pensées
deux êtres toi et moi
Dis-moi es-tu Ange ou Démon ou sors-tu de l'irréelle pensée
D'ou viens-tu où vas-tu Dis-moi
Ton regard est-il tourné vers le céleste destin infini
ou vers les abîmes définis par le mat que tu portes ?
(...) Viens donc tout entière ce soir
pour m'abreuver des ondes qui émanent de ton âme douce et câline
(...) Cet Autre instant de Moi-Même
qui me donne le Vertige dans l'Abîme du Temps
(...) Attendant mon retour
Depuis le crépuscule des Temps Comme dans un bassin d'eau
(...) dans une semi-inconscience
mon Passé toile de fond défilait sous mes yeux,
des cendres d'Hier attendant qu'Aujourd'hui se consume
dans l'espoir d'un meilleur Demain.
Je voudrais te dire qu'entre Toi et le Moi
existe l'Harmonie des âmes complémentaires qui se passent du Parler
Ce n'est pas le hasard mais le Don du Destin
qui te mit sur ma route pour qu'ensemble nous fassions
ce chemin difficile qu'est la Vie.
Plus que jamais Je chérirai ton souvenir
Plus que toute autre ma vie restera marquée par ton dernier regard
Ce regard Cet Instant
âme en Éternelle Evolution
Ton sourire ton visage ton regard tous ces instants vibrante
tu étais près de moi.

Warsan Shire89

Home

Personne ne quitte sa maison à moins d'habiter dans la gueule d'un requin.
Tu ne t'enfuis vers la frontière que lorsque toute la ville s'enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi le goût du sang dans la gorge.
Celui qui t'a embrassé à perdre haleine derrière la vieille ferronnerie traîne un fusil plus grand que lui.
Tu ne quittes ta maison que quand ta maison ne te permet plus de rester. Personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds le sang qui bouillonne dans le ventre.
Tu n'y avais jamais pensé jusqu'à sentir les menaces brûlantes de la lame contre ton cou.
Et même alors tu conservais l'hymne national à portée de souffle
Ce n'est que quand tu as déchiré ton passeport dans les toilettes d'un aéroport En t'étranglant à chaque bouchée de papier que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes, que personne ne pousse ses enfants dans un bateau

À moins que la mer te semble plus sûre que la terre.
Personne ne brûle ses paumes, suspendu à un train, accroché sous un wagon Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d'un camion avec rien à bouffer que du papier journal
À moins que chaque kilomètre parcouru compte plus qu'un simple voyage.
Personne ne rampe sous des barrières personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié. Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu qui laissent ton corps brisé
Ni la prison mais la prison est plus sûre qu'une ville en feu
Et un seul garde dans la nuit c'est mieux que tout un camion de types qui ressemblent à ton père.
Personne ne peut le supporter personne ne peut digérer ça aucune peau n'est assez tannée pour ça.
Alors tous les : « A la porte les réfugiés noirs sales immigrants demandeurs d'asile qui sucent le sang de notre pays, nègres mendiants qui sentent le bizarre et le sauvage, ils ont foutu la merde dans leur propre pays et maintenant ils veulent foutre en l'air le nôtre »
Tous ces mots-là ces regards haineux ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups sont beaucoup plus doux que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres que quatorze types entre tes jambes.
Et les insultes sont plus faciles à avaler que les gravats que les morceaux d'os Que ton corps d'enfant mis en pièces.
Je veux rentrer à la maison mais ma maison est la gueule d'un requin
Ma maison est le canon d'un fusil. Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d'en être chassé jusqu'au rivage à moins que ta propre maison te dise : Cours plus vite laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert patauge dans les océans noie-toi sauve-toi meurs de faim mendie oublie ta fierté ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison à moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille : Pars Fuis-moi.
Je ne sais pas ce que je suis devenue mais je sais que n'importe où vaut mieux qu'ici.

La maison

Mère dit qu'il y a des chambres fermées à clé à l'intérieur de toutes les femmes; cuisine de luxure, chambre du deuil, salle de bain de l'apathie.
Parfois les hommes - ils viennent avec des clés, et parfois, les hommes - ils viennent avec des marteaux.

Nin soo joog laga waayo, soo jiifso aa laga helaa,
J'ai dit Stop , j'ai dit Non et il n'a pas écouté.
  (...)
Plus mon corps est gros, plus il y a de pièces fermées à clé, plus les hommes viennent avec des clés. Anwar n'a pas poussé jusqu'au bout, je pense encore à ce qu'il aurait pu ouvrir en moi. Basile est venu et a hésité à la porte pendant trois ans. Johnny aux yeux bleus est venu avec un sac d'outils qu'il avait utilisés sur d'autres femmes : une épingle à cheveux, une bouteille d'eau de javel, un couteau à cran d'arrêt et un pot de vaseline. Yusuf a crié le nom de Dieu par le trou de la serrure et personne n'a répondu. Certains ont supplié, certains ont grimpé sur le côté de mon corps à la recherche d'une fenêtre, certains ont dit qu'ils étaient en route et ne sont pas venus.

Montrez-nous sur la poupée où vous avez été touché , disaient-ils.
J'ai dit que je ne ressemblais pas à une poupée, je ressemblais à une maison.
Ils ont dit Montrez-nous sur la maison.
Comme ça : deux doigts dans le pot de confiture
Comme ça : un coude dans l'eau du bain
Comme ça : une main dans le tiroir.

Je devrais vous parler de mon premier amour qui a trouvé une trappe sous mon sein gauche il y a neuf ans, est tombé dedans et n'a pas été revu depuis. Chaque
de temps en temps, je sens quelque chose remonter le long de ma cuisse. Il devrait se faire connaître, je le laisserais probablement sortir. j'espère qu'il n'a pas bousculé les autres, les garçons disparus des petites villes, avec des mères agréables, qui ont fait de mauvaises choses et se sont perdus dans le dédale de
mes cheveux. Je les traite assez bien, une tranche de pain, s'ils ont de la chance un morceau de fruit. Sauf Johnny aux yeux bleus, qui m'a crocheté les serrures et s'est glissé dedans. Petit idiot, enchaîné au sous-sol de mes peurs, je mets de la musique pour le noyer.

Toc Toc. Qui est là ? Personne.

Lors des fêtes, je montre mon corps et dis C'est là que l'amour vient mourir. Bienvenue, entrez, faites comme chez vous . Tout le monde rit, ils pensent que je plaisante. 

Ce que nous avons

Nos hommes ne nous appartiennent pas. Même mon propre père, parti un après-midi, n'est pas à moi. Mon frère est en prison, ce n'est pas le mien. Mes oncles, ils rentrent chez eux et ils reçoivent une balle dans la tête, ne sont pas les miens. Mes cousins, poignardés dans la rue pour être trop ou pas assez, ne sont pas les miens.
Ensuite, les hommes que nous essayons d'aimer, disent que nous portons trop de perte, que nous portons trop de noir, que nous sommes trop lourds pour être là, beaucoup trop tristes pour aimer. Puis ils partent et nous les pleurons aussi. C'est pour ça qu'on est là ? S'asseoir aux tables de la cuisine, compter sur ses doigts ceux qui sont morts, ceux qui sont partis et les autres qui ont été emmenés par la police, ou par la drogue, ou par la maladie ou par d'autres femmes. Cela n'a aucun sens. Regarde ta peau, sa bouche, ces lèvres, ces yeux, mon Dieu, écoute ce rire. La seule obscurité que nous devrions autoriser dans nos vies est la nuit, et même alors, nous avons la lune.

Laide

Votre fille est moche. Elle connaît intimement la perte, porte des villes entières dans son ventre.

Enfant, les parents ne la retenaient pas. C'était du bois éclaté et de l'eau de mer. Ils ont dit qu'elle leur rappelait la guerre.
Le jour de son quinzième anniversaire, vous lui avez appris à attacher ses cheveux comme une corde et à les fumer sur de l'encens brûlant.
Tu lui as fait gargariser de l'eau de rose et pendant qu'elle toussait,
dit les filles macaanto comme il ne faut pas sentir la solitude ou le vide.

Vous êtes sa mère.
Pourquoi ne pas l'avoir prévenue, la tenir comme un bateau pourri
et lui dire que les hommes ne l'aimeront pas si elle est couverte de continents,
si ses dents sont de petites colonies,
si son ventre est une île
si ses cuisses sont des frontières ?
Quel homme veut s'allonger et regarder le monde brûler dans sa chambre ?

Le visage de votre fille est une petite émeute,
ses mains sont une guerre civile,
un camp de réfugiés derrière chaque oreille,
un corps jonché de choses laides
mais Dieu,
elle ne porte pas bien le monde.

SOUDANAISE

Al-Tigani Yousif Beshir90

Beauté

Nous t'avons vénérée, ô Beauté,
T'avons abandonné nos âmes par amour et dévotion.
Nous t'avons donné la vie, avons ouvert ses fontaines
Pour tes yeux.
Nous avons idolâtré la moindre de tes charmantes faiblesses
Jusqu'à ce qu'elle nous conquière et submerge.
Nous avons accompli tous les travaux possibles
Pour te rendre, ô Énigme, compréhensible.
Mais tu nous échappes toujours davantage.
Nous nous sommes efforcés de chercher pour toi des significations lointaines.
Mais tu parais toujours plus proche.

Muhammad al-Faytouri91

Chagrins de la ville noire

Quand la nuit jette son filet d'ombres sur les rues de la ville l'enveloppant de chagrin,
vous pouvez toujours les voir - affalés en silence, fixant les fissures.
Et tu penses qu'ils sont calmes, mais vous vous trompez --- ils sont en feu !

Quand l'obscurité dresse ses statues de marbre dans les rues de la ville
puis les écrase avec fureur
alors la ville conduira tout le monde
dans l'escalier en colimaçon de la nuit
dans le passé profond et lointain.
Le passé avec ses rivages d'ambre gris
rêve de souvenirs trop profondément pour être réveillé.
Et à l'intérieur de chacun, quelque chose commence à remuer -
un mur frais fait d'argile, coincé avec des diamants et des désirs.
Quand la nuit dort et le jour se réveille levant ses bougies dans le noir
la paix reflue vers sa maison dans la tombe.
À cela, le cœur de la ville devient futile et misérable ---
c'est un four à midi, une lampe pour les aveugles.
Comme l'Afrique ancienne, la ville est vraiment une vieille femme voilée d'encens,
une grande fosse de feu, la corne d'un bélier,
une amulette de vieilles prières, une nuit pleine de miroirs,
la danse des femmes noires, nues, criant leur joie noire.
Ce coma de péchés était entretenu par le maître,
navires remplis de filles esclaves,
au musc, ivoire et safran --- cadeaux, tous sans joie,
expédiés par les vents de tous les âges
à l'homme blanc de notre temps au maître de tous les temps.
Une plantation s'étend dans l'imaginaire
vêtir ceux qui sont nus, desserrer leurs vêtements,
coulant comme ses ancêtres dans les veines de la vie,
teignant l'eau, et teignant le visage de Dieu,
ses peines sur chaque bouche
élevant des tyrans et du fer et des esclaves,
chaînes d'élevage, élevant chaque jour une nouvelle horreur.... 
Et pourtant, dans les rues de la ville, quand la nuit se construit
ses barrières de pierre noire --- ils tendent les mains, en silence, vers les balcons du futur.
Ce sont des cris enfermés dans un pays enfermé.
Leurs souvenirs sont des coups de couteau.
Leurs visages sont tristes, comme les visages des aveugles.
Regardez, ils sont là, têtes affaissées dans le silence.
Et vous pensez qu'ils sont calmes.
Mais vous vous trompez. La vérité est qu'ils sont en feu....92

Idriss Jamma'93

Au printemps de l'amour

Nous nous abreuvions l'un l'autre et nous chantions
Nous nous invoquions et invoquions l'oiseau, allant de branche en branche
Puis j'ai perdu le passé
Il s'est replié dans mon cœur peiné

Ombres dans un rêve céleste, nous avons cheminé matinalement
Nous avons extrait l'extase de la vie sans jamais nous en rassasier
C'était l'amour. Ce n'est donc pas la peine de poser des questions ou de faire des reproches
Le paradis fut notre abri et nous l'avons perdu
Il s'est replié dans mon cœur peiné

Mon âme a libéré les tourments qui étaient captifs
J'ai versé mon cœur dans un chant et dans mes plaintes
Plains donc le luth reprenant un chant mélancolique
Puis j'ai perdu le passé
Il s'est replié dans mon cœur peiné

Pour toute provision et pour tout vin je n'ai que ton sourire
Un sourire de toi suffit pour illuminer les ténèbres de mon âge
Pour rendre au désert de ma vie son eau et ses fleurs
Puis j'ai perdu le passé
Il s'est replié dans mon cœur peiné94

Mohammed Mekki Ibrahim95

Le Fruit et le Nectar

(...)

Africaine
Et Arabe
Tu es la parole équivoque de Dieu.

Celui qui t'achète vole
La fragrance des clous de girofle
À la brise du soir
Les plages à l'île
Les vagues à la mer
Et la chaleur au soleil levant.

Celui qui te possède
Gagne un baume pour les plaies
Et un chant funèbre pour consoler sa tristesse.

Celui qui t'achète
Me prend aussi.
Oserai-je renoncer à mon âme
Et abandonner la parole de Dieu ?
(...)
Ô fruit succulent.
Ils essayèrent de boire le vin de ta vie
Jusqu'à ce que la lie soit étanchée
Au ventre de ton fût.

Ils vinrent pour profaner le sanctuaire de ton honneur
Jusqu'à ce que la débauche se déchaîne
Et les turpitudes défient le regard du jour.

Maintenant ils sont partis.
Mais le fût profond reste plein.
(...)
Laisse la porte ouverte
Chauffe ton lit pour moi
Et asperge-toi de la fragrance du musc
Parce que, bercé dans tes bras au crépuscule,
J'ai une longue histoire à raconter.

Ô fruit succulent
Les moments d'amour sont courts.

Le jour point la mer s'apaise
Admiratives les palmes bruissent
Le lac du palais se teint de profonds indigos
Les abeilles saturent de baisers les bourgeons de rose
(...)
À présent je meurs
Mon envie pour l'arôme de ton corps insatisfaite
Mon désir pour le contact de ta poitrine inassouvi.

Promets-moi que tu m'inviteras encore
À la chaleur de ton sein
Et enrouleras la nuit de tes cheveux

Autour de mes bras forts
Pour que ta couleur se fonde dans la mienne
Et que nous soyons un.

Je cesse d'exister en ce monde
Je me suis absorbé en toi.
Unis-moi aux tombes des fleurs équatoriales
Attache-moi aux jours de la souffrance
Enchaîne-moi aux temps de l'esclavage
Réunis mes restes immortels
Et jette tes bras autour de mon âme.

Ô Mulâtresse
Je sens encore le parfum
Et la vigueur de ton corps
Africaine nue
Chaste Arabe
Tu es la parole équivoque de Dieu96.

Morris Onek Latom

Le Jour où je suis né

Naissez, vous qui devez naître après moi,
Laissez-moi vous voir, vous que j'ai laissés derrière moi dans le ventre,
Que je hais le jour où je sortis du ventre !
Je poussai un drôle de cri le jour où je sortis du ventre !
Car je rencontrai de drôles d'yeux qui me regardaient,
De drôles de mains qui tenaient ma chair douce.
Je poussai un autre drôle de cri le soir même
Car en ouvrant les yeux pour de bon
Je vis que j'avais été rejeté de mon univers.
Allongé, désespéré, j'essayais de respirer,
Ma tête me faisait mal parce que j'avais été jeté
La tête la première.

Des sons sortis de la plus grande bouche que je vis jamais fermèrent presque mes oreilles.
Des lumières du plus grand éclat que je vis jamais me rendirent presque aveugle.
Du lait du plus grand sein que je vis jamais força son passage dans ma bouche.
Les mains de la plus femme la plus forte que je vis jamais déplièrent mes jambes.
Que je hais le jour où je suis né et fus jeté hors du ventre.

Naissez aveugles,
Vous que j'ai laissés dans le ventre de ma mère,
Ainsi garderez-vous ainsi les visions
Auxquelles vous étiez accoutumés dans le ventre.
Ne voyez pas ce qui nous rend en ce monde
Aveugles, hagards...

Naissez sourds,
Vous que j'ai laissés dans le ventre de ma mère,
Ainsi n'entendrez-vous pas
Les insultes qui blessent.
Vous ne connaîtrez pas l'histoire
De notre tribu, de notre clan...

Naissez muets,
Vous que j'ai laissés dans le ventre de ma mère,
Ainsi ne révélerez-vous à personne
Les secrets de votre esprit.
Vous ne chanterez les chansons qui sont dans votre esprit
À personne, qu'à vous-mêmes...

Naissez boiteux,
Vous que j'ai laissés dans le ventre de ma mère,
Ainsi épargnerez-vous vos jambes
Comme vous le faites dans le ventre.
Vous n'irez jamais chasser...97

Mohammed Ahmed Mahgoub98

Parfois il pleure...

Parfois il pleure, d'autres fois il joue
Mais clairement il se moque de tout !
Il espère, demande et recherche l'attention
Et retient sa colère et montre
Son amour. Il réclame la lune
Et faute de l'obtenir il pleure.

Cet enfant naïf
Avec ses hauts et ses bas
Son babillage et ses accalmies
Domine le monde, construit et forme.
Il gronde le chat qui s'enfuit
Mais a peur de la minuscule fourmi.
Il répand sa charité quand il aime
Et peut se montrer avaricieux quand il est fâché.
Tu es un secret dont la nature ne peut être déchiffrée
Par personne. Es-tu un diable
Ou un ange, mon enfant ?

Tu es un moule de mal et de bien,
De jalousie aussi. Tu donnes à l'oiseau
Des graines mais tourmentes l'agneau.
Ton frère, le bébé, est l'objet de ta colère
Tu l'humilies, et souffres quand il est heureux.

Tu reçois avec envie et joie
Le joli jouet, pour le montrer
Fièrement à tes amis. Mais, voilà,
Le jour n'est pas encore fini
Que le jouet est déjà cassé.
(...)
Tu écriras, ou non, des vers
Et parviendras à la gloire dans ta jeunesse
Ou bien passeras toute ta vie dans la misère ;
Tu es une image de moi-même.

Tu es une part de moi, et je suis
Ce que les générations passées ont tramé,
Tu n'es autre qu'une image d'Adam,
Où l'aube et le crépuscule prennent leur plus belle apparence ;
Ainsi les hommes sont-ils des ombres et des images.

Tarek El-Tayeb99

Eau et café

Cent fois par jour, il dit
"Je devrais revenir. Ici, il n'y a aucune pitié.
Là-bas, il y a gentillesse et chaleur et ..."
Puis il se tait.

Je lui demande: «Là-bas?
Où est-ce  ? "
Il Indique quelque part.
Le visage impassible,
Il ne dit plus rien.

Je le prends par la main.
Nous allons dans un café
et nous nous asseyons à une table tranquille dans un coin.
Je commande un café pour lui
et de l'eau pour moi.

Je lui parle en arabe
et je mélange l'eau au café.
Il est contrarié, « Tu es fou ?"
Il essaie d'enlever l'eau du café.
Il recommence
Il essaie de faire revenir l'eau dans l'eau100.

Abdelwahab Youssef, dit Abdelwahab Latinos101

Mourir dans les profondeurs de la mer

Tu mourras dans les profondeurs de la mer
Les vagues fracassant ta tête
Et l'eau balançant ton corps
Comme un bateau crevé.
Ou alors, tu mourras, sur une terre délaissée
Le froid rongeant ton corps
Qui fuira douloureusement vers toi.
Tu mourras seul
Embrassant ton ombre délavée
Demain ne sera plus que le spectre de tes rêves.
Personne n'en saura rien
Cela ne fera aucune différence.

Laisse la mort venir

A présent, ça ira
La mort est proche
Et je ne regrette rien.
Je me demande simplement
Ce qui arrivera à toutes ces bêtises
Toutes ces bêtises que j'écris
Que va-t-il leur arriver 
Après que je les aurai laissées seules
A chercher leur propre issue ?
Cela me fait mal
D'abandonner ainsi ce que j'ai écrit
[Les mots ] seuls à porter leur fouet
[Les mots ] pieds nus, sur les pierres aiguisées
Cela me fait mal
[De penser ] que je n'ai pu dire tout ce que je souhaitais
Que je n'ai pu dire tout à la fois102

SUD-AFRICAINE

Eva Bezwoda103

Une dent s'habilla

Une dent s'habilla en bottes de cheval
Et nœud pap' ; elle polit
L'émail blanc de sa face
Elle trépigne, elle cliqueta
Elle nia être pourrie
Elle saliva, elle bava pour en avoir plus
Elle croqua dans la courbe du monde

Breyten Breytenbach104

Lettre de l'étranger au boucher

le prisonnier dit
je ne sais pas maintenant
si le doux Sauveur a hurlé
mais une première mouche zig-zague
et se cogne contre la vitre
une fleur vacille contre l'air
le cœur s'arrête de battre
de peur que ce bonheur ne passe
on accumule les petites perplexités
comme viatique pour l'homme gris et maladroit
compagnon qui se cache déjà dans le corps

le prisonnier affirme
Li Chang-Jin a mis en garde contre les trous de pluie
« Ne laisse jamais ton cœur s'ouvrir avec la fleur du printemps :
Un pouce d'amour est un pouce de cendre »
et j'espère que tu pourras reconnaître mes ossements gris
mai moi, j'irai en voyage
je m'allongerai dans mon corps sur le pont
pour sentir les frissons du navire dans ma chair
et les câbles qui dorment fin prêts dans des coins frais
le mât brandira la direction face à l'azur
la mer bougera la mer sera parfumée
la mer sera pleine de dauphins
des nuées de mouettes viendront voler au dessus du cœur
et alors tout se calmera en lumière
le soleil brûlera avec fracas
toute fibre grain et cellule
mai moi, j'irai en voyage
(...) 
et toi, boucher
toi qui es chargé de la sécurité de l'état
à quoi penses-tu lorsque la nuit commence à montrer son squelette
et que le premier cri s'arrache du prisonnier
comme à sa naissance
avec les liquides de l'accouchement ?
es-tu humble alors devant cette chose sanguinolente
pleine de convulsion
avec le souffle haché de la mort entre tes mains ?
Ton cœur se raidit-il aussi dans ta gorge
quand tu saisis l'organe flasque
avec les mêmes mains qui vont caresser des secrets sur ta femme ?

dis-moi, boucher
afin que la rédemption
qui doit être réalisée au nom de mes frères
puisse m'être révélée
dans ma langue

le prisonnier a dit
je ne veux pas mourir enfermé
je veux être pendu dehors dans le désert
mon cœur tourné vers le froid de l'aube
où les montagnes dévorent l'horizon comme des mouches
où le sable bride avec des flammes d'argent
où la lune aussi pourrie qu'une épave
sombre dans la fumée bleue
dis-moi maintenant, boucher
avant que la chose ne devienne juron
avant que tu ne puisses plaider
que par les seules bouches des tombes
devant les prisonniers ressuscités d'Afrique...

Mon pays

là d'où je viens le monde est encore vert
et non mis-en-carte-et-en-transport
beau et laid mais surtout allègrement aveugle
comme une mouche pelée
les aloès pataugent mais ne fleurissent jamais aussi doucement
tout grouille en vue d'une fonction
ou d'une illusion mûrement réfléchie :
les tourterelles demeurent toujours des grenouilles ailées
des baleines fument le soir le long des plages
des dunes humides et lumineuses
tandis que des volcans tâchent de garder leur bile ;
le soleil luit et les nuages pleuvent,
les arbres buttent et deviennent allumettes,
les vaches meuglent et pissent leur lait,
les bourdons sont en quête de miel.
les chiens viennent à point à la police-
voici déjà posée une pierre angulaire ;
seuls les gens sont sclérosés
blancs et noirs avec la peau et tout
dispersés sur les rochers
et le guano reste vert dans son coin

Envoi
je ne fais que m'imprimer je suis ambassadeur
et je ne suis rien
qu'un cri blanc du sud de la mouette.

Ronelda Kamfer105

La foire aux pères

Des pères, j'en connais des tas
des qui bossent pas
des qui passent leur temps dans la cour
des qui sont en taule à Pollsmoor
des qui pioncent dans les caniveaux
des qui dorment le jour et qui travaillent la nuit
Des pères, j'en connais des tas
des qui détestent leurs enfants
des qui aiment un peu trop leurs filles
des qui battent leur femme
des qui sont malades quand ils n'ont pas de vin
des qui n'ouvrent presque jamais la bouche
Des pères, j'en connais des tas sauf un : celui que je n'ai jamais vu106

Boire

Certains jours je bois trop
certains autres trop peu
mais
jamais je ne bois juste ce qu'il faut
quand je suis saoule je parle trop
quand je suis sobre j'écris trop
jamais je ne parle ni n'écris juste ce qu'il faut
Je sais bien que si j'arrivais à faire correctement ne serait-ce qu'une chose, une seule
je ne me sentirais pas aussi nulle à cause du reste

Dame en construction

Quand je serai une dame
je m'assiérai jambes serrées j'ôterai mes piercings et je ferai attention à ma ligne
Je porterai une robe et j'écouterai moins Jimi Hendrix
J'arrêterai de fumer et de boire de la bière et j'apprendrai le charme de l'obéissance
Je respecterai les hommes et je n'aurai jamais plus d'un petit ami à la fois
Je ne ferai plus de scandale dans les rues
et j'essaierai de ne plus me battre aussi souvent avec des idiotes
Je choisirai mes amies avec soin
Les junkies, les putes, les punks... terminé
juste des filles bien élevées... de celles qui vont à l'église
Je me conduirai comme il faut je ferai marcher ma cervelle
et m'habillerai correctement
si jamais un jour je suis une dame

SWAHILIE107 ET ANGLO-KENYANNE

Mahmoud Ahmed Abdulkadir dit Mao108

Kiswahili !!

Je suis lasse de me taire, jusqu'à quand garderai-je le silence ?
Mes enfants se détournent de moi, je désire les voir
Ceux qui continuent à me suivre, sont les enfants des autres
Que vous ai-je fait, Pourquoi me faites-vous la guerre ?
Les enfants de mon propre sang, les enfants du pays swahili
N'ont absolument aucune envie de me connaître, qui même le désire ?
(...)
J'ai enfanté les politiciens, et les guides religieux
Les artisans de tous les métiers, et les héros des guerres
(...) Ils sortirent de la matrice, puis étincelèrent comme les étoiles
Les poésies nous sont restées, et elles ne sont pas du tout mortes
Qui sont ceux qui les ont composées ? Ce sont mes enfants qui sont passés
Et les maîtres de poésie de Mvita
Ils marchèrent dans leurs pas, ils n'admirent pas la médiocrité
Nabahany s'oppose, mais quel est le résultat ?
C'est lui le seul sur le champ de bataille, bien qu'il se soit redressé

Je peux encore donner naissance, je ne suis pas encore arrivée au bout du chemin
Mais vous m'avez négligée, vous vous êtes retirés de la forge
D'autres se sont présentés, pour me définir des règles
Créer du vocabulaire, tandis que vous abandonniez
Je pleure et me désole, lorsque je regarde dans une revue
La plupart de ceux qui écrivent, ne sont pas mes enfants mais des étrangers
À la radio également, qui sont ceux qui envoient des poèmes
Beaucoup ne viennent pas de la côte, pas même de Mvita
De même regarde dans les livres qui sont lus à l'école
Ils ne sont pas écrits par Rajabu, ce n'est ni Sudi ni Shani
Njoroge c'est lui l'écrivain, celui qui tient le gouvernail
Charo et ses camarades, viennent quant à eux à la suite
Quand je suis invitée à une conférence, je m'en retourne en chemin
Je ressens trop d'amertume, car vous je ne vous vois pas
Je mords mes cinq doigts, mais que puis-je faire ?
Mes enfants vous vous êtes trahis vous-mêmes, moi votre mère vous m'avez abandonnée
Je verse des larmes, quand je regarde les examens
Les élèves de Kibwezi, et de Kisumu sur le lac Ndiyo
Ce sont eux qui lancent le défi, ceux qui sont au sommet
Vous qui venez de chez nous sur la côte, vous êtes en dessous à traîner
Ceux qui font de la recherche, de niveau supérieur dans les universités
Les Swahilis sont très rares, à moins d'être introuvables

Qui dois-je blâmer? Qui est le fautif ?
Moi vous ne me donnez aucune valeur, une autre [mère NDT ] vous n'avez pas eue Lorsque je vous entends parler, cela me soulève le cœur
Il n'y a plus de grammaire, la syntaxe je l'attends
Même le goût n'est plus là, comme un reste de chique dans la bouche
Je ne comprends pas ce que vous dites, chantez-vous ou vous disputez-vous ?
Si au moins Muyaka revenait, qu'il fût à nouveau au monde
Mon enfant il lui faudrait, aller au tribunal
Qu'il amène en plus des témoins, qui me connaissent vraiment
Que tous vous alliez en prison, pour la culpabilité reconnue
Par Dieu vous n'êtes pas jaloux, ni n'avez confiance
Rien ne vous gêne, car vous ne m'appréciez pas Mimi
Je suis comme un ballon, avec lequel on joue sur le terrain
Je reçois des coups de pied en chemin, par chacun qui passe

Même dans la poésie, ceux qui ne sont pas les miens ont inventé
Celles du genre libre, en imitant les étrangers
Celles-là je ne les ai pas encore acceptées, ce ne sont pas de vraies poésies Tout cela est dans quel but ? Celles-là sont des méthodes de guerre

On me dit que je n'ai pas de propriétaire, quel est donc ce prodige ?
Comment se peut-il que j'ai manqué d'un tronc, et que mes branches soient dans le ciel ?
Qui est celui qui m'a donné un nom ? Celui qui m'a écrite qui est-ce ?
Si ce n'est au pays swahili, où l'ai-je obtenu ?
Que beaucoup me parlent, n'est pas du tout un signe
Que je n'ai pas de propriétaires, ne voyez-vous pas l'anglais ?
Beaucoup le parlent, de tous les côtés du monde
À son tronc il a pourtant un foyer, ses racines ne sont pas coupées109

Cheikh Kaluta Amri Abedi110

La vraie joie est suffisance...

La vraie joie est suffisance, c'est se suffire de ta condition,
Alors tu as évité les mauvaises choses, et tu te préoccupes des bonnes,
Qu'enfin tu ne ressentes pas de colère, que tu te satisfasses de peu,
De ce que tu obtiens légalement, c'est de là que tu ressentiras de la joie
Beaucoup de ce que nous appelons joies, ne sont que des illusions au contraire, Ils sont courts leurs plaisirs, bien que le prix en soit élevé,
La vraie joie est le combat , pour obéir à la Majesté,
Et d'éviter le futile, c'est alors que tu auras la joie.

Snow White Akilimali111

Il y a de nombreuses prières...

Il y a de nombreuses prières, le Puissant ne reçoit pas l'imprécation,
Même s'il implore le Chéri, ou qu'elle implore la Nonne,
La prière n'est pas assez lourde, et ne sera pas acceptée,
La prière de la poule est un mensonge, elle ne porte pas de dommage à l'aigle.

S'il s'agit d'une prière liée à la supposition, elle est faite de mal et de jalousie, Un secours elle ne reçoit, ni n'est accueillie
Par la puissance du Très Glorieux, cette prière échoue,
La prière de la poule est un mensonge, elle ne porte pas de dommage à l'aigle.

Hemed Abdallah El-Buhry dit Mzee Kibao112

Utenzis à la gloire de Dieu et du poète

Si vous voulez savoir mon nom, Je m'appelle Hemed,
Abdallah est mon père, Quant à Saidi vous le connaissez.
Mon clan est Buhuri, Et c'est moi qui ai composé ces vers,
Pour parler de mon âge et du monde.
Car raconter cette histoire, Est une façon de me faire connaître,
Et en quelque sorte, De faire mon éloge.

Le jour de mon départ, Vous allez tous être en deuil,
Et vos cœurs seront frappés D'une douleur funeste.
Vous chercherez un autre poète,
Mais vous ne me trouverez pas de successeur,
Et saisis par les pleurs, Vous demanderez: où est-il, Hemed ?
Il n'entendra plus votre appel, Et dans votre très grande misère,
Vous citerez dans vos prières quotidiennes, Les vers qu'il a composés.

Après avoir répété La gloire de Dieu, le Créateur, Et du prophète, l'Elu,
Je vais composer bien haut. Je veux composer un utenzi
Qui ne prendra pas plus qu'un demi mois
Car je peux à peine écrire Et mes yeux sont éteints.
Mes yeux sont épuisés Et je ne vois plus assez pour écrire
Prendre la plume et l'encre Jour après jour.
Mes yeux, mes frères, Ne distinguent plus les gens
Alors que je fais notre œuvre Selon la tradition.

Cet utenzi est une merveille Qui a été composé par mon grand-père
Il est bon que je le retranscrive, Afin qu'il ne soit pas perdu.
Voilà pourquoi je mets sur le papier Cette composition de mon grand-père,
Mais non pas vers par vers, Faute de le connaître par cœur.
J'écris le poème de mon grand-père Selon un ordre qui me convient.
Priez Dieu Qu'il me garde en bonne santé.

« Il vit un rocher Qui se tenait devant lui
Et il dit à son cheval De le contourner par la droite
Mais il vit alors Qu'un rocher bouchait la route
Et qu'il n'y avait Plus de possibilité de passage.
En se tournant vers la gauche Il vit que c'était également bouché.
Il fit alors demi-tour Et il n'en revint pas.
Il n'y avait pas de retraite possible; Il était coincé par des rochers.
Alors il s'arrêta Et rendit grâce à Dieu ».

Face à cette confusion Je dis:
« Toi, Dieu de justice, Qui est plein de grâce Tu es le Tout-Puissant.
Tu es celui qui m'apporte la sécurité Au milieu de la calamité.
Je ne compte plus que sur toi, le Généreux, Toi le seul entre tous.
Tu es mon créateur, Celui qui me soutiens.
Et quand je suis dans le trouble, Tu me sors de là113. »

Euphrase Kesilahabi114

Inondations

J'écrirai une chanson sur les ailes d'une mouche -
Que cette chanson fasse de la musique quand la mouche vole, que tout le monde l'entende.
La poésie des déchets sera chantée sur les blessures des agriculteurs
et sur le pus qu'ils transpirent.
J'écrirai sur les ailes des insectes et tout ce qui vole,
sur les rayures du zèbre et les oreilles de l'éléphant,
sur les murs des toilettes, des bureaux et des salles de classe,
sur les toits des maisons, les murs du gouvernement,
et sur des écharpes et des t-shirts.

Voici la chanson que j'écrirai :
Les inondations de cette année menacent les vieilles maisons de la vallée ;
les gens ont commencé à partir ; les câbles électriques ont été détruits -
là où il y avait autrefois de la lumière, maintenant il fait noir.
Les inondations cette année !
Et le vieil arbre est tombé à côté de nos maisons branlantes.
Nous ne dormons pas quand le vent violent souffle.
Chaque jour, nous examinons ses racines, les murs branlants de la maison,
et les branches qui doivent être coupées de son tronc.
Les inondations de cette année sont un avertissement...
Nous dirons à nos petits-enfants :
Les inondations cette année-là, beaucoup d'arbres ont été abattus.
Les inondations cette année, beaucoup d'entre nous périront115.

Les vents du temps

Un jour je me suis tenu sur une petite colline
regardant le lac le jour d'orages. j'ai regardé les vagues
Montant et tombant.
Gonflement tourbillonnant, barattant et crachant de la mousse
comme des taureaux fous dans un champ sans herbe.
Comment ils déferlent !
Comme ils s'effondrent et se relèvent !
Je n'avais rien vu de tel auparavant.
Je les ai regardés s'écraser et s'envoler poussé par les vents d'Ouest et d'Est
comme notre monde et nos vies
qui montent et descendent sur les vents du temps.
Regardez-les prendre le pouvoir 
comme un homme qui se noie serre la jambe de son ami !
Regardez-les gagner de l'argent
la façon dont un enfant saisit une poupée
ou un soldat fou attrape son fusil pour nous faire taire.
Ils monteront et tomberont et s'effondreront,
portés par les vents du temps.

Mwana Kupona binti Msham116

Le livre de Mwana Kupona *

L'auteur de ce travail est une triste veuve
Et son pire péché le Seigneur lui pardonnera
Son nom que vous connaissez
Elle espère en Sa générosité
Mwana Kupona Mshamu née à Pate.
La date certaine est mille deux-cent soixante-quinze de l'Hégire.

Approche ma fille si jeune
Que tu écoutes mon conseil et y prêtes attention
Approche et assieds-toi avec de l'encre et du papier
Je gardais en mon cœur une histoire que je voulais te dire
La maladie m'a prise cela fait de cela presque une année
Je n'avais pas eu l'occasion de bien te parler
Comme tu as fini de t'approcher

Ecris Au nom de Dieu que tu pries pour le Prophète et ses compagnons
Comme tu as fini de l'annoncer le nom du Seigneur Tout Puissant
Et bien implorons que la bonté du Seigneur nous atteigne
L'être humain n'est rien et le monde n'est pas à nous
Ni même n'y a-t-il une personne qui y résistera
Mon enfant, accepte mon exhortation ainsi que ma bénédiction
Dieu te protégera et t'ôtera des peines.

Accepte que je te donne une amulette
Que tu l'attaches fermement avec une corde
Donne-lui du prix et de l'attention
Que je te fasse un collier de perles et de corail
Que je te vêtisse comme une noble dame
Quand il étincellera à ton cou
Aime que je te donne un fermoir fin et sans défaut
Que tu le portes au cou tu verras son avantage
Tu garderas le mien [le conseil NDT ]
Mwanangu hutosumbuka mon enfant tu ne seras pas ennuyée
Par le monde tu passeras et tu monteras au ciel117

Fumo Liyongo118

Battez pour appeler...

Battez pour appeler, battez les cornes de buffle avec les baguettes de garcinia. ou de l'acacia.
Et soufflez dans la corne qui résonne au palais. Qu'elle fasse écho par la corne d'éléphant.
Que le son aille loin et réveille le peuple femmes et hommes. Qu'ils se précipitent.
Qu'elles nous rejoignent les belles élégantes, que nous nous donnions la réplique à faire leur éloge.
Composons des strophes, observons-les attentivement. Conservons les bonnes,séparons les mauvaises .
Et quand nous aurons fini de les revoir, que les meilleures strophes nous donnent à dire celles de la femme de la Mecque !

Ngwatilo Mawiyoo119

Poème pour un recensement et une prévision

Mon gouvernement veut savoir si je vis, si je suis mort.
Mon gouvernement veut savoir ce que je fais dans la vie,
combien d'heures je travaille. Il compte ma progéniture
mon cheptel ma radio mon téléphone portable. Il veut connaître
ma tribu, l'endroit où je suis né, si je possède un frigo. Mon réfrigérateur
aidera mon gouvernement à planifier ce qu'il faut faire des corps et des carcasses

quand arrive El Niño mon gouvernement a le contrôle,
il me dit quoi faire en temps utile et pendant ce temps,
je travaille et je prie. Car mon gouvernement prévoit
de recueillir la pluie à venir afin qu'il y ait de la nourriture
pour l'année et assez pour stocker. Nous n'aurons pas besoin
d'une croix rouge ou d'un croissant pour marquer nos maisons
pour l'ange de la mort parce que nous sommes justes
en paix avec Dieu les uns avec les autres avec la nature.
Mon gouvernement est inébranlable ; ça fait ce qu'il faut.

mon gouvernement est un homme, un géant qui parle toutes les langues :
il chante à mes cheveux, ils poussent longs & brillants ;

il inspire mes mains et mes pieds, ils sont calleux avec un but ;
il parle la langue du tambour pour mes hanches
mes joues se tordent en rond - le temps se déchaîne

il calme le frémissement de ma poitrine, même quand il s'étend à mes os quand il y a danger ;
il apaise mon esprit avec des signes et je suis sauvé pour son propre enfer.

Leurs histoires

Celle qui n'a pas de mari, celle qui en a eu trois,
celle qui a le VIH, celle qui s'est mariée à quatorze ans.
Celle qui tisse des paniers en sisal, celle qui est le chaume de sa communauté.

La millionnaire de la saharienne et du jean, la miséricordieuse qui donne tout son argent aux pauvres.
Celui qui ne parle pas anglais, celui qui parle le swahili comme la pluie qui s'infiltre dans la terre rouge desséchée.
L'arabe kenyane dont l'altérité remporte ses élections,
la directrice et mère de CBO dont on connaît la tribu par les mots qu'elle ne sait pas dire,

l'autre qu'on place sur une carte du Kenya par les bijoux qu'elle porte.
Les femmes que nous ne pouvons pas classer et celles que nous pensons ne correspondent pas parmi nos 42.
À la fois celui qui est allé à l'université et qui reste banal, et celui qui est réfléchi et qui n'a pas dépassé le KCPE.
Celle qui retient notre attention à chaque fois qu'elle parle et celle que nous ne voulons pas ignorer, mais que nous devons faire.
Leurs histoires peuvent remplir les pages de livres
si poignants et instructifs, remplis de péché, de pardon et de joie que nous refuserons de lire leur vie comme une non-fiction, comme jointe à la nôtre.

Ali Al'amin Mazrui120

Porte

Soit tu y vas par cette porte ou tu ne le fais pas.  
Si tu passes par là il y a un danger d'oublier ton nom. C'est le problème.
  Tout te regarde deux fois honteux, tu détournes le regard, tu as laissé faire.
Tu peux ne pas chercher le combat.  
Si tu ne passes pas peut-être auras-tu une belle vie  
Tu défendras tes idéaux tu vas continuer ton travail
Tu mourras en héros dans ton pays.
    Mais peut-être que beaucoup de choses t'échapperont
Tu seras aveugle à beaucoup de choses
A quel prix ? Je ne sais pas.
  La porte elle-même ne peut pas prendre ta décision
ce n'est qu'une porte121 !

Touchez-moi

Quand je suis libéré
Je demande à n'importe qui
  de me toucher
délicatement
  avec sensibilité
mais
vraiment !

Touchez-moi encore
Faites-moi savoir à nouveau

comment est la vie
  quel goût a la vie
quel goût a la vie

je suis juste devant vous
Touchez-moi encore s'il vous plaît !
Touchez-moi !
Touchez-moi !

Mathias E. Mnyampala122

Le monde est un mirage

Le monde n'est pas faible, il torture les calomniateurs,
Il fait tomber les glorieux, il est fondu avec un four,
C'est un changement perpétuel, comme les robes des dames,
Le monde est un mirage, il brille et disparaît.
[... ]

"Le monde est trompeur, il couvre de pied en cap,
Il enveloppe les criminels, les vieillards et la jeunesse,
Il bouscule les justes, ceux qui n'ont pas de péché,
Le monde est un mirage, il brille et disparaît.

C'est un champion fameux, pour te jouer de la harpe,
Il salue et flatte, et t'appelle mon très cher,
Et à la fin il te diffame, il te crucifie vigoureusement,
Le monde est un mirage, il brille et disparaît.

Le riche devient un misérable, sa situation devient détestable,
Elle le transforme, et de gain il n'est plus rassasié,
L'adversité vient le satisfaire, être tourmenté par le moucheron,
Le monde est un mirage, il brille et disparaît

En définitive la perfection, celui qui l'apporte est le Seigneur,
Notre Bienfaiteur le Très Doux, notre Créateur le Chéri
Ce qu'il veut est juste, ne me contredit pas mon ami,
Le monde est un mirage, il brille et disparaît.

C'est une exhortation la poésie

Amis mes amis, mes amis adroits,
Adroits dans l'agencement, compositeurs de bon sens,
Vos suppositions sont absentes, de la façon dont vous pensez,
C'est une exhortation la poésie, elle éduque les êtres humains.

Elles éduquent les êtres humains, afin qu'ils fassent attention,
Qu'elles leur fassent éviter les choses amères, aux vieillards et jeunes,
Et elles plaisent à Dieu, elles attirent la bonne chance,
C'est une exhortation la poésie, qui a du bon et de l'amer.

La poésie est une exhortation, que délivrent les poètes,
De joie et de contrariété, de misère et de fierté,
Elle fait plaisir à certains, et d'autres deviennent furieux,
C'est une exhortation la poésie, elle dissipe pour nous le brouillard

La poésie n'est pas un accès de colère, à se moquer de nos fautes,
D'annoncer une maladie, le pestiféré de l'humilier,
Et ceci n'est pas l'intention, nous offensons le Puissant,
C'est une exhortation la poésie, son origine première.

Votre parent n'a rien fait, regardez avec une bienveillante attention
Il n'a pas un comportement mesquin, et vous-mêmes le reconnaissez,
Son cœur n'est pas retors, et il n'a nullement d'arrogance,
C'est une exhortation la poésie, c'est les nouvelles de Dieu.

Fais-moi goûter ton sein

Mon cœur se meurt de torpeur, le remède est tes seins,
Ôte-moi de la détresse, mon authentique amour,
Je te compose un poème, mon docteur, ma fille,
Fais-moi goûter ton sein, que je rafraîchisse mon cœur.

Enlève mon écharde, enlève-la de mes yeux,
Comme la poussière de maïs, elle est entrée à l'intérieur,
Le cœur est grillé sur le bambou, il brûle comme de la poudre à canon,
Fais-moi goûter ton sein, que je rafraîchisse mon cœur.

Wanjiku Mwaurah123

Des fragments de notre conversation flottent

Des fragments de notre conversation flottent
Alors que je grave des souvenirs de toi au-delà de mon cerveau
Aux parfums que je porte quand je te parle
Aux aliments que je rencontre et que je quitte
Aux cafés que j'ai bus, avec toi qui regarde
Aux regards des étrangers à travers la pièce
Après une ronde de rires sans excuses pour ton soleil qui saute dans la pièce
Il me poursuit et je cours mais ne me cache pas
Et après tout est dit et fait
Nous nous asseyons et sourions alors que nous regardons des morceaux de nous
Avec des mots que nous parlons et des pensées sans retenue
Qui correspondent au rire du plus profond de nous
Nager devant nous dans la tendresse.

Peurs sombres

J'ai peur de regarder dans la noirceur de mes paupières
J'ai peur de l'immensité intérieure qui me noie
J'ai peur de rendre mes pensées plus claires
J'ai peur de me permettre de voir, derrière les paupières

J'ai peur d'entrer dans mes rêves la nuit
J'ai peur de ne pas m'en sortir le rêve vivant
Peur des peurs induites par le méchant dans mes rêves
Peur de ne pas courir assez vite pour m'en éloigner

J'ai peur des décisions armées contre moi
Chacun avec une raison pour laquelle je devrais le choisir
Peur des conséquences tirées sur leurs visages
Peur de J'ai peur de l'incertitude dans ma vie

J'ai peur de tous les choix que je ferai demain
J'ai peur de mon incapacité à vivre avec eux
J'ai peur de mourir avant de vivre.

Nabhany124

T'éviter ô dame...

T'éviter ô dame je ne veux je souffre à l'intérieur
Attendre encore est une peine mon amour quand ?
Tristesse de ressentir l'affection un état où je n'ai plus d'affaire125

Julius Kambarage Nyerere126

Le navire de notre nation

Le navire de notre Nation, Est différent de ceux de nos compagnons,
Les leurs requièrent un pilote, Qui se saisisse du gouvernail,
Avec des marins, Qui lui apportent leur aide.
Et que le navire ait du carburant En quantité suffisante
Ou qu'il ait du charbon,Car cela aussi convient,
Le navire a-t-il tout cela Il traversera l'océan

Que des centaines aient embarqué, Ceux-là sont des passagers,
Lorqu'ils ont payé leur billet, Et le prix des portefaix,
On ne leur réclame pas davantage, Pour profiter du voyage.
Et ils peuvent s'asseoir, Exactement comme la marchandise,
Ils seront portés sans effort, Comme l'eau dans un bidon,
Tandis que sont au travail, Le pilote et l'équipage
Tous ont la certitude Que leur navire arrivera à bon port,

Le navire de notre Nation Est le navire de chacun,
C'est un navire à rames Il ne transporte pas de passagers
En vérité il a un pilote Qui tient le gouvernail
Tandis qu'il évite les récifs, Les baleines ou les crocodiles
Mais chaque passager En vérité est un matelot
Chaque personne sur le navire, Le marin et le pilote,
Tirent sur les rames, Et avec enthousiasme ;
Dans la satiété ou la faim, Ils vivent comme une famille.
Ceux qui ont quelque chose se l'échangent Sans aucune ruse
Ceux qui n'en ont pas s'en contentent ; Ce ne sont pas des envieux ;
Mais ils remercient le Bienfaiteur Que le soulagement arrive à la côte.

Ce navire n'a pas de place Pour les gens satisfaits
Qui réclament à être servis ; Batailleurs lorsqu'on leur réclame ;
Ce n'est pas celui des passants Ou des malveillants.
Ce n'est pas un navire de parasites Et encore moins de voleurs
Ce n'est pas un navire qui a de la place Pour les batailleurs et les rebellesLes semeurs de trouble Ou les truands.
Il n'a pas de place même Pour les gens compliqués
Chacun est un matelot Qui tire sur sa rame
Qu'il se querelle en mer, La sienne qui tirera dessus ?

Zena127

La passion et l'amour...

La passion et l'amour comme ils m'ont pénétrée
Le désir tu n'en prends soin pas même une heure
Mon regret est un trésor tu ne fais pas cesser la difficulté128

TCHADIENNE

Belmodj129

*Chant des revenants Dakoigue **

A ceux qui me le refuseraient, je préviens que j'emprunte cet espace pour y planter ma parole.
Je salue ceux des étrangers qui ne me connaissent pas et leur offre tout ce que je possède : ma parole
Je ne suis guère ici pour mendier les restes de votre argent de fonctionnaires-évolués
C'est du travail de la terre que je voudrais vous entretenir...
En clôture du premier mouvement, il réaffirme son rôle social :
s'il y a une vérité à dire, il faut la dire en plein jour,
souvenez-vous que c'est à cause du secret et de la rétention de la parole
que le hérisson et sa descendance sont morts de la hernie.
Je suis allé faire la cour à une jeune fille ; la belle m'a répondu qu'elle n'a pas ce corps là à unir à celui d'un paysan
Elle cherche pour époux un lettré pratiquant la langue des « évolués » pour se construire dans la félicité comme tant d'autres
Mais ma belle, tu n'entends pas la langue des « évolués », je lui dis, si tu fais l'idiote, ton « évolué lettré » ne sera en fait qu'un portefaix
Elle me dit : « Ta parole est stupide. Ni mon corps, ni ma pensée n'épouseront jamais un portefaix »
De toutes façons je n'épouserai jamais un pauvre dont le corps écailleux gratterait le mien. Et les culs terreux n'ont de peau que d'écailles
Je rétorque, s'il te plaît ma petite, vas-y à la rencontre de ton homme sans égratignure ; très vite elle va et se trouve un époux aussi élégant que le boa-buffle
Le matin, le bel époux se lave à grande eau, se pomponne, se pare et sort endimanché ; il ne quitte plus jamais le débit de boisson pendant toute la journée.
Voici que l'époux ne touche à aucun boulot, l'épouse ne touche à aucun boulot. Je me dis pourquoi donc vivent-ils ensemble ?
Voici que deux jours plus tard la belle revient en courant et me dit : « Je te salue futur père de mon enfant, je suis ton invitée »
A la vue de l'invitée, je prends mes jambes au cou et me dit : « attention elle possède sans doute le poison qui tue « les culs terreux »
La belle est sur mes talons, elle me rattrape et me demande pourquoi je la fuis jusqu'à la lisière de la brousse
Je lui dis s'il y a quelque chose à me dire, dis le moi vite, sinon je porte plainte à la cour du chef Remadj
Elle me répond : « Y a-t-il d'autres paroles que celles qui te disent que je suis revenue pour m'asseoir pour travailler la terre avec toi.
Ma belle, ne te rends-tu pas compte que tu t'abêtis, belle associée, je te conseille de ne pas devenir une femme-insecte
L'on dit que l'œil qui blanchit l'époux ne fonde jamais une famille, tu iras et finiras ta vie la jambe en l'air.
C'est à toi l'ami que je confie cette histoire que nous avons en commun à deux.
Mais chut n'en parlons pas trop. Qui insiste sur l'indicible risque de provoquer contre lui la rancune tenace ; ici s'arrête donc ma chanson130.

Koulsy Lamko131

À Laokein B.

Chaque nuit où l'orage abat
les maisons et les huttes de briques séchées au soleil
Chaque nuit chaude où les hommes sont à la merci des moustiques
Chaque nuit silencieuse qui fera écho au hurlement de la chouette
Chaque nuit où la renaissance du sol poussera son cotylédon

Tu hanteras longtemps les nuits agitées de
Ces marchands d'âmes
Ces marchands d'armes
Ces marchands de larmes
Traîtres sortes de chiennes galeuses
Ceux qui t'ont vendu
Pour un ragoût d'agneau sur le gril
Pour une gorgée de bière chaude et amère

Chaque nuit d'orage, ils auront le ventre lourd de honte
Chaque nuit chaude, ils porteront un foie lourd de pus
Chaque nuit silencieuse, les charançons leur perceront l'estomac
Chaque nuit de réveil, ils porteront une énorme rate trempée, crevée, noyée

Des caméléons traîtres aux yeux visqueux, des hyènes la queue entre les pattes
Graisses elles seront grosses et grasses de la graisse de leurs festins
Et puis un jour leurs pattes lourdes de goutte
Ne les porteront plus

Je sais que tu es du fumier au pied de l'hibiscus
Tu tisses sur la quenouille les aurores boréales
Pour les noces de l'étoile du matin
Quand l'orteil du paysan ne trébuchera plus sur la souche du néré
Quand le pied du berger ne trébuchera plus abritera plus longtemps l'épine de la saponaire
Quand les dents de sabre de l'hippopotame ne fendront plus le pagayeur du canoë132

N'Djamena

Cette putain de ville
qui ne sait pas taire les batifolements de ceux qui forniquent
cette ville de lépreux aux doigts gourds
cette ville de mensonges où l'on tue les lapins
qui traversent la rivière pour un paquet de sucre

Ville four pour cuire le cuir de l'hippopotame
quand soufflent les alizées de l'aride désert mars avril mai juin
cette ville qui s'accroche entièrement à l'oeil, à la gueule, à la narine

Ville poussière aux rues en damier, jonchées de sacs plastiques noirs
ici devant l'Hôtel de ville
au milieu des immenses piles de détritus de boîtes de poubelles
s'échangent les alliances de fiançailles
Ville bourbier de saisons des pluies, ville lacustre 
inondée par la moindre goutte de pluie on n'a plus pied dans l'eau
dans les maisons de pisé et les occupants de porter leurs mocassins sur le crâne 
pour la traversées des rues-ruisseaux
et d'appuyer leurs pantalons sur les monticules
avant de revenir s'immerger dans le tumulte du Béguinage

Grosses mouches vertes, araignées sauterelles tristes en désordre,
préservation de la faune; de la nature; de l'éco-système ; Beauté
réservée, pour finir à l'Unesco en manière de patrimoine mondial de l'humanité
ici l'on sait conserver l'héritage néolithique
Toumaï est des nôtres
je sens les scarabées rampants gavés de bouse à la parade nuptiale de l'hippodrome
qui s'en retournent à califourchon dans leur tombe
transportant, agitant les victuailles en boules rondes
la nourriture d'années de défécation
un grande et lourd cathéter noir enroulé dans sa viscosité
l'énorme pâte de mil rouge
ici les jardins sont des latrines
Ville carnivore et sangsue
l'adolescence voyage jusqu'à la dissolution voleuse, la joue balafrée
on se déchire les nerfs, la chair pour se faire bandit
et les coyotes ingénus sous les couvercles de poubelle
fouillent pour trouver des morceaux de chair rebelle
se raccroche à l'os de poulet mastiqué
les chiens ont le museau si faible que le plus petit tibia est trop lourd à porter

Et pendant que se noient les hommes - mouche perdue dans les vapeurs d'alambic
la conscience dans la pâte de manioc se nourrit de cyanure en intraveineuse
On me dit qu'ici l'on se repose mais je ne peux pas croire que le suicide est un destin
De quoi se repose-t-on dans une telle désolation ?
Ne pouvions nous plus continuer de marcher ?
Il vaut mieux faire quelques pas de plus qu'être né fatigué, épuisé et exténué
pour dire qu'ici c'est : N'Djamena !
la Dernière station fatale133 !

Nimrod Bena Djangrang134

Terminus...

Terminus
l'avion en papier est en chute libre dans l'enfant
le silex et la rivière

Le temps questionne ses réponses qui montent et se retirent avec la marée
dans le seau d'un enfant.
Le silex poursuit son duel avec la rivière pour la mémoire de l'eau
Réveille-toi dans tes os la mort fermente comme un chien dans tes jambes
Réveille-toi dans tes os joue du miroir
la mort te prend à la gorge et ne te lâchera pas de sable et de limon

Réveille-toi dans tes os tu avances en file indienne à la lueur des cadavres
ton visage jeté par la fenêtre qu'as-tu fait de ton enfance ?
Tous les fleuves se perdent en mer

Réveille-toi dans tes os tu avances  matelot-sanglot dans l'eau dormante
sur le charnier des jours passés fermé comme une paupière que soulève la nuit

Qu'as-tu fait de ton enfance ?
un long silence soleil tombé du nid de ta voix dans la mienne

Ni chanson ni prière le même sans chasuble ni stock-option
le même

Je ne m'appelle pas Joyeux Noël
je ne suis pas le ver solitaire des subventions publiques
et je n'ai pas écrit :

je est un écho
il roule sous le crâne et qui l'a dit
la voix ne rassemble à rien

Je ne suis pas le Passage Jouffroy
je ne suis ni boutiquier ni candidat à la Légion d'honneur
certains en rêvent déjà tout petits

J'ai toujours pensé qu'il fallait d'abord tuer le con dans l'homme
et le cheval dans l'oiseau

La main passe et le gant est à sa recherche
la nuit n'a pas encore été décapitée

TOUARÈGUE

Rezzou heureux de Moussa ag Amastane135

Moussa fils d'Amastan fait route au milieu des élévations sablonneuses.
Nous le suivons pendant qu'il presse du pied son méhari à liste,
Qui a une (haute) bosse et qu'on ne sangle qu'avec de la mousseline blanche,
Sur son flanc est appuyé le fusil,
Moussa lui a donné pour compagnon un grand nombre de chevaux.

Vous n'avez plus d'honneur, ô mauvais imrad !
Vous avez rejeté et laissé aller seul Moussa dans l'Ahnet, pays des violons, recruter des compagnons,
Point d'homme parmi vous dans lequel s'éveille le sentiment de l'honneur.
Regardez ! tout le monde suit Moussa, jusqu'aux boiteux et aux manchots, excepté vous !
Akamadou le boiteux, son chameau à balsanes chemine côte à côte de celui de Moussa,
Kaimi le manchot, avec sa trousse, marche serré aux côtés de Moussa et des siens.
C'est au puits d'I-n-belren que nous avons laissé nos femmes,
Dont les tempes et le bord des joues sont bleuis par l'indigo.

Bekki, l'amour que j'ai pour toi à qui le cacherai-je ?
Car il n'est pas dans la main, où il suffirait de le frapper pour le faire tomber,
C'est dans le cœur même qu'il est, là où il est solide.
Hekkou, sa peau a la douceur du pain
De sucre qu'aiment tous les jeunes gens ;
Elle est comme un faon d'antilope descendant l'oued Tigi,
Qui va de gommier en gommier broutant les feuilles pendant les nuits d'été.

Déclaration

Une chose nullement douteuse, certaine,
C'est que si le tourment de l'amour tuait,
Par Dieu ! je ne vivrais pas jusqu'à ce soir,
Le soleil ne se lèverait plus pour moi le voyant.
Geggé, ton amour est rude pour le cœur :
Il a dissous la moelle au dedans de mes os ;
Il a bu mon sang et mes chairs ; je ne sais ce qu'ils sont devenus ;
Il ne me reste que les os qui se tiennent debout.
Et la respiration qui souffle lentement et silencieusement sous eux.
Vous n'avez encore jamais vu une âme dans laquelle existe une ville entière
De tourments, et qui pourtant est vivante,
Va aux réunions galantes, joue et rit.

Kourman136

Tandis qu'ils dorment tous, je dis mon chant d'amour

Tandis qu'ils dorment tous, je dis mon chant d'amour.
Des pensées en grand nombre à l'envi me poursuivent,
Soufflées par le démon ténébreux dont tourmentent
Mon âme à l'agonie les murmures fétides ; (...)
Lorsqu'il me dit tout bas : « Je sais pour cette nuit
Quels tendres entretiens nous donnerait l'amie
Dont la bouche mignonne [en s'entrouvrant découvre ]
Des dents que leur blancheur rend pour toi plus précieuses
Que les brins ajourés d'un tissu de coton. »

J'enlace [dans mon rêve ] un cou que lui envie
La gazelle paissant sur les terres herbeuses.
Huilés et torsadés, ses cheveux sont pareils
À la corde tressée dans la laine des chèvres.
Sa peau luit comme un champ sur la haute colline,
Quand les nuées gonflées déversent à l'aplomb,
Au milieu des éclairs, une pluie ruisselante,
Dont s'abreuve et se lave une steppe assoiffée.
Ah ! j'aime son visage, entre joues et sourcils.

Ah ! elle m'a frappé d'un dard empoisonné,
Me laissant à mon mal et aux plaies qui me rongent.
Est-ce un aigle qui plane au-dessus de ma tête ? (...)
Dans mon sang il se baigne et son bec est dressé,
De ses serres il ouvre une plaie douloureuse (...)
Comme si ce démon avait entendu l'aigle
La vision se dissipe en un froissement d'ailes (...)
J'approche mon chameau et je saisis sa selle,
Prêt à le cravacher d'un rameau de gommier137.

Mon cousin, j'ai dormi...

Mon cousin, j'ai dormi à l'entrée du vallon,
seul, près de deux buissons, comme un mort oublié ;
sans autre compagnie que d'amers souvenirs,
je répandais les pleurs dont s'inondaient mes yeux ;
dans mon âme brûlante un brasier flamboyait
et je cherchais en vain l'eau dont me rafraîchir [... ]
Ah ! solitude amère et tourments qui me tuent !
J'ai pris ma longe et ma cravache au cuir tanné,
et, voulant fuir ce lieu avant la fin du jour,
j'ai saisi mon chameau...(...)
Dans la vallée d'Abadrekum, là où les pluies

verdissaient l'an dernier les pousses d'awäjjagh,
j'ai erré tout le jour sur les aires désertes
des camps abandonnés, et même l'ombre fraîche
apparaissait brûlante à mon cœur désolé.
Je croyais rencontrer celle auprès de laquelle
j'avais eu si souvent de tendres devisées,

la fille qui aurait mêlé son rire au mien
et dont j'aurais troublé les cheveux mis en tresse...

Hawad138

Buveur de braises

Ô assoiffés
nous avons bu les braises. (...)

je porte le deuil et la résistance
Mon visage est la métamorphose
de toutes les défaites de l'histoire
en revanches de l'aube
sur le crépuscule. (...)

Afrique et Amérique Latine
en plein poumon sont piétinées
âmes flétries. (...)

Ils nous ont volé les larmes,
Ils ne nous voleront pas la poésie. (...)

En 1917 la France nous a châtrés
puis le Niger nous a jetés
dans un marécage de gale
le Mali nous a tannés de poux
la Libye nous a empâtés la langue
l'Algérie nous a mis le licou. (...)

O touareg
Ou bien l'orgueil d'une vie fière
une vie qui ne soumet
pas même la dignité de l'ennemi
la mort ou alors l'effacement
jusqu'au résidu de notre semence
cette goutte de sueur
qui déjà se confond avec le gravier
pavant la voie de l'infini nomade. (...)

Nous sommes le miroir du futur
Où est l'éclair qui veut connaître
le visage du crépuscule
fondu dans son aube ?

Nous sommes la mémoire et le rêve 
Nous sommes la branche et la racine du temps

Et nous savons faire oublier à l'homme
le chagrin de ses perles. (...)

La terre et les cieux sont nuée
de larmes et de mugissements

Et nous savons veiller sur le compagnon vent
quand il s'épuise et brise ses ailes
et apprendre à l'étoile à rire quand elle s'aveugle. (...)

Avec tout ce qui s'est effondré sur nous,
même s'il s'agit du ciel, avec le fardeau, nous marcherons. (...)

Et le front de la nuit que nous avons blanchi
en veillant sur la pierre de la résistance ?

Comme nos frères fils d'Israël
au temps de leur grand exil
je bois la conscience nocturne de l'encre
et m'enivre de la raison de l'alphabet. (...)

Nous sommes les rivets de la mémoire
dans les tempes de l'aube
et les traits de feu posés entre les racines
et les envolées de l'absolu. (...)

Mon visage est grimé de lames d'étincelles
Car nous sommes cette pierre tombale
du temps et du vent. (...)

d'une faim d'étoiles que j'avalerai
dans la poussière de la marche, (...)

Écartez-vous, écartez-vous
laissez-nous encore la bride de l'épuise-vent
Pour l'homme des carrefours
et de l'embouchure des rêves
nul besoin d'un mensonge
crue de larme bridée par la pitié. (...)

Hommes
rêvez de tous les larges du désert
où nous sommes libres
un seul peuple fier jalousant les étoiles. (...)

Hé Touaregs
fruits exotiques pour les médias
et les quincailleries touristiques
made in Paris-Dakar singes toutes directions. (...)

N'avons-nous pas existé ? Nous étions peuple de javelots
N'avons-nous pas vécu ? Nous étions les palmes
des aurores et des routes psalmodiant les voix
des tendons et des racines
en fouets enveloppant
la colombe des rêves au fond des girons
de la flamme et de l'amour (...)

Et Toi l'autre rive Pégase aux ailes
de chardons et de braises (...)

nous avons nourri les braises
Échardes nous avons remonté la douleur
jusqu'aux fibres du nerf
Et fiel aigre nous délions les vertiges
et la panse des météorites.

Ide Adamou139

Cri inachevé

As-tu vu mon pays
Que l'on montre du doigt
As-tu vu mon Sahel nu
Qui grelotte de froid ?

As-tu vu le soleil coincé
Dans la veine des plantes
Et le gao excédé
Atteint de calvitie précoce
Qui penche sa tête
Comme pour nous prendre à témoin ?

As-tu vu tout cela
As-tu vu mon Sahel
Qui inspire le dégoût

Ma vache aujourd'hui...

Ma vache aujourd'hui
Se restaure de sa bouse

As-tu vu mon Sahel
As-tu vu mon pays
Où les chères s'ennuient
Sous les arbres désolés
Vois, vois la terre vaincue
Qui t'offre ses fissures
Comme pour un contact ultime

As-tu vu mon Sahel où
Les charpentes effondrées
Blanchissent au soleil
En attendant les comptes statistiques ?

Vois, vois mon Sahel nu
Qui grelotte de froid
Regarde et dis-moi
Combien y a-t-il de ventres gonflés de prière
Combien y a-t-il de charpentes effondrées patatras
Combien de vaches recroquevillées
Combien de plantes qui s'étiolent
Sur la terre écaillée   

Ô Sahel, mon pays blessé
Comme une femme révoltée
Tu étales ta nudité
Suprême défi
A l'humanité  

J'ai peur !

J'ai peur !
Oui, je ne vous le cache pas,
je  le dis : j'ai peur !
J'ai peur de tous les hymnes que vous chantez
élixirs vomis à tue-tête, poitrine en avant,
j'ai peur de vos drapeaux qui claquent au vent de votre folie
j'ai peur, oui, je vous le dis,
de vos tentes dressées partout
dans les jardins fleuris 
J'ai peur de vos jeux d'adultes
dans les allées coutumières
Je sais qu'un jour vous aurez ma peau !
J'ai peur, oui, je vous le dis
J'ai peur de vos mains gantées qui cachent mille cactus
J'ai peur lorsqu'un enfant appelle la vie
dans son berceau glacé
J'ai peur quand il s'extasie
car Je sais qu'un jour 
vous aurez sa peau !

Titinga Frédéric Pacere140

Héros d'ébène

Spectre d'infamie ? Scandale du monde ?
Réalisations de frondés anathèmes ?
Ou prostitutions de Pouvoirs Suprêmes ?
Ou grands que l'opprobre et l'hypocrisie confondent ?
Le lion attaqué réagit en vipère !
Les couronnes n'aiment pas les émulations !
Et l'Ethiopie n'est pas une zone de sélection !
Les scorpions vivent nombreux partout sur la terre !
L'Afrique est en péril ! Ses chefs sont dignes de blâme !
Nous fûmes sauvés, on nous l'a appris, par des Anges,
Et le peuple noir reconnaissant chante leurs louanges,
En flétrissant leurs frères descendant du vieux Cham.
Qu'avez-vous fait, « Dieux venus nous délivrer »,
Protagonistes de situations confuses,
«  libérateurs de l'Afrique », « fils de la Méduse »,
Qu'avez-vous fait pour mériter de tels lauriers ?
Dites-le Voulet-Chanoine, « hommes de la non-violence »,
Attaquant les arcs du Mogho par les canons.

L'appel du tambour

Fils de mes Pères,
Allons sur la place du Marché!
Les archers y jettent les flèches du Sahel !

Le marché est le carrefour
De tous les amis, leurs ministres, leurs ministricules,
De tous ceux qui peuvent si bien compter les cauries,
Danser au Louparadou, et dire la Messe à Saint-Pierre de Rome!
Le marché est le carrefour de tous ceux qui vomissent à l'extérieur
Ce qu'ils n'ont pas mangé à l'intérieur,
Qui montrent à longueur des temps
Des fleurs sur des champs de fumier
Et des carcasses de chantiers,
Qui tiennent haut le crachoir et qui finiront
Tous les bavoirs de la République,
Qui sont corbeaux et séparent si bien ce que Dieu a uni !

Le marché est le carrefour de tous ceux
Qui représentent ceux qui représentent que,
Seul, un Seigneur sectaire, dans sa magnanimité,
Ouvrira les portes d'un paradis,
Le carrefour de tous les ubiquitaires, qui, à mille lieux à la ronde,
Se font voir, entendre sans jamais être vus!

VERS RECUEILLIS PAR CHARLES DE FOUCAULD

anonyme

Pour ailes j'ai mon méhari

Louange à Dieu, possesseur de la force,
qui m'a donné pour ailes mon méhari acajou clair !
En quelque lieu que me saisisse ce coquin de mal d'amour,
il me porte au campement de celle que j'aime.

Kel-Gelah141

Rêverie au clair de lune

Cette clarté de la lune, ô mon méhari brun-rouge,
s'unit bien à ton pas lent et cadencé.
L'œil veut la vue de la personne aimée ; l'amour est un coquin
qui ne fait pas mourir et ne laisse pas vivre.

Douce liaison rompue

Quand je quittai la vallée de Tineleft après l'avoir traversée,
je trouvai un bonheur qui eut été parfait s'il eût duré.
Il fut délicieux jusqu'au jour où il commença à s'altérer.
Puis il s'est brisé, je voudrais ne l'avoir jamais connu.

Le mariage d'Ämenna

(...) Je vous ai laissés aux tentes, vous amusant ;
j'ai appris que vous aviez cuit sous la cendre un mauvais petit mariage
qui est resté un mystère pour tout le pays ;
ce mariage, tu es le valet qui y a servi ;
vous l'avez célébré dans un couloir entre deux murailles de rocher dans le lit d'un ravin profond ;
pour le repas de noces on a découpé une vieille chamelle, c'est toi qui l'a écorchée ;
fait un trou dans le sable à l'écart pour y faire cuire son cou ;
on a demandé qui avait eu la plus grosse part de ce cou,
toi artisan, ou bien l'esclave qui garde les chameaux ;
prends aussi la callosité du ventre et tout ce qu'il y a de graisse dans la chamelle !
Une action d'éclat, vous en êtes incapables ; on sait
que vous n'avez pas tué à la guerre même un âne entravé. (...)
Je monte un méhari blanc, je suis aussi loin que le firmament
de l'homme ou de la femme en qui il y a du mal ;
quand je vois une femme sans honneur, je passe outre.(...)
votre mauvais petit mariage ne me fait pas de peine, Lesfer,
lui dont vous faites autant de cas que du soleil qui est au firmament ;
que de gens mariés qui ne sont bons à rien !
Le mariage ne donne pas de considération à celui qui l'a perdue.
Je ne consentirai jamais à ce qu'aucun homme soit au-dessus de moi,
vêtu d'honneur et moi d'un tapis de selle :
accepter cela est aussi loin de moi que le doigt l'est du firmament.

Iklân-en-täousit142

Épigramme d'Eberkaou contre Äkhmâdou

Äkhmâdou, espèce de grosse nuque
aux longues jambes et au long cou !
Je n'ai pas besoin de toi, comme corde, pour puiser à Ehêli ;
je n'ai pas besoin de toi, comme bœuf, pour tirer de l'eau ;
je n'ai pas besoin de toi, comme nègre, pour garder les chamelles.
Äkhmâdou, par le Koran qui a tué l'artisan, je le méprise !

Iheiaouen-Hâda143

Réponse d'Äkhmâdou à Eberkaou

Moi, cette année j'ai vu
Eberkaou contre laquelle j'ai marché, me débattant pour sauter sur elle,
elle qui a percé le coeur d'un homme
qui m'a fait confidence de sa blessure.
C'est d'Äkhmâdou que je parle, il est sans défaut :
il se revêt de deux tuniques, il s'habille élégamment,
tous ses vêtements lui siéent, jusqu'au voile de visage ;
quand, venant à ma tente, il fait s'accroupir près d'elle Eteines,
celui-ci porte un bel équipement suspendu à la selle, le gland de la sangle bat entre ses jambes,
il est beau, une clochette pend à son cou.
Entasserais-tu trois montagnes d'injures sur la tête d'Äkhmâdou, je lui permets
de me faire des visites galantes ; les visites qu'on me fait ne sont pas comme celle que te fait l'homme
avec lequel chaque nuit tu partages ton jupon.

Imanghasâten

Souhait d'être répudiée

J'ai vu une barbe noire :
j'en ai été distraite au point de laisser tomber ce que je tenais à la main ;
vêtue de trois robes, il me semblait être nue.
L'adultère, je ne le commettrai pas, car il déshonore ;
mon souhait c'est d'être répudiée.

Ighechchoûmen144

Joie d'avoir divorcé d'un mari arabe

(...) Je m'en sui débarrassée de mon Arabe !
Qu'il reste au Tikidelt à croquer des dattes desséchées avant maturité !
Lui et mon chien Ägennaz sont tout un.
Je regarde, mes regards franchissent les montagnes et vont jusqu'à l'Ähnet.
Dites à ceux qui sont dans la vallée d'Amded :
J'ai rompu mon mauvais mariage, je suis revenue aux réunions galantes.

Oûraghen145

Triple prière

Très-Haut, je tends mes mains vers toi ;
je te fais cent et mille prières ;
Très-Haut, je te demande trois choses :
l'amour des jeunes filles, la vaillance dans les combats,
et le pardon le jour de la résurrection.

Embarek Ouassat 146

Écho de bêlement

Juste avant le crépuscule, les champs se secouèrent violemment.
On n'avait jamais vu ça avant,
mais c'était pour eux la seule manière
de se débarrasser des troupeaux qui, tout le temps
leur marchaient dessus.
Ne subsistèrent alors de ces derniers qu'une certaine odeur de laine,
le souvenir de dents broutant de l'herbe,
et l'écho d'un bêlement qui s'éloigne.

Affligés, les bergers revinrent, presque chancelants,
et pour n'être vus de personne, s'engouffrèrent dans des étables.
Seul est resté à traîner, au milieu du village, le berger fou.
Et le voilà encore, debout, le visage illuminé, jouant un air de musique afin de séduire le vent,
le voilà, suppliant ce dernier d'amener ses filles semblables à des ourses,
pour que les enfants qui font cercle autour de lui soient pris de terreur,
et il rira alors de leurs sautillements, de leur affolement,
de leurs cris à tue-tête adressés à leurs mamans.

Un sympathique cheval ailé

J'étais amateur de pêche et vivais tranquillement,
et, sinon riche, du moins je ne manquais de rien,
puis vinrent les temps difficiles
après que je me suis épris de la vie nocturne,
avec ses filles frivoles, ses bars, ses vins et ses guerres ;
et certains allèrent même jusqu'à dire
que j'avais bel et bien perdu la raison,
après qu'ils m'eurent vu au milieu des nuits,
et avec moi mes filets
que je jetais vers le haut, espérant attraper
une étoile souriante,
un nuage fredonnant quelque chant,
ou même un sympathique cheval ailé,
qui me porterait sur son dos,
et me ferait faire de merveilleux voyages,
que je raconterais aux petits-enfants,
qu'un jour,
j'aurais.

Une jupe

Un matin, d'un été assez lointain, j'étais assis à la terrasse d'un café sur la plage.
J'étais alors étudiant et avais dix-huit ans.
Des baigneurs entraient dans l'eau, sautillant, ayant un peu la tremblote,
alors que moi, je lisais un journal et jetais, de temps à autre, un regard à la mer.

Soudain, mon attention fut captivée
par une jupe qui était sortie de derrière un monticule de sable
et venait vers moi, un peu frémissante
et sans personne dedans !
J'ai sursauté de ma chaise, et pressé le pas,
d'autant plus que j'avais la quasi-certitude
que ce n'était pas la première fois que je voyais cette jupe !

Et derrière le monticule, tu te dressais, en maillot de bain,
avec un large sourire aux lèvres, Saloua !
Auparavant, nous n'avions échangé que quelques regards
dans le hall de la faculté, et quelques autres à l'entrée d'une pharmacie...
Et tu me dis :
C'est ma jupe, je te l'ai envoyée afin qu'elle t'attire jusqu'à moi,
et la voilà qui revient !

ZIMBABWÉENNE

Dambudzo Marechera147

Quand l'amour est mort

En voilà un qui sans un bruit
Hurla mille tourments dans la nuit ;
Un qui feignant des formules polies
Lança au ciel dans un cri de terribles malédictions
Un dont le pas réglé qui mène à l'autel
Souleva plus de poussière qu'un buffle au galop --
La paume humide des poignées de main molles
Cachait la patte puissante et poilue d'un grizzli.
Mais le miroir impassible nia tout en bloc.
Le poème rendu poisseux par des siècles de sommeil
Et anémié par l'absence d'une discipline de fer
Et pâli par des cures de slogans politiques
Et coincé sous la porte entre Europe et Afrique,
Le poème, de dépit, commença
à mordiller ses lèvres-strophes.

Vision primitive

J'ai rêvé d'Amelia infidèle aux cieux
Elle échangeait des baisers et plus encore avec quelque Ange,
Lui disant quelle pauvre petite frappe j'étais
Lui disant que ma poésie était un venin visqueux fruste et sordide
Tout juste assez puissant pour attirer au lit -- mais rien de plus.
Trois fois en une nuit ce rêve planta des dagues dans mon cœur
Jusqu'à ce que mes lèvres rougies de jurons contre les traîtres Cieux
Se retroussent sur mes crocs ruisselants et je frappai la sinistre vision
Dans mon sommeil.
Quel espoir a la vertu aux Cieux quand Dieu et ses Anges
Sur terre ont abasourdi Joseph avec la grossesse virginale de son Épouse,
Quand de l'Olympe Zeus s'envole pour violer Léda la Belle et Io la Désemparée,
Quand des étoiles lointaines E.T. vient enlever les filles de la Terre --
L'Enfer est aux Cieux et les Cieux en Enfer quand c'est de mon amour qu'il s'agit
Mais je vengerai mon Amelia sur des nones trop confiantes.

Arès enchaîné

L'horizon toujours fuyant a bien Une porte :
C'est là qu'est la chambre de mon véritable amour, le doux secret de mon véritable amour.
Le soleil d'or au zénith ouvre une fenêtre d'argent dans le ciel -- Ambroisie !
Il me transforme aussitôt en un demi-dieu de bronze et je me précipite sans tarder
Vers mon véritable amour.
Mais l'horloge sonne cinq heure et les larmes d'or amer de mon amour ; ressentiment ultime et Sans contrainte
Et je me réveille lentement pour faire entrer d'un signe de tête le prochain client
dans mon bureau.


  1. José Eduardo Agualusa : 1960 - - 

  2. Arlindo Barbeitos : 1940 - 2021 

  3. Recueilli par Arbouset (1842) 

  4. trad LS Senghor 

  5. Agbossahessou : 1911 - 1983 

  6. Wilfried Ahanzin Crecel : nc - nc 

  7. Noureini Tidjani-Serpos : 1946 - - 

  8. Jean-Jacques Sewano Dabla : 1956 - 0 

  9. Sandra Pierrette Kanzié : 1966 - 0 

  10. Bernadette Sanou Dao : 1952 - 0 

  11. Titinga Frédéric Pacéré : 1943 - 2024 

  12. Patrice Nganang : 1970 - - 

  13. 1984- 

  14. René Philombé : 1930 - 2001 

  15. Sinzo Aanza : 1990 - - 

  16. Bill Kouelany : 1965 - - 

  17. Jean-Baptiste Tati Loutard : 1938 - 2009 

  18. Tchicaya U Tam'Si : 1931 - 1988 

  19. Dieudonné Niangouna : 1976 - - 

  20. Abdel Rahman El-Abnoudi : 1938 - 2015 

  21. Trad Mona Anis 

  22. Ahmad Fouad Ngem : 1929 - 2013 

  23. Trad Omar el Moustapha 

  24. Salah Jahin : 1930 - 1986 

  25. Recueillis et traduits par Katell Morand 

  26. Trad Christiane Seydou 

  27. Vers 1900- (éleveur) 

  28. Trad Christiane Seydou 

  29. Amilcar Cabral : 1924 - 1973 

  30. Trad Florent Boucharel 

  31. Trad Florent Boucharel 

  32. Vasco Cabral : 1926 - 2005 

  33. Trad Florent Boucharel 

  34. Hélder Proença : 1956 - 2009 

  35. Trad Florent Boucharel 

  36. 1954- 

  37. Bernard Dadié : 1916 - 2019 

  38. Noël X. Ebony : 1953 - 1986 

  39. Michel Gbagbo : 1969 - - 

  40. Maurice Koné : 1932 - 1979 

  41. Véronique Tadjo : 1955 - - 

  42. Mohammed Achaâri : 1951 - - 

  43. Ahmad al-'Alâwî : 1869 - 1934 

  44. Tahar Bekri : 1951 - - 

  45. Hedi Bouari : 1932 - - 

  46. Nina Bouraoui : 1967 - - 

  47. Rachid Boudjedra : 1941 - - 

  48. Abou el Kacem Chebbi : 1909 - 1934 

  49. Bios Diallo : Vers 1980 - - 

  50. 1933-1982 

  51. Moncef Ghachem : 1946 - - 

  52. Sophie el Goulli : 1931 - 2015 

  53. Tahar ben Jelloun : 1944 - - 

  54. Abdellatif Laâbi : 1942 - - 

  55. Mouloud Mammeri : 1917 - 1989 

  56. Ahmed Mejjati : 1936 - 1995 

  57. Shams Nadir : 1940 - - 

  58. Jean Sénac : 1926 - 1973 

  59. Kateb Yacine : 1929 - 1989 

  60. 1452 

  61. Jacques Rabemananjara : 1913 - 2005 

  62. Jean-Luc Raharimanana : 1967 - - 

  63. Texte qui daterait de 1222 et classé par l'UNESCO au patrimoine 

  64. Massa Makan Diabaté : 1938 - 1988 

  65. Amadou Hampâté Bâ : 1900 - 1991 

  66. Sekou Demba : vers 1985 - 0 

  67. Chinua Achebe : 1930 - 2013 

  68. Catherine Obianuju Acholonu : 1951 - 2014 

  69. Ayo Ayoola-Amale : 1970 - - 

  70. Akinwumi Isola : 1939 - 2018 

  71. 1947- 

  72. 1930- 

  73. 1974- 

  74. 1934- 

  75. Rhissa Rhossey : 1972 - - 

  76. Auteur supposé - Extraits d'un poème dynastique du XVIIIème 

  77. Cyprien Rugamba : 1935 - 1994 

  78. Bakary Diallo : 1892 - 1978 

  79. Souleymane Diamanka : 1974 - - 

  80. Birago Diop : 1906 - 1989 

  81. David Diop : 1929 - 1989 

  82. Amadou Elimane Kane : 1959 - - 

  83. Kine Karama Fall : 1934 - - 

  84. Amadou Lamine Sall : 1951 - - 

  85. Léopold Sedar Senghor : 1906 - 2001 

  86. Maxamed Ibraahin Warsame 'Hadraawi' : 1943 - 2022 

  87. Trad Maxamed Xasan 'Alto' Dit Jama Hussein + VF Google 

  88. William J P Syad : 1930 - 2021 

  89. Warsan Shire : 1988 - - 

  90. Al-Tigani Yousif Beshir : 1912 - 1937 

  91. Muhammad al-Faytouri : 1936 - 205 

  92. Trad Anna Murisson 

  93. Idriss Jamma' : 1922 - 1980 

  94. Trad Jalej al Gharbi 

  95. Mohammed Mekki Ibrahim : 1939 - 2024 

  96. Trad Florent Boucharel 

  97. Trad Florent Boucharel 

  98. Mohammed Ahmed Mahgoub : 1908 - 1976 

  99. Tarek El-Tayeb : 1959 - - 

  100. Trad Manou 

  101. XXX-2020 mort en mer 

  102. Trad Mediapart 

  103. Eva Bezwoda : Vers 1950 - - 

  104. Breyten Breytenbach : 1939 - - 

  105. Ronelda Kamfer : 1981 - - 

  106. Trad néerlandaise Alfred Schaffer 

  107. Kenya 

  108. Mahmoud Ahmed Abdulkadir dit Mao : 1952 - - 

  109. Trad Mathieu Roy 

  110. Cheikh Kaluta Amri Abedi : 1924 - 1964 

  111. Snow White Akilimali : 1940 - - 

  112. Hemed Abdallah El-Buhry dit Mzee Kibao : 1850 - 1928 

  113. Trad Xavier Garnier 

  114. Euphrase Kesilahabi : 1944 - 2020 

  115. Trad Katriina Ranne 

  116. Mwana Kupona binti Msham : 1810 - 1865 

  117. Trad Mathieu Roy 

  118. Fumo Liyongo : IX-XIIIè siècle - nc 

  119. Ngwatilo Mawiyoo : 1983 - - 

  120. Ali Al'amin Mazrui : 1933 - 2014 

  121. Trad Katriina Ranne 

  122. Mathias E. Mnyampala : 1917 - 1969 

  123. Wanjiku Mwaurah : 1989 - - 

  124. Nabhany : 1983 - - 

  125. Trad Mathieu Roy 

  126. Julius Kambarage Nyerere : 1922 - 1999 

  127. Zena : 1966 - - 

  128. Trad Mathieu Roy 

  129. Belmodj : 1980 - - 

  130. Trad Koulsy Lamko 

  131. Koulsy Lamko : 1959 - - 

  132. Trad Agnès Merat 

  133. Trad de l'adaptation espagnole d'Araceli Zuleta Zarco par E. 

  134. Nimrod Bena Djangrang : 1959 - - 

  135. Rezzou heureux de Moussa ag Amastane : Vers 1870 - - 

  136. Kourman : nc - 1989 

  137. Trad Moussa Albaka 

  138. Hawad : 1950 - - 

  139. Ide Adamou : 1951 - - 

  140. Titinga Frédéric Pacere : 1943 - 2024 

  141. Kel-Gelah : 1840 - 1874 

  142. Iklân-en-täousit : 1870 - nc 

  143. Iheiaouen-Hâda : 1867 - nc 

  144. Ighechchoûmen : 1870 - nc 

  145. Oûraghen : 1825 - 1880 

  146. Embarek Ouassat : 1955 - - 

  147. Dambudzo Marechera : 1952 - 1987